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22/12/2006 | FRANCE | N°04PA03981

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre - formation b, 22 décembre 2006, 04PA03981


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les

20 décembre 2004 et 21 mars 2005, présentés pour la société CHARVET PLACE VENDOME SAS, venant aux droits de la société CHARVET, dont le siège est 28 place Vendôme à

Paris (75001), par Me Gatineau ; la société CHARVET PLACE VENDOME SAS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 octobre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 11 mai 2001 de la ministre de l'emploi et de la solidarité autorisant le licenciement de Mme Lysiane X ;

2°)

de rejeter la requête présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les

20 décembre 2004 et 21 mars 2005, présentés pour la société CHARVET PLACE VENDOME SAS, venant aux droits de la société CHARVET, dont le siège est 28 place Vendôme à

Paris (75001), par Me Gatineau ; la société CHARVET PLACE VENDOME SAS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 octobre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 11 mai 2001 de la ministre de l'emploi et de la solidarité autorisant le licenciement de Mme Lysiane X ;

2°) de rejeter la requête présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de condamner Mme X à lui verser une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2006 :

- le rapport de M. Biard, rapporteur,

- les observations de Me Coudray pour Mme X,

- et les conclusions de Mme Desticourt, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : « Toute partie est avertie, par une notification faite conformément aux

articles R. 611-3 ou R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. Dans les deux cas, l'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience. Toutefois, en cas d'urgence, ce délai peut être réduit à deux jours par une décision expresse du président de la formation de jugement qui est mentionnée sur l'avis d'audience… » ; et qu'aux termes de l'article R. 431-1 du même code : « Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision…, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire. » ;

Considérant que, dans l'instance l'opposant devant le Tribunal administratif de Paris à Mme X, la société CHARVET était représentée par la SCP Gatineau, laquelle n'a pas été destinataire de l'avis d'audience fixant le jour où cette affaire devait être examinée en séance publique ; que le dossier de première instance ne comporte, en effet, ni l'avis de réception prévu par l'article R. 611-3 du code de justice administrative, ni le récépissé ou procès-verbal mentionnés à l'article R. 611-4 du même code dans l'hypothèse d'une notification par voie administrative ; qu'ainsi, la société requérante est fondée à soutenir que le jugement du Tribunal administratif de Paris du 13 octobre 2004 a été rendu sur une procédure irrégulière et doit, pour ce motif, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur la légalité de la décision du 11 mai 2001 de la ministre de l'emploi et de la solidarité :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 425-1 du code du travail dans sa rédaction résultant de la loi du 28 octobre 1982 : « Tout licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement. Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. Lorsqu'il n'existe pas de comité d'entreprise dans l'établissement, l'inspecteur du travail est saisi directement ... » ; et qu'aux termes de l'article L. 412-18 du code du travail dans sa rédaction issue de la même loi : « Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ou de l'autorité qui en tient lieu… » ;

Considérant qu'en vertu de ces dispositions, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas ou la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Considérant que, pour annuler la décision ministérielle autorisant le licenciement de Mme X, le tribunal administratif s'est notamment fondé, dans son jugement du

13 octobre 2004, sur le fait que cette mesure n'apparaissait pas dépourvue de tout lien avec l'activité syndicale et les fonctions représentatives normalement exercées par la salariée ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les difficultés et tensions entre Mme X et la direction de la société sont apparues au mois de février 2000, date à laquelle elle a été élue en qualité de déléguée du personnel, donnant ainsi pour la première fois depuis la création de l'entreprise une représentation organisée à son personnel ; que Mme X, recrutée en mai 1994 en qualité de vendeuse, n'avait précédemment fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire ni d'aucune observation écrite pour des faits liés à son comportement dans l'entreprise ou à des manquements répétés aux tâches et obligations issues de l'exécution de son contrat de travail ; qu'à compter de son élection puis de sa désignation, en mars 2000, en qualité de déléguée syndicale jusqu'au mois de décembre 2000, la direction de l'entreprise lui a adressé une quinzaine de courriers, signalant différents manquements aux consignes et instructions émanant de son employeur ; que compte tenu du caractère brutal de la détérioration des relations entre Mme X et sa direction, et eu égard à la concomitance manifeste entre l'acquisition de ses mandats et les difficultés croissantes rencontrées dans ses échanges avec son employeur, la demande d'autorisation de licenciement visant Mme X ne peut être regardée comme étant dépourvue de tout lien avec son appartenance syndicale et l'exercice normal de ses fonctions représentatives ; que, par suite, la ministre de l'emploi et de la solidarité était tenue de refuser l'autorisation de licencier Mme X ; qu'il suit de là que Mme X est fondée à demander l'annulation de la décision du 11 mai 2001 par laquelle la ministre de l'emploi et de la solidarité a autorisé son licenciement ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société CHARVET PLACE VENDOME SAS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société précitée une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par Mme X et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 13 octobre 2004 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La décision du 11 mai 2001 par laquelle la ministre de l'emploi et de la solidarité a autorisé le licenciement de Mme X est annulée.

Article 3 : La requête de la société CHARVET PLACE VENDOME SAS est rejetée.

Article 4 : La société CHARVET PLACE VENDOME SAS est condamnée à verser à

Mme X une somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) en application de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 04PA03981


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 04PA03981
Date de la décision : 22/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FOURNIER DE LAURIERE
Rapporteur ?: M. Jérome BIARD
Rapporteur public ?: Mme DESTICOURT
Avocat(s) : SCP GATINEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-12-22;04pa03981 ?
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