La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/11/2006 | FRANCE | N°03PA00617

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4eme chambre, 21 novembre 2006, 03PA00617


Vu la requête, enregistrée le 5 février 2003, présentée pour Mme Marie-Francoise X épouse , élisant domicile ..., par Me Borderie ; Mme X épouse demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0002965/5 du 5 novembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Melun a limité à la somme de 6 000 euros la réparation du préjudice que lui a causé la commune de Chelles ;

2°) de condamner la commune de Chelles à lui verser la somme de 121 159,21 euros avec intérêt à compter du 14 août 2000 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Chelles une somm

e de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………...

Vu la requête, enregistrée le 5 février 2003, présentée pour Mme Marie-Francoise X épouse , élisant domicile ..., par Me Borderie ; Mme X épouse demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0002965/5 du 5 novembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Melun a limité à la somme de 6 000 euros la réparation du préjudice que lui a causé la commune de Chelles ;

2°) de condamner la commune de Chelles à lui verser la somme de 121 159,21 euros avec intérêt à compter du 14 août 2000 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Chelles une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;

Vu le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2006 :

- le rapport de M. Lelièvre, rapporteur,

- et les conclusions de M. Trouilly, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par le jugement attaqué du 5 novembre 2002, le Tribunal administratif de Melun a condamné la commune de Chelles à verser la somme de 6 000 euros à Mme X épouse en réparation du préjudice qu'elle lui a causé en refusant de la réintégrer à un emploi d'agent d'entretien de cette collectivité ;

Considérant qu'en indiquant qu'il fallait tenir compte, pour apprécier le préjudice subi par Mme X épouse , du fait que l'intéressée s'était « placée dans une situation ambiguë » en manifestant le souhait d'être mutée vers la ville de Bordeaux et en acceptant un poste d'agent non titulaire dans cette ville durant certaines périodes, le tribunal administratif a implicitement mais nécessairement considéré que la requérante avait commis une faute de nature à atténuer la responsabilité de la commune de Chelles ; qu'en ne précisant pas la part d'exonération de responsabilité du fait de la faute de la victime, le tribunal a entaché son jugement d'une insuffisante motivation ; que, dès lors, ledit jugement doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer pour statuer immédiatement sur la demande de Mme X épouse devant le Tribunal administratif de Melun ;

Sur la faute :

Considérant qu'aux termes de l'article 72 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 : « La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 57. Le fonctionnaire mis en disponibilité qui refuse successivement trois postes qui lui sont proposés dans le ressort territorial de son cadre d'emploi, emploi ou corps en vue de la réintégration peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire. Le fonctionnaire mis en disponibilité, soit d'office à l'expiration des congés institués par les 2°, 3° et 4° de l'article 57 de la présente loi, soit de droit, sur demande, pour raisons familiales, est réintégré à l'expiration de sa période de disponibilité dans les conditions prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article 67 de la présente loi. » ; qu'aux termes de l'article 73 de ladite loi : Un décret en Conseil d'Etat détermine les cas et conditions de mise en disponibilité, sa durée, ainsi que les modalités de réintégration des fonctionnaires intéressés à l'expiration de la période de disponibilité ; qu'aux termes de l'article 26 du décret du 13 janvier 1986, pris pour l'application des dispositions susmentionnées dans sa rédaction applicable à l'époque des faits en cause : Sauf dans le cas où la période de mise en disponibilité n'excède pas trois mois, le fonctionnaire mis en disponibilité sur sa demande doit solliciter sa réintégration deux mois au moins avant l'expiration de la période de disponibilité en cours ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le fonctionnaire territorial mis en disponibilité sur sa demande a le droit, sous réserve de la vacance d'un emploi correspondant à son grade, d'obtenir sa réintégration à l'issue de la période de disponibilité ; que si les textes précités n'imposent pas à l'autorité dont relève le fonctionnaire de délai pour procéder à cette réintégration, celle-ci doit intervenir, en fonction des vacances d'emplois qui se produisent, dans un délai raisonnable ;

Considérant que Mme X épouse , agent d'entretien à la mairie de Chelles, a été placée en disponibilité sur sa demande pour convenance personnelle pour une période d'un an à compter du 25 juillet 1989 ; que la requérante soutient sans être contredite qu'elle a sollicité sa réintégration à l'issue de cette période d'un an ; qu'il résulte de l'instruction que des demandes de réintégration, dont le caractère était dépourvu de toute ambiguïté, ont été présentées plusieurs fois par l'intéressée au cours des années qui ont suivies ; que ces demandes ont été rejetées par le maire de Chelles au motif qu'il n'existait pas de poste vacant correspondant à son grade alors que la commune avait pourtant procédé au recrutement d'agents d'entretien en 1991, en 1995 et enfin le 1er juin 1997 ; que le délai raisonnable pour procéder à la réintégration de l'intéressée était expiré à la date des vacances d'emploi du 1er juin 1997 ; qu'ainsi, Mme X épouse est fondée à soutenir que le maire de Chelles a commis une faute de nature à engager la responsabilité de sa commune ;

Considérant que la seule circonstance que Mme X épouse , maintenue en disponibilité du fait des rejets successifs de ses nombreuses demandes de réintégration, ait recherché un autre emploi au sein de la ville de Bordeaux, ait sollicité à cet effet l'aide du maire de Chelles et qu'elle ait occupé à certaines périodes un poste d'agent non titulaire au sein de la ville de Bordeaux, n'est pas de nature à démontrer que l'intéressée n'aurait pas manifesté clairement sa volonté de réintégrer son emploi au sein de la commune de Chelles et aurait ainsi commis une faute de nature à exonérer, même partiellement, ladite commune de sa responsabilité ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la faute commise par la commune de Chelles a été de nature à prolonger les difficultés de nature sociale que connaissait Mme X épouse ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, résultant des troubles dans ses conditions d'existence, et de son préjudice moral du fait de son maintien illégal en disponibilité, en fixant l'indemnité destinée à les réparer à la somme de 5 000 euros tous intérêts compris ;

Considérant qu'en l'absence de service fait, Mme X épouse ne saurait prétendre au paiement de l'intégralité des traitements dont elle a été privée du 1er juin 1997 au 5 juillet 1999, date à laquelle elle a été réintégrée dans son poste ; que le préjudice dont elle se prévaut est seulement égal à la différence entre, d'une part, la rémunération qu'elle aurait perçue de la commune de Chelles entre le 1er juin 1997 et le 5 juillet 1999, rémunération prenant en compte le grade et l'échelon dont elle aurait dû bénéficier au titre de son ancienneté pour les années 1997, 1998 et 1999, à l'exception des éléments de rémunération liés à l'exercice effectif des fonctions, et, d'autre part, les revenus de toute nature perçus pendant cette période et qui ne l'auraient pas été si Mme X épouse avait été réintégrée ; que toutefois l'état de l'instruction ne permet pas de se prononcer sur le montant des sommes en question ; qu'il y a lieu de renvoyer Mme X épouse devant la commune de Chelles pour qu'il soit procédé à la liquidation des sommes auxquelles elle a droit, dans la limite de 115 159,21 euros ; que Mme X épouse a droit aux intérêts, au taux légal, sur ces sommes à compter du 14 août 2000, ainsi qu'elle le demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la juridiction ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la commune de Chelles devant le Tribunal administratif de Melun doivent dès lors être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Chelles la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun du 5 novembre 2002 est annulé.

Article 2 : La commune de Chelles est condamnée à verser à Mme X épouse la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence.

Article 3 : La commune de Chelles est condamnée à verser à Mme X épouse , d'une part, une indemnité égale à la différence entre la rémunération qu'elle aurait perçue de la commune de Chelles entre le 1er juin 1997 et le 5 juillet 1999, rémunération prenant en compte le grade et l'échelon dont elle aurait dû bénéficier au titre de son ancienneté pour les années 1997, 1998 et 1999, à l'exception des éléments de rémunération liés à l'exercice effectif des fonctions et, d'autre part, les revenus de toute nature perçus pendant cette période. Mme X épouse est renvoyée devant la commune de Chelles pour liquidation, sur les bases ci-dessus définies, de l'indemnité qui lui est due en réparation de son préjudice matériel, dans la limite de 115 159,21 euros.

Article 4 : L'indemnité déterminée comme il est dit à l'article 3 produira intérêt au taux légal à compter du 14 août 2000.

Article 5 : La commune de Chelles est condamnée à verser à Mme X épouse la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de la commune de Chelles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

4

N° 03PA00617


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4eme chambre
Numéro d'arrêt : 03PA00617
Date de la décision : 21/11/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MERLOZ
Rapporteur ?: M. Francois LELIEVRE
Rapporteur public ?: M. TROUILLY
Avocat(s) : BORDERIE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-11-21;03pa00617 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award