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24/10/2006 | FRANCE | N°03PA02196

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3eme chambre - formation b, 24 octobre 2006, 03PA02196


Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2003, présentée pour Mme Geneviève X agissant en son nom personnel et en qualité d'héritière et représentante de l'indivision successorale de feu M. Jean Gérard X son époux, demeurant ..., par Me Rambert ; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 février 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande des consorts X tendant, en premier lieu à l'annulation de la décision du 12 janvier 2001 par laquelle le directeur de l'agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer a refusé d'

indemniser les héritiers X pour les biens dont M. Léon X avait été spoli...

Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2003, présentée pour Mme Geneviève X agissant en son nom personnel et en qualité d'héritière et représentante de l'indivision successorale de feu M. Jean Gérard X son époux, demeurant ..., par Me Rambert ; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 février 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande des consorts X tendant, en premier lieu à l'annulation de la décision du 12 janvier 2001 par laquelle le directeur de l'agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer a refusé d'indemniser les héritiers X pour les biens dont M. Léon X avait été spolié en ex-URSS ;

2°) la condamnation de l'agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer au versement de 50 millions de francs à titre de dommages intérêts augmentés des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la requête ;

3°) la condamnation de l'agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer au versement d'une somme de 30 000 F au titre des frais irrépétibles ;

4°) dans la présente instance en appel, Mme X demande la condamnation de l'agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer au versement d'une somme de 7 622 451 € au principal et de 5 000 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l'accord du 27 mai 1997 entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la fédération de Russie sur le règlement définitif des créances réciproques financières et réelles apparues antérieurement au 9 mai 1945 ;

Vu la loi 97 - 1160 du 19 décembre 1997 ;

Vu le décret 98 - 366 du 8 mai 1998 ;

Vu l'article 73 de la loi 98 - 546 du juillet 1998 ;

Vu l'article 48 de la loi de finances 98 - 1173 du 30 décembre 1999 ;

Vu le décret 98 552 du 3 juillet 1998 ;

Vu le décret de 1777 du 23 août 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 octobre 2006 :

- le rapport de M. Treyssac, rapporteur,

- les observations de Me Rambert pour Mme X,

- et les conclusions de Mme Desticourt, commissaire du gouvernement ;

Sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué :

Considérant que Mme X soutient que le Tribunal administratif de Paris n'a visé que l'article 1er de l'accord franco-russe du 27 mai 1997 sans statuer sur les moyens qu'elle avait soulevés dans sa requête introductive d'instance tirés de l'application des autres articles dudit accord ainsi que de son préambule ;

Considérant que le juge de première instance a fondé son jugement sur l'ensemble de l'accord franco-russe du 27 mai 1997, notamment sur les stipulations du second alinéa de l'article 3 pour conclure que celles-ci ne peuvent être utilement invoquées - même par voie de l'exception - à l'appui de conclusions tendant à l'annulation d'une décision individuelle refusant d'indemniser une personne physique ou ses ayants droits pour un autre motif ; que les stipulations de l'article 3 ne produisent pas d'effet direct à l'égard des personnes physiques et morales et qu'elles ne peuvent donc être utilement invoquées à l'appui de conclusions tendant à l'annulation d'une décision qui refuse de lui reconnaître le bénéfice de l'indemnisation mise en place par l'article 48 de la loi de finances du 30 décembre 1999 ; qu'il s'ensuit que contrairement à ce que soutient la requérante, le Tribunal administratif de Paris ne s'est pas limité à invoquer le seul article 1er de l'accord franco-russe du 27 mai 1997, ainsi qu'il en ressort de la lecture des motifs du jugement ; que ce moyen manque donc en fait ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'accord du 27 mai 1997 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la fédération de Russie :

Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 3 de l'accord du 27 mai 1997 susvisé : « La partie française assume la responsabilité exclusive du règlement des créances financières et réelles qu'elle a renoncé à soutenir conformément aux conditions du présent accord, ainsi que de la répartition des sommes perçues conformément au présent accord entre les personnes physiques et morales françaises, conformément à la législation française en vigueur, sans que la responsabilité de la partie russe soit engagée à aucun titre de ce fait » ; que dès lors, s'agissant de la répartition des sommes mises à la disposition de l'Etat français par l'Etat russe et hors la condition de nationalité, la partie française assumant la responsabilité exclusive du règlement des créances financières, les stipulations susvisées ne produisent pas d'effets directs à l'égard des personnes physiques et morales ; que par suite, elles ne peuvent utilement être invoquées - même par la voie de l'exception à l'appui des conclusions tendant à l'annulation d'une décision individuelle refusant d'indemniser une personne physique ou ses ayants droits pour un autre motif ; qu'en outre, l'article 1er II du décret du 23 août 2000 susvisé a pu, sans méconnaître la portée et l'étendue de l'accord franco-russe du 27 mai 1997, disposer que « les dépossessions intervenues ... dans un territoire faisant partie de l'Union des républiques socialistes soviétiques à la date du 28 septembre 1939 donnent lieu à indemnisation lorsqu'elles portent sur des créances, intérêts et actifs ... constitués ou acquis à titre onéreux avant le 7 novembre 1917 » ;

Considérant que la France ayant renoncé à soutenir les créances indemnisables du fait du versement par la partie russe d'une somme de 400 millions de dollars en qualité de règlement complet et définitif de créances financières et réelles réciproques apparues antérieurement au 9 mai 1945 ;

Considérant qu'il suit de ce qui précède que la charge de la répartition des sommes versées par la partie russe incombe exclusivement à la partie française conformément aux stipulations des articles 3 et 5 de l'accord du 27 mai 1997, et qu'il appartient à cette dernière de définir par voie législative les conditions d'attribution et de versement des sommes prévues audit accord ; que l'article 73 de la loi du 2 juillet 1998 ordonnant les opérations de recensement des personnes titulaires de créances mentionnées à l'article 1er de l'accord du 27 mai 1997, et l'article 48 de la loi de finances rectificatives du 30 décembre 1999 pris en application de l'accord du 27 mai 1997 définissent les modalités d'application dudit accord et précisent les conditions dans lesquelles les personnes qui s'étaient faites recenser conformément à l'article 73 de la loi du 2 juillet 1998 peuvent prétendre au bénéfice de l'indemnisation solidaire prévue par ces mêmes dispositions ;

Considérant qu'il suit de tout ce qui précède que le moyen tiré de la violation des dispositions de l'accord du 27 mai 1997 par l'article 48 de la loi de finances du 30 décembre 1999 doit regarder comme inopérant, l'article 48 n'ayant pu méconnaître aucune disposition de l'accord du 27 mai 1997 qui n'avait pas pour objet d'organiser le règlement des litiges liés aux créances entre les particuliers et chacun des deux états concernés ;

Sur le moyen tiré de ce que le décret du 23 août 2000 méconnaîtrait l'article 48 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1999 :

Considérant qu'aux termes de l'article 48 2° de la loi du 30 décembre 1999 : « Un décret en Conseil d'Etat précisera la nature et l'origine des titres, créances et actifs indemnisables ainsi que les règles de preuves. Ce décret définira les règles selon lesquelles chaque catégorie de titres créances et actifs se voit attribuer une valeur en francs-or de 1914, qui est : - soit égale à sa valeur nominale, dans le 1er cas des titres émis ou garantis avant le 7 novembre 1917 par l'Empire de Russie ou par les collectivités locales situées sur son territoire ; - soit, pour les autres valeurs représentatives de titres, créances et actifs, tient compte de l'année de perte de jouissance appréciée à la date susmentionnée du 7 novembre 1917 ou bien, s'agissant de territoires annexés, à la date de l'annexion » ; qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les débats parlementaires, que le législateur a habilité le pouvoir réglementaire à préciser les critères relatifs aux bénéficiaires de « l'indemnisation solidaire » qu'il organisait ; que c'est sur le fondement de cette délégation, que le décret du 23 août 2000 a pu indiquer que les dépossessions indemnisables étaient celles qui portent sur des créances intérêts et actifs constitués ou acquis à titre onéreux avant le 7 novembre 1917 ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le décret du 23 août 2000 précité, en excluant de l'indemnisation les créances, intérêts et actifs acquis postérieurement au 7 novembre 1917, à l'exception de ceux acquis dans les territoires annexés par l'URSS, entre 1939 et 1945, serait entaché d'une erreur de droit ;

Sur le moyen tiré de ce que le décret du 23 août 2000 méconnaîtrait le principe d'égalité :

Considérant que le principe d'égalité auquel les textes réglementaires doivent se conformer ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit ; que compte tenu de l'objectif de solidarité recherché au nom de l'intérêt général, de la circonstance qu'une guerre civile s'était déroulée après le 7 novembre 1917 dans la plupart des pays qui faisaient partie, avant cette date, de l'empire russe et de ce que les acquéreurs prenaient un risque qu'ils n'ignoraient pas en y faisant, après cette date, des investissements, le pouvoir réglementaire n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation dans l'application du principe d'égalité en excluant de l'indemnisation les créances intérêts et actifs, constitués ou acquis à titre onéreux après le 7 novembre 1917 ;

Sur le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article premier du protocole additionnel :

Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales « La jouissance des droits et libertés reconnues dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation » ; qu'en vertu de l'article premier du protocole additionnel à la convention : « toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les états de mettre en vigueur les lois qu'il juge nécessaire pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général... » ;

Considérant que contrairement à ce que soutient Mme X, la décision de rejet prise par l'agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer à la demande qu'elle avait formulée dans le cadre des dispositions de l'article 48 de la loi du 30 décembre 1999 en vue d'être indemnisée au titre des biens que possédait la banque française des pétroles en république d'Azerbaïdjan n'est contraire ni aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme précité et à celle de l'article 1er de son protocole additionnel numéro 1 ; qu'il n'appartient pas à l'agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer de déroger aux textes réglementaires qu'elle applique ; que l'agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer a procédé à une exacte application des dispositions de l'article 48 de la loi du 30 décembre 1999 et de son décret d'application du 23 août 2000 en décidant de rejeter la demande de Mme X ; qu'à cet égard, le moyen tiré de la circonstance que la Banque française des pétroles avait fait des investissements à Bakou à un moment où la République française soutenait des forces opposées à « l'armée rouge » est sans incidence sur la régularité de la décision de l'agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer ;

Sur les conclusions à fins indemnitaires :

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer n'a commis aucune faute en refusant d'indemniser Mme X ; que par suite, ses conclusions tendant à la condamnation de l'agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant qu'en vertu de ces dispositions, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme X doivent dès lors être rejetées ;

DÉCIDE

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

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N° 03PA02196


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3eme chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 03PA02196
Date de la décision : 24/10/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FOURNIER DE LAURIERE
Rapporteur ?: M. Jean-François TREYSSAC
Rapporteur public ?: Mme DESTICOURT
Avocat(s) : RAMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-10-24;03pa02196 ?
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