Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 2004 et complétée le 4 janvier 2005, présentée pour la société PACIFICA, dont le siège social est 91 boulevard pasteur à
Paris (75015), par la SELAFA J. Barthélémy et associés ; la société PACIFICA demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0305277/3 en date du 10 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales du 17 février 2003 autorisant le licenciement de M. X ;
2°) de confirmer ladite décision de licenciement ;
3°) de rejeter la demande de M. X présentée devant le Tribunal administratif de Paris ;
4°) de condamner M. X à lui payer la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2006 :
- le rapport de M. Boulanger, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société PACIFICA a demandé à l'inspecteur du travail, qui l'a refusée, l'autorisation de licencier M. X, délégué du personnel suppléant, en raison de l'impossibilité pour la société de poursuivre l'exécution du contrat de travail conclu avec son salarié ; que la décision de rejet de l'inspecteur du travail en date du 22 août 2002 a été annulée sur recours hiérarchique de la société par une décision du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales du 17 février 2003 qui a autorisé le licenciement ; que, saisi par M. X, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision ministérielle par un jugement en date du 10 novembre 2004 dont la société PACIFICA relève régulièrement appel ;
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort des dispositions de l'article R. 436-4 du code du travail que la décision de l'inspecteur du travail est motivée ; qu'aux termes de l'article R. 436-6 : « Le ministre compétent peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet (...) » ; que ces dispositions doivent s'entendre en ce sens que la décision de l'inspecteur du travail accordant ou refusant l'autorisation de licencier un salarié protégé est soumise au contrôle hiérarchique dans les conditions du droit commun et que la décision de refus de l'inspecteur qui a créé des droits au profit du salarié intéressé, ne peut être annulée ou réformée par le ministre compétent que pour des motifs de légalité compte tenu des circonstances de droit et de fait existant à la date à laquelle l'inspecteur du travail s'est prononcé ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui ... retirent ou abrogent une décision créatrice de droits » ; qu'en vertu de l'article 3 de la même loi : « La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision » ;
Considérant que la décision du 17 février 2003 par laquelle le ministre a annulé la décision du 22 août 2002 et autorisé le licenciement de M. X, abrogeait une décision créatrice de droits au profit de ce dernier, et devait, par suite, être motivée en application des dispositions susrappelées ; que le ministre a motivé sa décision autorisant le licenciement en précisant : « qu'après examen de l'ensemble du dossier, j'ai décidé d'annuler la décision précitée et d'autoriser votre licenciement, les courriers émanant des caisses de crédit agricole attestant de l'atteinte portée aux intérêts de votre employeur par suite du litige qui vous oppose à la caisse du Calvados, rendant de ce fait impossible la poursuite de l'exécution de votre contrat de travail » ;
Considérant que cette décision qui précise que le litige opposant M. X à une caisse de crédit agricole est à l'origine de la demande de licenciement, que des courriers émanant d'autres caisses et produits au dossier attestent que ce litige a des conséquences au sein de l'entreprise et porte atteinte aux intérêts de l'employeur de l'intéressé et que cette circonstance rend impossible la poursuite de l'exécution de son contrat de travail, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que l'inspecteur du travail n'ayant pas fondé son refus d'autorisation sur le lien avec le mandat syndical de l'intéressé, le ministre n'était pas tenu de se prononcer sur ce point dans sa décision d'autorisation ; que le ministre a ainsi suffisamment motivé sa décision, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal administratif de Paris dans le jugement critiqué, dont la société est dès lors fondée à demander l'annulation ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. X devant le Tribunal administratif de Paris ;
Sur la légalité externe :
Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la décision du ministre, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée ;
Considérant, d'autre part, que le ministre s'étant, pour prendre sa décision, placé à la date à laquelle l'inspecteur du travail a statué et n'ayant pris en compte que les faits en raison desquels celui-ci s'est prononcé, la circonstance qu'ait été produit, au cours de la procédure, de nouveaux courriers des caisses de crédit agricole dont l'inspecteur du travail n'avait pas eu connaissance, ne saurait entacher d'illégalité sa décision ;
Considérant enfin, qu'aucune disposition des articles R. 436-6 et R. 436-7 du code du travail ne prévoit l'obligation pour le ministre d'entendre le salarié concerné et de faire procéder à une enquête contradictoire avant de se prononcer sur le recours hiérarchique dont il est saisi par l'employeur ;
Sur la légalité interne :
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions des articles L. 412-18 et L. 436-1 du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions de délégué syndical ou de représentant syndical au comité d'entreprise, bénéficient dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que lorsqu'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié bénéficiant d'une protection particulière est fondée sur des éléments qui se rattachent au comportement de l'intéressé et qui, sans caractériser l'existence d'une faute, rendraient impossible, selon l'employeur, la poursuite du contrat de travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, éventuellement, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si ces éléments présentent un caractère objectif et si, en raison du niveau élevé des responsabilités exercées par le salarié, ils peuvent, eu égard à l'ensemble des règles applicables au contrat de travail, et compte tenu des atteintes susceptibles d'être portées au fonctionnement de l'organisme en cause, justifier légalement l'octroi d'une autorisation de licenciement ; qu'en revanche, la perte de confiance de l'employeur envers le salarié ne peut jamais constituer par elle-même un motif pouvant servir de base à une autorisation de licenciement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des constatations de fait qui constituent le support nécessaire du dispositif de l'arrêt, devenu définitif, du
8 novembre 2004 par lequel la Cour d'appel de Rouen a condamné M. X à une peine de huit mois d'emprisonnement et qui, dans cette mesure, sont revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée, que l'intéressé, qui était délégué régional de la société PACIFICA, filiale du crédit agricole, a, dans le courant du mois de mars 2002, en employant des manoeuvres frauduleuses, trompé la caisse régionale du crédit agricole mutuel du Calvados et ainsi déterminé cet organisme bancaire à lui remettre cinq chèques certifiés d'un montant total de 58 061 euros ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'en raison du litige l'opposant à la caisse du Calvados,
celle-ci, comme par la suite onze autres caisses de crédit agricole relevant du secteur d'activité de l'intéressé, a estimé qu'il lui était impossible de maintenir sa collaboration avec
M. X qui, en outre, avait fait l'objet d'un signalement bancaire régulièrement effectué auprès de l'ensemble des caisses régionales ; qu'alors même qu'elle aurait été commise en dehors de l'exercice par le salarié de son activité professionnelle, la faute dont s'est rendu coupable M. X a, dans les circonstances de l'affaire, revêtu une gravité suffisante, compte tenu de la nature des fonctions qu'il occupait, consistant à conseiller et assister les caisses régionales du groupe dans l'activité d'assurance et à servir d'intermédiaire entre ces caisses et la société qui l'employait, de nature à porter atteinte au bon fonctionnement de la société exposante ; que, dans ces conditions, le ministre n'a pas commis d'erreur d'appréciation en autorisant le licenciement de l'intéressé ;
Considérant, en deuxième lieu, que la procédure de licenciement d'un salarié protégé relevant des dispositions ci-dessus visées du code du travail, M. X ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la convention collective des sociétés d'assurance, à les supposer mêmes applicables au cas d'espèce ;
Considérant, en troisième lieu, que le licenciement dont s'agit n'étant pas fondé sur un motif de caractère économique, M. X ne peut utilement soutenir qu'il appartenait au ministre de rechercher s'il était possible d'assurer son reclassement dans l'entreprise dans d'autres fonctions que celle de délégué régional ;
Considérant enfin, qu'aucun élément du dossier n'établit l'existence d'un lien entre la demande de licenciement et le mandat syndical exercé par le requérant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la société PACIFICA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du ministre du 17 février 2003 autorisant le licenciement de
M. X ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de ce dernier tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de M. X le paiement à la société PACIFICA de la somme de 2 500 euros au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 10 novembre 2004 est annulé.
Article 2 : La demande de M. X présentée devant le Tribunal administratif de Paris, ensemble ses conclusions d'appel aux fins d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : M. X est condamné à verser à la société PACIFICA une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 04PA03916