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23/06/2006 | FRANCE | N°02PA03759

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Formation plénière, 23 juin 2006, 02PA03759


Vu, enregistrée le 30 octobre 2002, la requête présentée pour la SARL SERBOIS dont le siège est 4 bis rue Courtois à Pantin (93500), par Me Le Poittevin ; la SARL SERBOIS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9707292 du 2 juillet 2002 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Office public d'habitation à loyer modéré (OPHLM) de Puteaux à lui verser la somme de 1 061 924 F, avec intérêts au taux légal à compter du 22 mai 1997, pour solde d'un marché de menuiserie ;

2°) de condamner l'OPHLM de P

uteaux à lui verser ladite somme avec intérêts et la somme de 15 000 euros au ti...

Vu, enregistrée le 30 octobre 2002, la requête présentée pour la SARL SERBOIS dont le siège est 4 bis rue Courtois à Pantin (93500), par Me Le Poittevin ; la SARL SERBOIS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9707292 du 2 juillet 2002 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Office public d'habitation à loyer modéré (OPHLM) de Puteaux à lui verser la somme de 1 061 924 F, avec intérêts au taux légal à compter du 22 mai 1997, pour solde d'un marché de menuiserie ;

2°) de condamner l'OPHLM de Puteaux à lui verser ladite somme avec intérêts et la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 9 juin 2006 :

- le rapport de Mme Corouge, rapporteur,

- les observations de Me Lepoittevin, pour la SARL SERBOIS, et celles de Me Garrigues, pour l'Office public d'habitation à loyer modéré de Puteaux,

- les conclusions de M. Trouilly, commissaire du gouvernement ;

- et connaissance prise de la note en délibéré du 15 juin 2006, présentée pour l'OPHLM de Puteaux, par la SCP Huglo Lepage,

Considérant que, par contrat du 17 mai 1995, l'Office public d'habitation à loyer modéré (OPHLM) de Puteaux a confié à la SARL SERBOIS un marché à bons de commande pour le remplacement des menuiseries extérieures en bois de ses résidences ; que l'office a, le 25 mars 1997, notifié à l'entreprise le décompte final de son marché selon lequel des pénalités de retard étaient infligées à l'entreprise ; que celle-ci fait appel du jugement du 2 juillet 2002 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à être déchargée du montant de ces pénalités ;

Considérant que l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux prévoit : L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'oeuvre ; qu'aux termes de l'article 13.45 : Dans le cas où l'entrepreneur n'a pas renvoyé au maître d'oeuvre le décompte général signé dans le délai de trente jours ou de quarante-cinq jours, fixé au 44 du présent article, ou encore, dans le cas où, l'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves en précisant le montant de ses réclamations, ce décompte général est réputé être accepté par lui ; il devient le décompte général et définitif du marché ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dès le mois de septembre 1996, l'office a fait savoir à l'entreprise qu'il envisageait de lui infliger des pénalités de retard d'un montant d'environ 1 million de francs ; que, par courriers des 8 septembre 1996, 30 septembre 1996 et 24 octobre 1996, l'entreprise a contesté le principe même de ces pénalités et en a demandé la décharge ; que l'office a notifié à l'entreprise, le 25 mars 1997, le décompte de son marché, accompagné d'un courrier confirmant le maintien de ces pénalités à hauteur du montant initialement prévu ; que, par lettre en date du 4 avril 1997, l'entreprise a refusé de signer ledit décompte, compte tenu des pénalités appliquées qu'elle contestait et avait déjà contestées, et a demandé à l'office de revoir ces retenues ; que, dans un litige portant non sur la valeur des travaux exécutés par l'entreprise, mais seulement sur les pénalités que le maître d'ouvrage entend appliquer, un tel courrier a mis ce dernier en mesure de connaître la nature et l'étendue de la contestation dont il était saisi et doit, par suite, être regardé comme un mémoire de réclamation répondant aux prescriptions des articles 13-44 et 13-45 du cahier des clauses administratives générales ; qu'il suit de là que la SARL SERBOIS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a estimé que ledit mémoire n'avait pas été de nature à interrompre le délai de 45 jours à l'expiration duquel le décompte général devient intangible ; que la société requérante est par suite fondée à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SARL SERBOISYX devant le Tribunal administratif de Paris ;

Considérant que l'article 6 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché dispose que : « 6.1 Délai d'exécution des travaux : Les travaux devront être exécutés dans les délais qui seront fixés par les ordres de service y afférents / 6.2 Au cas où les travaux ne seraient pas terminés dans les délais impartis, sauf cas de force majeure, il sera appliqué les pénalités suivantes : 100 F pour le premier jour de retard, 150 F pour le deuxième jour de retard, 200 F pour le troisième jour de retard et chacun des jours suivants ./ Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'ouvrage » ;

Considérant que, sur le fondement de ces stipulations, l'office a infligé à la SARL SERBOIS des pénalités de 968 350 F qui ont été déduites de la créance de 1 722 405 F due à l'entreprise en exécution de son marché ; que la SARL SERBOIS fait valoir que ces pénalités sont manifestement disproportionnées par rapport au montant du marché et que, pour certaines d'entre elles, leur montant excède le prix convenu ce qui a pour effet d'enrichir sans cause légitime le maître d'ouvrage ;

Considérant que, lorsque l'application des stipulations d'un contrat administratif prévoyant des pénalités de retard fait apparaître un montant de pénalités manifestement excessif ou dérisoire, le juge du contrat, saisi de conclusions en ce sens, peut modérer ou augmenter les pénalités qui avaient été convenues entre les parties ;

Considérant qu'il ressort de l'instruction que, pour plus de cent fenêtres, le maître d'ouvrage a notifié un ordre de service par fenêtre et a fait courir les délais prévus par l'article 6 précité sur chaque ordre de service ; que ce mode de passation des ordres de service a eu pour effet d'accroître de façon manifestement excessive le montant des pénalités infligées à l'entreprise ; que celle-ci est par suite fondée à demander leur modération au juge du contrat ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'appliquer une pénalité unique sur l'ensemble des ordres de service émis le même jour par l'office, ce qui a pour effet de réduire de 553 400 F le montant des pénalités, lequel doit, par suite, être ramené à la somme de 414 950 F ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL SERBOIS est fondée à demander que les pénalités infligées par l'office en application des stipulations contractuelles soient réduites de 553 400 F, ce qui porte le solde de son marché de 72 728 F à 626 128 F, et à demander la condamnation de l'office au paiement de ce solde, augmenté des intérêts au taux légal à compter du 22 mai 1997 ;

Sur les conclusions de la SARL SERBOIS et de l'OPHLM de Puteaux tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'OPHLM de Puteaux à payer à la SARL SERBOIS la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les dispositions du même article font obstacle à ce que la SARL SERBOIS, qui n'est pas partie perdante, soit condamnée à verser à l'office la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 2 juillet 2002 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : L' OPHLM de Puteaux est condamné à verser à la SARL SERBOIS une somme de 95 452 euros (626 128 F) augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 mai 1997 ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL SERBOIS et les conclusions de l'OPHLM de Puteaux tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

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N° 02PA03759


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Formation plénière
Numéro d'arrêt : 02PA03759
Date de la décision : 23/06/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXÉCUTION FINANCIÈRE DU CONTRAT - RÉMUNÉRATION DU CO-CONTRACTANT - PÉNALITÉS DE RETARD - CLAUSES CONTRACTUELLES - MONTANT MANIFESTEMENT EXCESSIF OU DÉRISOIRE - POUVOIRS DU JUGE.

39-05-01-03 Lorsque l'application des stipulations d'un contrat administratif prévoyant des pénalités de retard fait apparaître un montant de pénalités manifestement excessif ou dérisoire, le juge du contrat, saisi de conclusions en ce sens, peut modérer ou augmenter les pénalités qui avaient été convenues entre les parties.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXÉCUTION FINANCIÈRE DU CONTRAT - RÈGLEMENT DES MARCHÉS - DÉCOMPTE GÉNÉRAL ET DÉFINITIF - CLAUSES CONTRACTUELLES - PÉNALITÉS DE RETARD - MONTANT MANIFESTEMENT EXCESSIF OU DÉRISOIRE - POUVOIRS DU JUGE.

39-05-02-01 Lorsque l'application des stipulations d'un contrat administratif prévoyant des pénalités de retard fait apparaître un montant de pénalités manifestement excessif ou dérisoire, le juge du contrat, saisi de conclusions en ce sens, peut modérer ou augmenter les pénalités qui avaient été convenues entre les parties.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - POUVOIRS ET OBLIGATIONS DU JUGE - POUVOIRS DU JUGE DU CONTRAT - CLAUSES CONTRACTUELLES - PÉNALITÉS DE RETARD - MONTANT MANIFESTEMENT EXCESSIF OU DÉRISOIRE - MODÉRATION OU AUGMENTATION POSSIBLE PAR LE JUGE.

39-08-03-02 Lorsque l'application des stipulations d'un contrat administratif prévoyant des pénalités de retard fait apparaître un montant de pénalités manifestement excessif ou dérisoire, le juge du contrat, saisi de conclusions en ce sens, peut modérer ou augmenter les pénalités qui avaient été convenues entre les parties.


Composition du Tribunal
Président : M. le Prés RACINE
Rapporteur ?: Mme la Pré Elise COROUGE
Rapporteur public ?: M. TROUILLY
Avocat(s) : LEPOITTEVIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-06-23;02pa03759 ?
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