La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2006 | FRANCE | N°03PA00096

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4eme chambre, 20 juin 2006, 03PA00096


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 janvier et 19 mai 2003, présentés pour l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE, dont le siège est quai François Mauriac à Paris Cedex 13 (75706), par Me Distel ; l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 9602428/6-2 du 19 novembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné la société Cegelec à lui verser la somme de 529 540,61 euros majorée des intérêts de droit, somme qu'elle estime in

suffisante, en réparation des désordres affectant les panneaux d'occultat...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 janvier et 19 mai 2003, présentés pour l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE, dont le siège est quai François Mauriac à Paris Cedex 13 (75706), par Me Distel ; l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 9602428/6-2 du 19 novembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné la société Cegelec à lui verser la somme de 529 540,61 euros majorée des intérêts de droit, somme qu'elle estime insuffisante, en réparation des désordres affectant les panneaux d'occultation de la bibliothèque nationale ;

2°) de faire droit à sa demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris et de condamner, conjointement et solidairement, la société Cegelec et M. X à lui verser la somme de 35 856 009 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 20 février 1996, les intérêts étant eux mêmes capitalisés à chacune de ses demandes soit au 9 décembre 1997, 15 décembre 1998, 16 décembre 1999, 21 décembre 2000, 24 décembre 2001 et à la date d'enregistrement de la présente demande et à prendre en charge les dépens, y compris les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 99 119,37 euros, ou, à titre subsidiaire, de condamner uniquement la société Cegelec à lui verser ladite somme ;

3°) de condamner conjointement et solidairement la société Cegelec et M. X à lui verser la somme de 200 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juin 2006 :

- le rapport de Mme Régnier-Birster, rapporteur,

- les observations de Me Laroche, pour l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE, celles de Me Nicolay-Thibaud, pour la société Cegelec et celles de Me Bourgoin, pour M. X,

- et les conclusions de M. Trouilly, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a, sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, condamné la société Cegelec, titulaire du lot « occultation par panneaux fixes et mobiles » du marché de travaux conclu pour la réalisation de la nouvelle Bibliothèque nationale de France, à verser à l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE la somme de 529 540,61 euros, majorée des intérêts de droit capitalisés, en réparation des désordres affectant lesdits panneaux, en limitant à 558 le nombre de panneaux couverts par la garantie ; qu'il a écarté totalement les conclusions de l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE tendant à la condamnation de M. X, mandataire du groupement de maîtrise d'oeuvre bâtiment, conclusions présentées sur le même fondement et sur le fondement de l'obligation de conseil au maître de l'ouvrage ; que, l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE et la société Cegelec font appel de ce jugement, respectivement, par la voie de l'appel principal et par la voie de l'appel incident ;

Sur l'appel incident de la société Cegelec :

Considérant que la garantie de parfait achèvement s'étend à la reprise, d'une part, des désordres ayant fait l'objet de réserves dans le procès-verbal de réception, d'autre part, de ceux qui apparaissent et qui sont signalés dans l'année suivant la date de réception ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que les travaux du lot occultation ont été réceptionnés par une décision, en date du 2 mai 1995, avec effet à compter du 23 mars 1995, réception assortie de réserves portant sur la réfection de 558 panneaux atteints de gessures et décollements ; que, par une décision en date du 18 octobre suivant, l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE a levé lesdites réserves et prononcé la réception définitive desdits travaux avec effet rétroactif à compter du 23 mars 1995 ; qu'en raison de la généralisation desdits désordres à d'autres panneaux, le délai de garantie de parfait achèvement a fait l'objet le 8 mars 1996 d'une décision de prolongation ;

Mais considérant que l'effet rétroactif de la levée des réserves, qui a eu nécessairement pour conséquence de faire regarder la réception comme donnée sans réserve, s'opposait à ce que la société Cegelec soit tenue ultérieurement de l'obligation de parfait achèvement à raison de désordres, de même nature, que ceux ayant fait l'objet de réserves ; que, par suite, la société Cegelec est fondée à soutenir que l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE ne pouvait rechercher sa responsabilité sur le fondement de la garantie de parfait achèvement et à demander, par suite, à être déchargée des frais d'expertise ;

Sur l'appel principal de l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE :

Considérant, en premier lieu, qu'aucune stipulation contractuelle ne met à la charge des constructeurs, autres que les entrepreneurs, une obligation contractuelle de parfait achèvement pendant la durée du délai de garantie qui suit la réception des travaux ou la levée des réserves ; que, par suite, et en tout état de cause, l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE, qui ne saurait utilement invoquer les stipulations de l'article 17 du cahier des clauses administratives particulières prévoyant l'achèvement de la mission du maître d'oeuvre à la fin du délai de cette garantie, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté sa demande tendant à la condamnation de M. X sur le fondement de la garantie de parfait achèvement ;

Considérant, en second lieu, que la levée des réserves, prononcée, ainsi qu'il vient d'être dit, avec effet rétroactif au 23 mars 1995 a eu pour conséquence de mettre fin, à cette date, aux rapports contractuels de droit commun entre les constructeurs et le maître de l'ouvrage ; que toutefois, si l'expiration de ces relations contractuelles fait obstacle à ce que la responsabilité contractuelle de droit commun du maître d'oeuvre soit engagée, elle ne fait pas obstacle à ce que le maître de l'ouvrage recherche la responsabilité de ce dernier à raison de ses manquements à l'obligation de conseil lors de la réception de l'ouvrage ;

Considérant que, si le maître d'oeuvre a signalé au maître de l'ouvrage, dès les opérations préalables à la réception, les désordres affectant 558 panneaux et l'a incité à assortir la réception des ouvrages de réserves portant sur lesdits panneaux, il ne résulte pas de l'instruction, qu'il ait ensuite recommandé au maître d'ouvrage de ne pas lever les réserves, alors même que l'entreprise, titulaire du lot, avait refusé de s'engager sur la pérennité des réparations compte tenu de l'environnement particulier, dans lequel les panneaux étaient installés, comme le précise le compte-rendu de la réunion tenue le 9 mai 1995 entre les parties ; qu'en proposant, dans ces conditions et quelle qu'ait pu être, par ailleurs, la hâte du maître de l'ouvrage à réceptionner les travaux, dès le 23 juin 1995, la levée des réserves à la date de réception des travaux, le maître d'oeuvre a commis un manquement à son obligation de conseil de nature à engager sa responsabilité dans lesdits désordres, qui résultent d'un vice de conception de l'ouvrage, caractérisé par le choix de panneaux inappropriés ; que, toutefois, l'imprudence du maître de l'ouvrage qui, disposant de services techniques particulièrement qualifiés, aurait dû être alerté par les observations de l'entreprise, exonère de moitié le maître d'oeuvre de sa responsabilité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise sur l'origine des désordres, que l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE est seulement fondé à soutenir que c'est à tort, que les premiers juges, qui ne se sont pas mépris sur la portée de ses conclusions, qu'elles aient été dirigées contre la société Cegelec ou contre M. X, ont rejeté ses conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité contractuelle de M. X, sur le fondement du manquement à son obligation de conseil, à concurrence de la moitié du montant des réparations des désordres et à demander, dans cette mesure, la réformation du jugement attaqué ;

Sur le montant de la réparation :

En ce qui concerne le montant de l'indemnité au principal :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction et notamment des conclusions du rapport de l'expert que l'ensemble des 14750 panneaux de l'équipement seront à terme atteints de gessures et décollements ; que le coût unitaire de la réfection d'un panneau par le procédé préconisé par l'expert, abandonnant le placage bois au profit d'un procédé de photogravure sur aluminium, s'élève à la somme de 1 265,33 euros H.T. ; que, si l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE conteste le coût unitaire de la réfection des panneaux, en tant qu'il s'appliquerait, non seulement aux panneaux fixes, mais aussi aux panneaux mobiles, elle n'établit pas, en se bornant en faire valoir le prix initial supérieur de 2, 6 fois des panneaux mobiles par rapport aux panneaux fixes, que la somme fixée par l'expert devrait être majorée, s'agissant des panneaux mobiles, d'une part, d'un coefficient de 2,6 et d'autre part, d'un coefficient de 0,5, compte tenu de sujétions particulières liées à l'occupation des bureaux accueillant les panneaux mobiles ; qu'il sera fait, par suite, une juste appréciation du coût de la réfection de l'ensemble des panneaux en le fixant à la somme de 18 663 617 euros H.T. ;

Considérant, d'autre part, que la réfection de la totalité des panneaux de l'équipement, dont le coût est supérieur à celui d'une réfection à l'identique, doit être regardée, compte tenu de la meilleure résistance des panneaux après réfection, comme apportant une plus-value à l'ouvrage ; qu'il en sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation en l'évaluant à 50 % du montant des travaux de réfection, soit la somme de 9 331 809 euros ;

Considérant, enfin, que l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE est fondée à demander que ladite somme soit majorée d'une indemnité correspondant aux frais de maîtrise d'oeuvre ; qu'il y a lieu toutefois, dans les circonstances de l'espèce, de limiter ladite indemnité à un pourcentage de 10 %, soit la somme de 933 180 euros ; qu'il y a lieu, par suite, et sans qu'il soit également besoin d'ordonner une nouvelle expertise sur ce point, de fixer le montant des travaux de reprise à la somme de 10 264 989 euros H.T. ; qu'il y a lieu, compte tenu du partage de responsabilité précédemment opéré, de condamner M. X à verser à l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE la somme de 5 132 494 euros H.T. ;

En ce qui concerne les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant, d'une part, que l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE a droit aux intérêts au taux légal afférent à la somme de 5 132 494 euros allouée en réparation des préjudices subis, à compter du 20 février 1996, date d'enregistrement de sa requête ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus pour au moins une année entière ; que, pour l'application des dispositions précitées, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle a été enregistrée et pourvu qu'à cette date, il s'agisse d' intérêts dus pour au moins une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE a demandé la capitalisation des intérêts par sa demande enregistrée le 9 décembre 1997 ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que la société Cegelec est, ainsi qu'il vient d'être dit, fondée à demander à être déchargée des frais d'expertise mises à sa charge par le jugement de première instance ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de réformer sur ce point ledit jugement et de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 99 119,37 euros, à la charge définitive de M. X ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. X et à la société Cegelec les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de M. X le paiement à l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE de la somme de 5 000 euros au titre des frais que celui-ci a exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : M. X est condamné à verser à l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE une somme de 5 132 494 euros, majorée des intérêts de droit à compter du 20 février 1996 et capitalisés à la date du 9 décembre 1997 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 2 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 99 119,37 euros sont mis à la charge définitive de M. X.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 19 novembre 2002 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : M. X versera à l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de M. X et de la société Cegelec tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE est rejeté.

4

2

N° 03PA00096


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4eme chambre
Numéro d'arrêt : 03PA00096
Date de la décision : 20/06/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MERLOZ
Rapporteur ?: Mme Françoise REGNIER-BIRSTER
Rapporteur public ?: M. TROUILLY
Avocat(s) : DISTEL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-06-20;03pa00096 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award