La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/2006 | FRANCE | N°03PA03529

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 06 juin 2006, 03PA03529


Vu, enregistrée le 29 août 2003, la requête présentée par la société EPSON FRANCE SA, dont le siège est 68 bis rue Marjolin à Levallois-Perret (92305), par Me Konan ; la société EPSON FRANCE SA demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9821905 du 24 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 72 703 euros en réparation de la faute commise par lui pour non exécution d'une décision de justice ;

2°) de condamner l'Etat au versement de cette somme ;

3°) de

condamner l'Etat à lui verser 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de j...

Vu, enregistrée le 29 août 2003, la requête présentée par la société EPSON FRANCE SA, dont le siège est 68 bis rue Marjolin à Levallois-Perret (92305), par Me Konan ; la société EPSON FRANCE SA demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9821905 du 24 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 72 703 euros en réparation de la faute commise par lui pour non exécution d'une décision de justice ;

2°) de condamner l'Etat au versement de cette somme ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 ;

Vu la loi n° 75-619 du 11 juillet 1975 ;

Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 23 mai 2006 :

- le rapport de Mme Corouge, rapporteur,

- et les conclusions de M. Trouilly, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, devant le Tribunal administratif de Paris, la société EPSON FRANCE SA a recherché la responsabilité de l'Etat du fait de sa carence à exercer les pouvoirs qui lui sont dévolus par la loi du 16 juillet 1980 pour faire exécuter une décision de justice ayant condamné une personne publique au versement d'une somme d'argent ; que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande sans préciser en quoi la décision de justice dont se prévalait la société n'était pas une condamnation pécuniaire au sens de ladite loi ; que le jugement attaqué est par suite insuffisamment motivé et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société EPSON FRANCE SA devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'aux termes du II de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public, reproduit sous l'article L. 911-9 du code de justice administrative : « Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la décision de justice. A défaut de mandatement ou d'ordonnancement dans ce délai, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle procède au mandatement d'office » ; que, par ces dispositions, le législateur a entendu donner à l'Etat, en cas de carence d'un établissement public à assurer l'exécution d'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée, le pouvoir de mandater d'office la somme due aux fins d'assurer la pleine exécution de cette décision de justice ;

Considérant que l'article 122 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 alors applicable a autorisé le créancier d'une entreprise en règlement judiciaire à revendiquer à l'encontre d'un tiers le prix d'un bien initialement cédé à l'entreprise défaillante ; que, sur le fondement de ces dispositions, la cour d'appel de Douai, par un arrêt du 2 octobre 1997 confirmé en cassation, a définitivement jugé que « la revendication de la société EPSON FRANCE SA entre les mains de l'UGAP est autorisée à hauteur de 729 660 F » ; que ledit arrêt, même s'il ne condamne pas formellement l'UGAP au versement d'une somme d'argent, doit, dans ces conditions, être assimilé à une décision juridictionnelle prononçant une condamnation pécuniaire au sens de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1980 précité ;

Considérant que, par application des dispositions précitées, il appartenait d'abord à l'établissement public condamné de mandater la somme due dans un délai de quatre mois à compter de la signification de l'arrêt de la cour intervenue le 28 octobre 1997, puis, en cas de carence de l'établissement public, à l'Etat de mandater d'office la somme due ; que, l'UGAP n'ayant pas exécuté cette décision de justice dans le délai imparti, la société EPSON FRANCE SA demandé les 9 mars, 28 avril et 24 juillet 1998, au ministre de l'économie de procéder au mandatement d'office de la somme due ;

Considérant qu'en s'abstenant pendant plus de six ans à faire assurer une exécution totale de la décision rendue par la cour d'appel, l'Etat a commis une faute lourde dans l'exercice du pouvoir de mandatement d'office qu'il tient de la loi du 16 juillet 1980 précitée ; que cette carence engage la responsabilité de l'Etat envers la société EPSON FRANCE SA et lui ouvre droit à réparation ;

Sur le montant de la réparation :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1153-1 du code civil : « En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement » ; qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1975 relative au taux légal, désormais codifié à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, le taux d'intérêt légal est majoré de cinq points à l 'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où le jugement prononçant une condamnation pécuniaire est devenu exécutoire ; que les intérêts tels définis ci ;dessus sont dus jusqu'au versement du principal ;

Considérant que si, à la date du présent arrêt, l'UGAP a assuré une exécution partielle de l'arrêt de la cour d'appel de Douai en versant à la société requérante, les 25 octobre et 24 décembre 2002, la somme due en principal et les intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 1997, il résulte des dispositions précitées que d'une part cet établissement public aurait dû verser à la société EPSON France les intérêts au taux légal à compter 4 janvier 1994, date à laquelle l'ordonnance du juge au tribunal de commerce de Tourcoing a déclaré la société EPSON France créancière de l'UGAP, d'autre part, aurait dû majorer lesdits intérêts de 5 points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du 2 octobre 1997, date à laquelle l'arrêt de la cour d'appel a été rendu ; que, par suite, la somme de 111 236 euros en principal aurait dû, jusqu'à la date de son versement, être augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 1994, majorés de 5 points à compter du 2 décembre 1997 ;

Considérant que cette inexécution partielle de l'arrêt du 2 octobre 1997 n'a été rendue possible qu'en raison de l'abstention fautive de l'Etat à faire usage du pouvoir d'exécution d'office qui lui est dévolu par la loi ; que la société EPSON FRANCE SA est par suite fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité égale à la différence entre les intérêts tels que définis par le présent arrêt et la somme de 20 098 euros déjà versée à ce titre ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à la société EPSON FRANCE SA une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 24 juin 2003 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la société EPSON FRANCE SA, sur la somme de 111 236 euros et jusqu'au versement de ladite somme, une indemnité correspondant aux intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 1994, majorés de 5 points à compter du 2 décembre 1997, et diminuée du montant des intérêts déjà versés.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à la société EPSON FRANCE SA la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

4

4

N° 03PA03529


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 03PA03529
Date de la décision : 06/06/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MERLOZ
Rapporteur ?: Mme la Pré Elise COROUGE
Rapporteur public ?: M. TROUILLY
Avocat(s) : KONAN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-06-06;03pa03529 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award