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02/05/2006 | FRANCE | N°02PA01379

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ere chambre - formation b, 02 mai 2006, 02PA01379


Vu la requête, enregistrée le 18 avril 2002, présentée pour la COMPAGNIE IMMOBILIERE DE RENOVATION PARISIENNE dont le siège social est ..., prise en la personne de ses représentants légaux, par Me X... ; la COMPAGNIE IMMOBILIERE DE RENOVATION PARISIENNE demande à la cour d'annuler le jugement en date du 12 février 2002, par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 7 107 193,80 F augmentés des intérêts de droit à compter du 15 mai 1997, en réparation du préjudice qu'elle

a subi du fait du refus de concours de la force publique opposé par ...

Vu la requête, enregistrée le 18 avril 2002, présentée pour la COMPAGNIE IMMOBILIERE DE RENOVATION PARISIENNE dont le siège social est ..., prise en la personne de ses représentants légaux, par Me X... ; la COMPAGNIE IMMOBILIERE DE RENOVATION PARISIENNE demande à la cour d'annuler le jugement en date du 12 février 2002, par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 7 107 193,80 F augmentés des intérêts de droit à compter du 15 mai 1997, en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait du refus de concours de la force publique opposé par le préfet de police et une somme de 20 000 F au titre des frais irrépétibles ; dans la présente instance en appel, la COMPAGNIE IMMOBILIERE DE RENOVATION PARISIENNE demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 155 288,93 euros en réparation du préjudice subi avec les intérêts au taux légal à compter du 15 mai 1997, et la capitalisations desdits intérêts, enfin une somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu la loi 91 - 650 du 9 juillet 1991 ;

Vu le décret 92 - 755 du 31 juillet 1992 pris pour son application ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 avril 2006 :

- le rapport de M. Treyssac, rapporteur,

- les observations de Me X..., pour la société HOCHINVEST,

- et les conclusions de Mme Giraudon, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la loi du 9 juillet 1991 susvisée : « L'État est tenu de prêter son concours à l'exécution des jugements et autres titres exécutoires. Le refus de l'Etat de prêter son concours ouvre droit à réparation » ;

Considérant qu'il ressort de l'instruction et des pièces du dossier que si le concours de la force publique a été requis pour la première fois prématurément le 29 mai 1995 alors que le délai accordé par la Cour d'appel de Paris n'était pas clos, cette demande a été renouvelée le 4 août 1995 après expiration de ce délai ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, l'administration doit donc être regardée comme ayant été valablement saisie à cette date ;

Considérant que la société requérante, propriétaire d'un fonds de commerce d'hôtel meublé exploité dans deux immeubles dont elle avait acquis la propriété et qui souhaitait procéder à leur rénovation avant de les revendre, ne pouvait ignorer les difficultés que présenterait la mise en oeuvre de l'expulsion des 87 personnes occupant sans droit ni titre les locaux litigieux ; que l'imprudence ainsi commise n'est cependant pas de nature à exonérer l'administration de toute responsabilité ;

Considérant que la responsabilité de l'État est engagée à compter du 4 octobre 1995 compte tenu du délai normal de deux mois dont dispose l'administration pour exercer son action ; que dans la mesure où les immeubles litigieux situés au 11 et au ... ont été vendus par la COMPAGNIE IMMOBILIERE DE RENOVATION PARISIENNE le 4 décembre 1998, c'est à cette date qu'il y a lieu de fixer la fin de la période de responsabilité de l'État ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne la perte des bénéfices :

Considérant que la requérante soutient qu'elle a subi un préjudice au titre de la perte des bénéfices attendus de l'opération commerciale prévue par elle ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que si la requérante n'a pu procéder aux travaux envisagés, c'est en raison de la non délivrance des permis de construire et de démolir résultant de l'absence de l'accord formel du propriétaire de l'immeuble du ... ; qu'il s'ensuit que l'impossibilité de réaliser lesdites opérations en temps voulu est imputable à une cause extérieure au refus de concours de la force publique ; que le préjudice allégué que ce chef ne saurait, pour cette raison, être indemnisé ;

En ce qui concerne les pertes financières :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la CIRPA n'a pas acheté l'immeuble litigieux en vue de l'exploiter mais en vue de le rénover pour le revendre ensuite ; que cette impossibilité de rénover n'est pas imputable à la carence l'administration, ainsi qu'il a été dit ci-dessus ; que les charges financières liées à l'emprunt ne sont pas non plus induites par la carence de l'administration mais représentent une dépense fixe à la charge de la société requérante ; que les autres sommes qu'elle a dû exposer notamment en matière fiscale n'ont pas de lien de causalité avec l'abstention de l'administration ; que le préjudice subi à ce titre doit en conséquence être considéré comme inexistant ;

En ce qui concerne la perte subie sur la vente de l'immeuble :

Considérant qu'ainsi que le reconnaît la requérante, si elle n'a pas pu mener à bien les opérations projetées c'est parce qu'elle n'avait pas obtenu les permis de construire et de démolir qu'elle avait sollicités ; que la perte qu'elle a réalisée lors de la revente de son bien en raison de ce que l'immeuble était occupé n'est pas imputable à l'abstention de l'État, et ne saurait dés lors ouvrir droit à réparation ;

En ce qui concerne les troubles de jouissance :

Considérant que la requérante allègue qu'à raison du refus de concours de la force publique elle a subi des troubles de jouissance consistant en l'impossibilité d'effectuer les travaux de réhabilitation, ainsi que des troubles de gestion de toute nature ; que si, ainsi qu'il l'a été dit ci-dessus, l'impossibilité de réaliser des travaux ne relève pas du refus de concours la force publique, la société requérante est toutefois fondée à demander une indemnisation au titre des troubles de toute nature causés par ledit refus ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces troubles en les fixant à la somme de 6 000 euros ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

Considérant que dans la mesure où la requérante a demandé par courrier du 17 mai 1997 au préfet l'indemnisation du refus de concours la force publique, les intérêts au taux légal pourront être accordés à partir de cette date ; qu'elle a demandé par ailleurs la capitalisation des intérêts, dans son mémoire du 18 avril 2002 ; qu'à cette date il était dû une année d'intérêt ; dès lors les intérêts échus au 22 avril 2002 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date doivent être capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société HOCHINVEST venant aux droits de la COMPAGNIE IMMOBILIERE DE RENOVATION PARISIENNE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris l'a déboutée de sa demande tendant à la condamnation de l'État à l'indemniser pour le préjudice qu'elle a subi à raison du refus du préfet de police de prêter le concours de la force publique aux fins de libérer les locaux litigieux des occupants sans droit ni titre qui y résidaient ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761 - 1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros que la société HOCHINVEST venant aux droits de la COMPAGNIE IMMOBILIERE DE RENOVATION PARISIENNE réclame au titre des frais qu'elle a exposés dans la présente procédure et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 12 février 2002 est annulé.

Article 2 : La décision du préfet de police en date du 19 février 1998 rejetant la demande en indemnisation formée le 15 mai 1997 par la COMPAGNIE IMMOBILIERE DE RENOVATION PARISIENNE est annulée.

Article 3 : L'État (ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire) versera à la société HOCHINVEST venant aux droits de la société CIRPA la somme de 6 000 euros en réparation du préjudice subi par elle du fait du refus de concours de la force publique assortie des intérêts légaux à compter du 17 mai 1997. Les intérêts échus à la date du 18 avril 2002 puis à la date de chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chaque de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : L'État (ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire) versera à la société HOCHINVEST la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761 - 1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus les conclusions de la requête est rejeté.

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N°02PA01379


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ere chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 02PA01379
Date de la décision : 02/05/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: M. Jean-François TREYSSAC
Rapporteur public ?: Mme GIRAUDON
Avocat(s) : FAU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-05-02;02pa01379 ?
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