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22/02/2006 | FRANCE | N°03PA01114

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3eme chambre - formation a, 22 février 2006, 03PA01114


Vu la requête enregistrée les 11 et 13 mars 2003, présentée pour le MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITE ; le ministre demande à la cour d'annuler le jugement en date du 19 décembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du préfet de la région Ile de France, préfet de Paris en date du 10 octobre 2001, refusant à la S.A.S Bricorama France l'autorisation de déroger à la règle du repos dominical ;

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r>Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du...

Vu la requête enregistrée les 11 et 13 mars 2003, présentée pour le MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITE ; le ministre demande à la cour d'annuler le jugement en date du 19 décembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du préfet de la région Ile de France, préfet de Paris en date du 10 octobre 2001, refusant à la S.A.S Bricorama France l'autorisation de déroger à la règle du repos dominical ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er février 2006 :

- le rapport de M. Boulanger, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-5 du code du travail : « Le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche. » ; qu'aux termes de l'article L. 221-6 du même code : « Lorsqu'il est établi que le repos simultané, le dimanche, de tout le personnel d'un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement, le repos peut être donné, soit toute l'année, soit à certaines époques de l'année seulement suivant l'une des modalités ci-après : a) Un autre jour que le dimanche à tout le personnel de l'établissement ; b) Du dimanche midi au lundi midi ; c) Le dimanche après-midi avec un repos compensateur d'une journée par roulement et par quinzaine ; d) Par roulement à tout ou partie du personnel. Les autorisations nécessaires ne peuvent être accordées que pour une durée limitée. Elles sont données après avis du conseil municipal, de la chambre de commerce et d'industrie et des syndicats d'employeurs et de travailleurs intéressés de la commune » ; qu'aux termes de l'article R. 221-1 du même code : « Lorsqu'un établissement veut bénéficier de l'une des exceptions à l'attribution le dimanche du repos hebdomadaire, qui sont prévues à l'article L. 221-6, il est tenu d'adresser une demande au préfet du département. Les avis prévus audit article doivent être donnés dans le délai d'un mois. Le préfet statue ensuite par un arrêté motivé qu'il notifie dans la huitaine » ;

Considérant que pour se prononcer sur la demande de dérogation présentée par la société Bricorama pour le personnel du magasin de vente d'articles de bricolage qu'elle exploite avenue Simon Bolivar dans le 19ème arrondissement de Paris, et notamment pour apprécier si le fonctionnement normal de cet établissement serait compromis par le repos simultané de l'ensemble de son personnel, le préfet de Paris n'était tenu de prendre en compte que les détournements de clientèle dont étaient responsables des établissements concurrents régulièrement ouverts le dimanche ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que des commerces du type de celui dont s'agit, avaient, à la date de la décision critiquée, obtenu une dérogation à la règle du repos dominical sur le fondement des dispositions sus-rappelées de l'article L. 221-6 du code du travail ; que, par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté préfectoral en date du 10 octobre 2001 rejetant la demande de l'intéressée au motif qu'en se fondant sur les seules circonstances que les produits vendus ne correspondraient pas à un besoin du public dont la satisfaction ne pourrait être « reportée » sur les autres jours de la semaine, sans s'interroger sur le respect des principes de la liberté du commerce et de l'industrie et de la libre concurrence, le préfet de Paris devait être regardé comme ayant commis une erreur d'appréciation ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Bricorama devant le Tribunal administratif de Paris ;

Considérant en premier lieu, que pour prendre l'arrêté attaqué le préfet s'est fondé sur ce que les articles vendus ne correspondent pas à un besoin du public dont la satisfaction ne peut être différée et reportée sur un autre jour de la semaine, que le repos dominical simultané du personnel de l'établissement n'est ainsi pas préjudiciable au public, que la demande présentée ne démontre pas non plus la réalité d'un préjudice affectant le fonctionnement normal de l'établissement, dans la mesure où les prestations fournies peuvent être reportées et qu'en tout état de cause, la pérennité de l'entreprise ne se trouverait pas compromise par une cessation d'activité le dimanche ; qu'ainsi, le préfet a suffisamment précisé les considérations de fait et de droit qui l'ont conduit à prendre l'arrêté attaqué ;

Considérant en deuxième lieu, que si la société allègue que sa clientèle se compose de clients qui, en raison de leur activité professionnelle, ne peuvent se rendre durant la semaine dans son magasin et que l'ouverture le dimanche est en adéquation avec l'évolution actuelle du bricolage, qui au-delà de son seul aspect ludique, répond parfois également à des situations d'urgence, il n'est pas établi que ce public soit dans l'impossibilité d'effectuer ses achats les autres jours de la semaine dans l'établissement de la requérante qui est situé dans Paris et qui est ouvert toute la journée du lundi au samedi ; qu'elle ne justifie pas ainsi de circonstances précises, particulières à l'établissement en cause, de nature à ouvrir droit à une dérogation, laquelle ne saurait se justifier par des raisons de commodité ou même par une simple gêne pour le public, mais uniquement par l'existence d'un préjudice réel subi par ce dernier ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le repos simultané le dimanche de tout le personnel du magasin dont s'agit puisse être regardé comme étant préjudiciable au public au sens des dispositions précitées de l'article L. 221-6 du code du travail ;

Considérant en troisième lieu, que la société Bricorama fait valoir que la fermeture du magasin le dimanche occasionnerait une perte nette de chiffre d'affaires au moins égale à 10,31 % et une perte de résultat de plus de 17,30 % et aurait nécessairement des conséquences sur les résultats habituellement enregistrés durant la semaine, en raison de la perte définitive de clientèle induite par la fermeture le dimanche ; que, comme il a été dit ci-dessus, il n'est pas établi que la clientèle de la société ne puisse reporter sur les autres jours de la semaine les achats qu'elle effectue le dimanche ; qu'au surplus, la société Bricorama ne peut se prévaloir, pour obtenir la dérogation sollicitée, de l'importance de son chiffre d'affaires dominical qui a été réalisé grâce à son maintien dans une situation irrégulière de nature à fausser la concurrence ; que la société fait en outre valoir que l'appréciation d'un éventuel détournement de clientèle ne saurait se limiter à Paris mais doit s'étendre à l'ensemble de la région parisienne, à l'intérieur de laquelle les distances de circulation ou de transport sont très réduites ; qu'elle fait ainsi état d'une concurrence accrue d'autres sociétés situées à Paris ainsi que dans les départements limitrophes de Paris ; qu'elle n'apporte cependant aucun élément précis sur les conditions d'ouverture le dimanche de ces établissements concurrents et notamment sur les dérogations de la nature de celle qu'elle sollicite, dont ils auraient bénéficié ; qu'il est au contraire soutenu par le ministre et non sérieusement contesté, qu'aucun établissement exploité sous l'enseigne Castorama et situé à Paris ne bénéficie d'une telle dérogation ; qu'il est par ailleurs constant que l'établissement exploité sous l'enseigne de la société Leroy Merlin ne se situe pas dans un périmètre proche mais à Genevilliers dans le département des Hauts de Seine ; qu'enfin, la société ne saurait invoquer utilement la circonstance, à la supposer même établie, que certains établissements voisins du sien ne respecteraient pas de fait la règle du repos dominical ; que dès lors, l'absence d'autorisation d'ouverture dominicale ne peut être regardée comme de nature à compromettre le fonctionnement normal de la société au sens de l'article L. 221-6 du code du travail ;

Considérant, enfin, que la circonstance que les salariés travaillant le dimanche seraient tous volontaires et bénéficieraient de contreparties satisfaisantes est sans influence sur la légalité de la décision attaquée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de la société Bricorama ne peut qu'être rejetée ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 19 décembre 2002 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Bricorama devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

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NN 03PA01114


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3eme chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 03PA01114
Date de la décision : 22/02/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme CARTAL
Rapporteur ?: M. Christian BOULANGER
Rapporteur public ?: Mme FOLSCHEID
Avocat(s) : LE FAUCHEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-02-22;03pa01114 ?
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