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31/01/2006 | FRANCE | N°02PA01270

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4eme chambre, 31 janvier 2006, 02PA01270


Vu, enregistrée le 11 avril 2002, la requête présentée pour la COMMUNE DE SAINT-DENIS représentée par son maire, domicilié en cette qualité en l'hôtel de ville à Saint-Denis (93200), par Me Y... ; la COMMUNE DE SAINT-DENIS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9607760/6 en date du 15 janvier 2002 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à la société BLUNTZER la somme de 193 341,85 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 1996 ;

2°) de condamner la société BLUNTZER à lui verser la somme de 2 000 euros a

u titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………...

Vu, enregistrée le 11 avril 2002, la requête présentée pour la COMMUNE DE SAINT-DENIS représentée par son maire, domicilié en cette qualité en l'hôtel de ville à Saint-Denis (93200), par Me Y... ; la COMMUNE DE SAINT-DENIS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9607760/6 en date du 15 janvier 2002 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à la société BLUNTZER la somme de 193 341,85 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 1996 ;

2°) de condamner la société BLUNTZER à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 modifiée relative à la sous-traitance ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 janvier 2006 :

- le rapport de Mme Descours-Gatin, rapporteur,

- les observations de Me Y..., pour la COMMUNE DE SAINT-DENIS,

- et les conclusions de M. Trouilly, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par contrat en date du 26 avril 1990, la commune de Saint-Denis a attribué à la société STAM SUD EST le lot n°6 des menuiseries extérieures et des verrières du marché relatif à l'extension de l'hôtel de ville pour un montant de 22 000 000 F HT, dont la première tranche s'élevait à 21 518 300 F HT ; que, sur proposition de la société STAM SUD EST, la commune a, le 26 mars 1991, agréé la SA BLUNTZER en qualité d'entreprise sous-traitante pour un montant de 16 720 000 F HT, soit 19 829 920 F TTC ; que, le 15 septembre 1995, la commune a transmis pour approbation deux décomptes généraux et définitifs des travaux respectivement au liquidateur de la société STAM SUD EST, faisant apparaître une situation à régler de 510 308,57 F, et à la société BLUNTZER dont le compte était soldé ; que la société BLUNTZER a contesté auprès de la commune les pénalités de retard mentionnées sur le décompte général définitif pour un montant de 892 346,40 F et a demandé le versement d'intérêts moratoires ; que, la commune ayant rejeté sa réclamation préalable, la SA BLUNTZER a demandé au tribunal administratif la condamnation de la commune à lui verser les sommes de 910 019,33 F TTC au titre des travaux réalisés au lieu et place de la société STAM SUD EST et de 1 166 248 F au titre des travaux réalisés par elle-même en vertu d'un contrat de sous-traitance conclu avec la société STAM SUD-EST, sommes augmentées des intérêts de droit depuis la date de présentation du mémoire définitif et des intérêts capitalisés annuellement un an après cette date ; que la commune de Saint-Denis demande l'annulation du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à la société BLUNTZER la somme de 1 268 329,40 francs (193 341,85 euros) avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 1996, dont 510 308,57 F au titre du solde définitif des prestations réalisées par la société BLUNTZER pour le compte de la société STAM SUD EST et 757 930,80 F au titre du solde du montant du marché dont la société BLUNTZER était le sous-traitant ;

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

Considérant que l'avis d'accusé de réception par la COMMUNE DE SAINT-DENIS de la notification du jugement en date du 15 janvier 2002 indique que la lettre recommandée contenant ce jugement a été présentée le 11 février 2002 ; que, dès lors, la requête enregistrée le 11 avril 2002 n'est pas tardive ; que la fin de non-recevoir opposée par la société BLUNTZER doit, en conséquence, être rejetée ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant que la demande a été présentée le 30 mai 1996 devant le Tribunal administratif de Paris pour la Société Bluntzer SA « prise en la personne de ses représentants légaux » par un avocat, qui n'avait pas à justifier du mandat par lequel il avait été saisi par son client ; que la société Bluntzer SA doit donc être regardée comme ayant été représentée devant le tribunal administratif par le président de son conseil d'administration, qui, en vertu des dispositions de l'article 113 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés, a de plein droit qualité pour engager l'action en justice ; que l'instance a été reprise, en tant que de besoin, par la société Bluntzer SA après sa cessation d'activité ; que, par mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif le 11 décembre 2001, la SA BIHR LE X... et Me Z... en leur qualité de commissaires au plan désignés par le tribunal de commerce le 26 janvier 2000, ont entendu poursuivre l'instance engagée devant le Tribunal par la société BLUNTZER SA ; que, si la société Bluntzer avait cessé complètement son activité à la suite de la vente de son fonds, il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal de commerce avait prononcé la clôture des opérations de liquidation, en exécution du plan de cession, qui seul entraîne la disparition de la personne morale ; que, dans ces conditions, les commissaires à l'exécution du plan de cession restaient les représentants de la société pour poursuivre l'instance ; qu'il suit de là, que la COMMUNE DE SAINT-DENIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont admis la recevabilité de la demande ;

En ce qui concerne les travaux réalisés par la société BLUNTZER au lieu et place de la société STAM SUD EST :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un accord d'agrément signé le 26 mars 1991, la commune de Saint-Denis a accepté la société BLUNTZER en qualité de sous-traitant de la société STAM SUD EST pour une partie des travaux de menuiseries extérieures et des verrières et agréé les conditions de paiement prévues au contrat de sous-traitance ; que, par lettre en date du 30 novembre 1992, le directeur de la société STAM International a informé la commune de Saint-Denis de ce que la société STAM SUD EST ayant été mise en liquidation le 25 novembre 1992, il ne pouvait signer l'ordre de service n°5 et que la commune devrait envisager « la possibilité d'un acte de substitution avec la société Bluntzer SA à qui la société STAM international avait sous-traité l'intégralité des marchés » ; que les représentants de la commune de Saint-Denis ont ensuite eu des rapports directs avec les représentants de la société BLUNTZER, notamment en leur adressant directement l'ordre de service n°6 en date du 14 décembre 1992, en leur demandant divers travaux relatifs à des stores par lettre en date du 2 mars 1993, en les convoquant à diverses réunions pour la réception des travaux ; que la SOCIETE BLUNTZER a réalisé les seuls travaux correspondant aux ordres de service n°5 et n°6 , soit pour des montants respectifs de 204 090,44 F TTC et de 59 716,76 F TTC ; qu'ainsi, la SOCIETE BLUNTZER ne pouvait prétendre qu'au règlement des travaux supplémentaires qu'elle avait exécutés dans ces conditions pour donner satisfaction au maître d'ouvrage ; que la commune de Saint-Denis est donc fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à la société BLUNTZER la somme de 510 308,57 F au titre des travaux effectués en lieu et place de la société STAM SUD EST ; que la somme à laquelle la COMMUNE DE SAINT-DENIS doit être condamnée à verser à la société BLUNTZER à ce titre doit être ramenée à 263 807,20 F, soit 40 217,48 €, augmentée des intérêts aux taux légal à compter du 30 mai 1996, date d'enregistrement de la demande au tribunal administratif et capitalisation des intérêts échus le 31 mai 1997 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

En ce qui concerne les travaux réalisés par la société BLUNTZER en qualité de sous-traitant :

En ce qui concerne les pénalités de retard :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'analyse jointe au rapport de fin de chantier établie le 4 juin 1993 par la société ETCOGEBA IDF, que les retards dans le chantier dûs à l'exécution de gros oeuvre et aux intempéries ont été pris en compte dans le planning assigné à l'entreprise BLUNTZER ; qu'ainsi, le planning tel qu'établi par le CCFAP, lequel prévoyait l'intervention de la société du 8 mars au 5 octobre 1991, a ensuite été décalé de 59 jours, la date théorique de démarrage étant alors fixée au 23 septembre 1991 pour des travaux devant s'achever le 4 mai 1992 ; que la société Bluntzer a réalisé ces travaux du 8 octobre 1991 au 20 janvier 1993 ; que son retard par rapport au dernier planning établi s'est donc élevé à 180 jours ; que la commune n'a cependant retenu que 90 jours de retard imputables directement à la société Bluntzer, en prenant notamment en compte la circonstance qu'à partir du 15 octobre 1992, la façade sud étant hors d'eau, l'entreprise Clestra pouvait poursuivre son intervention dans cette zone ; qu'il suit de là que, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la date de résiliation du marché, laquelle est nécessairement intervenue après le 15 octobre 1992, la COMMUNE DE SAINT-DENIS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a jugé que la société Bluntzer était fondée à demander la condamnation de la commune à lui verser le montant des pénalités de retard injustement mises à sa charge, soit la somme de 624 642,48 F ;

Sur l'appel incident de la société BLUNTZER :

Considérant que les dispositions des articles 47 à 53 de la loi du 25 janvier 1985 d'où résultent, d'une part, le principe de la suspension ou de l'interdiction de toute action en justice de la part de tous les créanciers à compter du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, d'autre part, l'obligation, qui s'impose aux collectivités publiques comme à tous autres créanciers, de déclarer leurs créances dans les conditions et délais fixés, ne comportent, pas plus que ne le faisaient les articles 35 et suivants de la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967, de dérogation aux dispositions régissant les compétences respectives des juridictions administratives et judiciaires ; que les dispositions des articles 65 et suivants du décret du 27 décembre 1985 n'ont ni pour objet ni pour effet d'instituer une telle dérogation ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient de façon exclusive à l'autorité judiciaire de statuer sur l'admission ou la non-admission des créances déclarées que la circonstance que la collectivité publique dont l'action devant le juge administratif tend à faire reconnaître et évaluer ses droits lors du règlement d'un marché conclu dans le but de construire un ouvrage pour elle avec une entreprise admise ultérieurement à la procédure de redressement, puis de liquidation judiciaire, n'aurait pas déclaré sa créance éventuelle dans le délai fixé à l'article 66 du décret du 27 décembre 1985 et n'aurait pas demandé à être relevée de la forclusion dans les conditions prévues par l'article 53 de la loi du 25 janvier 1985 et l'article 70 du décret du 27 décembre 1985 est sans influence sur la compétence du juge administratif pour se prononcer sur ces conclusions dès lors qu'elles ne sont elles-mêmes entachées d'aucune irrecevabilité au regard des dispositions dont l'appréciation relève de la juridiction administrative, et ce, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur l'extinction de cette créance ; qu'il résulte également de ce qui précède que si les dispositions législatives précitées réservent à l'autorité judiciaire la détermination des modalités de règlement des créances sur les entreprises en état de redressement, puis de liquidation judiciaire, il appartient au juge administratif d'examiner si la collectivité publique a droit à réparation et de fixer le montant des indemnités qui lui sont dues à ce titre par l'entreprise défaillante ou son liquidateur, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur le recouvrement de cette créance ; que les conclusions de la société BLUNTZER tendant à la décharge de la somme de 267 703,92 F, soit 40 811,20 euros, au titre des 27 jours de pénalités de retard retenus par le tribunal doivent être rejetées ;

En ce qui concerne les intérêts moratoires :

Considérant qu'aux termes de l'article 186 ter du code des marchés publics alors applicable : « Au vu des pièces justificatives fournies par le sous-traitant et revêtues de l'acceptation du titulaire du marché, l'ordonnateur mandate les sommes dues au sous-traitant et, le cas échéant, envoie à ce dernier l'autorisation définie au I de l'article 178 bis. /Dès réception de ces pièces, l'administration avise le sous-traitant de la date de réception de la demande de paiement envoyée par le titulaire et lui indique les sommes dont le paiement à son profit a été accepté par ce dernier. /Dans le cas où le titulaire d'un marché n'a ni opposé un refus motivé à la demande de paiement du sous-traitant dans le délai de quinze jours suivant sa réception, ni transmis celle-ci à l'administration, le sous-traitant envoie directement sa demande de paiement à l'Administration par lettre recommandée avec avis de réception postal ou la lui remet contre un récépissé dûment daté et inscrit sur un registre tenu à cet effet. » ; qu'aux termes de l'article 178 du même code : « I. - L'administration contractante est tenue de procéder au mandatement des acomptes et du solde dans un délai qui ne peut dépasser trente-cinq jours (…) /II. - Le défaut de mandatement dans le délai prévu au I ci-dessus fait courir de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant, des intérêts moratoires, à partir du jour suivant l'expiration dudit délai jusqu'au quinzième jour inclus suivant la date du mandatement du principal (…) » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société BLUNTZER a adressé ses situations de travaux directement à la commune de Saint-Denis sans saisir préalablement la STAM SUD Est dont elle était le sous-traitant ; qu'il suit de là que la Société BLUNTZER, à laquelle s'appliquaient les dispositions sus-rappelées du code des marchés publics, ne pouvait prétendre au versement d'intérêts moratoires ; qu'il suit de là que la commune de Saint-Denis est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à la société BLUNTZER la somme de 133 288,32 F au titre des intérêts moratoires ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Saint-Denis, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la société BLUNTZER la somme qu' elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche dans les circonstances de l'espèce, par application des mêmes dispositions, de condamner la société BLUNTZER à payer la somme de 2 000 euros à la commune de Saint-Denis au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme à laquelle la COMMUNE DE SAINT-DENIS a été condamnée à verser à la société BLUNTZER par le Tribunal administratif de Paris est ramenée à 263 807,20 F, soit 40 217,48 €, avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 1996 et capitalisation des intérêts échus le 31 mai 1997 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 15 janvier 2002 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE SAINT-DENIS et les conclusions incidentes de la société BLUNTZER sont rejetés.

Article 4 : La société BLUNTZER versera la somme de 2 000 euros à la COMMUNE DE SAINT-DENIS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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02PA01270


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4eme chambre
Numéro d'arrêt : 02PA01270
Date de la décision : 31/01/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MERLOZ
Rapporteur ?: Mme Chantal DESCOURS GATIN
Rapporteur public ?: M. TROUILLY
Avocat(s) : FELDMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-01-31;02pa01270 ?
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