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30/12/2005 | FRANCE | N°02PA00418

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3eme chambre - formation b, 30 décembre 2005, 02PA00418


Vu la requête, enregistrée le 30 janvier 2002, présentée pour Mme Hélène X, veuve Y, demeurant ..., M. Olivier Y, demeurant ..., Mme Fabienne Y épouse Z, demeurant ..., M. et Mme Z en qualité de représentants légaux et de leurs enfants mineurs Niels Clélia et Joris Z, demeurant ..., représentés par Me Farthouat ; les requérants demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 20 novembre 2001 rejetant leurs requêtes tendant à l'indemnisation des préjudices qu'ils ont subis du fait de la contamination de Mme Hélène Y par l

e virus de l'hépatite C ;

2°) de déclarer l'Etablissement français du san...

Vu la requête, enregistrée le 30 janvier 2002, présentée pour Mme Hélène X, veuve Y, demeurant ..., M. Olivier Y, demeurant ..., Mme Fabienne Y épouse Z, demeurant ..., M. et Mme Z en qualité de représentants légaux et de leurs enfants mineurs Niels Clélia et Joris Z, demeurant ..., représentés par Me Farthouat ; les requérants demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 20 novembre 2001 rejetant leurs requêtes tendant à l'indemnisation des préjudices qu'ils ont subis du fait de la contamination de Mme Hélène Y par le virus de l'hépatite C ;

2°) de déclarer l'Etablissement français du sang responsable de la contamination de Mme Hélène Y par le virus de l'hépatite C et de le condamner en conséquence, solidairement avec le département des Hauts-de-Seine, à verser à Mme Hélène Y une somme de 152 450 euros, à Mme Z épouse Y une somme de 15 245 euros, à M. Olivier Y une somme de 15 245 euros et à M. et Mme Z agissant en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs Clélia, Joris et Niels Z une somme de 9 147 euros pour chacun ;

3°) de condamner solidairement l'Etablissement français du sang et le département des Hauts-de-Seine à leur payer une somme de 2 287 euros chacun en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les articles 14 et 15 de l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 décembre 2005 :

- le rapport de M. Amblard, rapporteur,

- les observations de Me Perinetti pour l'Etablissement français du sang,

- et les conclusions de Mme Helmlinger, commissaire du gouvernement ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 1er septembre 2005 susvisée : « Les demandes tendant à l'indemnisation des dommages résultant de la fourniture de produits sanguins labiles ou de médicaments dérivés du sang élaborés (...) par des organismes dont les droits et obligations ont été transférés à l'Etablissement français du sang en vertu d'une convention conclue en application de l'article 18 de la loi du 1er juillet 1998 visée ci-dessus ou dans les conditions fixées au I de l'article 60 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2000 visée ci-dessus relèvent de la compétence des juridictions administratives quelle que soit la date à laquelle est intervenu le fait générateur des dommages dont il est demandé réparation. » ; qu'il résulte de ces dispositions que la juridiction administrative est compétente pour connaître de la requête de Mme Y et consorts dirigée contre l'Etablissement français du sang qui vient aujourd'hui aux droits et obligations de l'association hôpital Foch de Suresnes, et ce nonobstant le statut de droit privé dudit l'hôpital Foch ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que les premiers juges ont omis de statuer sur les conclusions de l'établissement français du sang tendant à ce que le tribunal se déclare incompétent pour connaître de la requête de Mme Y en tant qu'elle était dirigée contre lui ainsi que sur les fins de non-recevoir de la requête soulevées tant par ledit Etablissement français du sang que par le département des Hauts-de-Seine ; que le jugement entrepris doit donc être annulé comme irrégulier ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par Mme Y et consorts devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur la recevabilité des requêtes présentées par Mme Y et consorts devant le tribunal :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ; que si Mme Y et consorts font état de réclamations préalables qu'ils auraient adressées au département des Hauts-de-Seine le 18 décembre 1996, ils ne l'établissent pas par la production d'un quelconque justificatif du dépôt d'une telle réclamation préalable ; qu'en tout état de cause, à supposer que ces réclamations exigées par les dispositions précitées du code de justice administrative aient été effectivement faites auprès du département des Hauts-de-Seine, le silence gardé par ce dernier aurait fait naître au bout de quatre mois une décision implicite de rejet contre laquelle les requérants auraient pu former un recours dans un délai de deux mois ; qu'il résulte des pièces du dossier que les requérants n'ont saisi le Tribunal de grande instance de Nanterre par une assignation en référé que le 28 juillet 1997 alors que les délais de recours contre la décision qui serait née du rejet implicite de la réclamation préalable qu'ils auraient adressée au département avaient expiré ; que, dès lors, le département des Hauts-de-Seine est fondé à demander le rejet de la requête des consorts Y en tant qu'elles sont dirigées à son encontre ainsi que par voie de conséquence le rejet des conclusions de la caisse primaire d'assurance-maladie de la Seine-Saint-Denis ;

Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que l'hôpital Foch de Suresnes a pour sa part bien été saisi d'une réclamation préalable tendant à l'indemnisation de Mme Y ; que, dès lors, la requête de Mme Y et consorts, en tant qu'elle est dirigée contre l'hôpital Foch de Suresnes, aux droits et obligations duquel vient aujourd'hui l'Etablissement français du sang, est recevable ; que Mme Y peut donc solliciter de la juridiction administrative la condamnation de l'Etablissement français du sang à l'indemniser de la totalité des préjudices qui résulteraient de ladite contamination dès lors qu'il serait établi que ledit établissement serait reconnu responsable ou même coresponsable de cette contamination ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'en vertu des dispositions de la loi du 21 juillet 1952 modifiée par la loi du 2 août 1961, applicables à l'époque des faits, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de collecte du sang et ont pour mission d'assurer le contrôle médical des prélèvements, le traitement, le conditionnement et la fourniture aux utilisateurs des produits sanguins ; qu' eu égard tant à la mission qui leur est confiée par la loi qu'aux risques que présente la fourniture de produits sanguins, les centres de transfusion sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis ;

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 : « En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable.» ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non pas seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;

Considérant qu'il résulte des conclusions du rapport établi le 1er mars 1999 par l'expert désigné par le Tribunal de grande instance de Nanterre que Mme Y présentait de nombreux facteurs de risque de contamination par le virus de l'hépatite C avant et après le triple pontage coronarien qu'elle a subi le 13 mai 1985 au sein du centre médico-chirurgical Foch, risque résultant de deux accouchements, d'une intervention chirurgicale en 1996 ainsi qu'en 1978, d'une transfusion en 1978, de deux coronarographies et d'une intervention orthopédique en 1992 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que, eu égard au nombre des produits sanguins qui lui ont été administrés à l'occasion du triple pontage coronarien, à savoir quatre culots globulaires et 14 plasmas frais, et eu égard à la circonstance que les bilans hépatiques préopératoires et postopératoires réalisés en 1982 et en juillet 1985 s'étaient avérés normaux, la contamination de Mme Y par le virus de l'hépatite C doit être imputée aux transfusions de produits sanguins lors du triple pontage qu'il a subi le 13 mai 1985 au sein du centre médico-chirurgical Foch ; que l'enquête transfusionnelle diligentée par l'expert n'a pas été contributive, seuls 11 donneurs sur 18 ayant été retrouvés négatifs ; que pour deux des donneurs de plasma frais congelé fourni par le centre départemental de transfusion d'Asnieres qui n'ont pas été contrôlés, « l'un avait des marqueurs hépatite B. anormaux sur un don ultérieur » et l'autre « avait un antécédent d'hépatite virale non documentée » ; que, dans ces circonstances, l'hôpital Foch qui a fourni un des culots globulaires pour lequel le donneur n'a pas été retrouvé ainsi que le centre départemental de transfusion d'Asnieres n'établissent pas, comme cela leur incombe, la preuve de l'innocuité des produits sanguins transfusés à Mme Y ; que, dans ces conditions, le lien de causalité entre les transfusions et la contamination de Mme Y doit être regardé comme établi ; que, dès lors, Mme Y est fondée à rechercher auprès de l'Etablissement français du sang venant aux droits et obligations de l'association hôpital Foch de Suresnes, en sa qualité de coauteur de sa contamination par le virus de l'hépatite C, l'indemnisation de l'intégralité des préjudices qu'elle a subis de ce fait ;

Sur le préjudice :

Considérant, qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il résulte du rapport de l'expert que Mme Y, qui était âgée de cinquante-deux ans au moment de sa contamination, est actuellement porteur d'une hépatite chronique modérée peu symptomatique mais susceptible d'évoluer ; que l'asthénie dont fait état Mme Y doit être imputée pour un tiers seulement à la contamination par le virus de l'hépatite C compte tenu d'un état antérieur caractérisé par une maladie cardio-vasculaire et un diabète ; que les souffrances physiques et psychiques qu'elle a endurées peuvent être évaluées à 2 sur une échelle de 1 à 7 ; qu'il n'y a pas de préjudice esthétique ni d'incapacité permanente partielle au stade actuel de la maladie ; que, dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation des souffrances physiques et des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence subis par Mme Y, compte tenu notamment des craintes légitimes qu'elle peut entretenir quant à l'évolution de son état de santé, en fixant à la somme de 10 000 euros le montant de l'indemnité due à ce titre ; qu'en outre il y a lieu d'accorder respectivement, en réparation de leur préjudice moral, une somme de 750 euros à ses enfants Olivier Y et Fabienne Y épouse Z, ainsi qu'une somme de 500 euros à chacun de ses petits-enfants mineurs Niels Clélia et Joris Z ;

Sur les conclusions de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE :

Considérant que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT-DENIS a droit en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale au remboursement des débours supplémentaires qu'elle a exposés en raison de la contamination de Mme Y par le virus de l'hépatite C ; que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE-MALADIE soutient sans être contestée que le montant des prestations qu'elle a dû verser à ce titre à la somme de 1 054,80 euros ; qu'il y a donc lieu de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser la somme augmentée des intérêts de droit à compter du 17 octobre 2001 ;

Sur les conclusions de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT-DENIS tendant au paiement d'une indemnité forfaitaire :

Considérant qu'aux termes des cinquième et sixième alinéas de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale résultant du I de l'article 9 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 : “En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 5 000 F et d'un montant minimum de 500 F. Cette indemnité est établie et recouvrée par la caisse selon les règles et sous les garanties et sanctions prévues au chapitre 3 du titre III et aux chapitres 2, 3 et 4 du titre IV du livre 1er ainsi qu'aux chapitres 3 et 4 du titre IV du livre II applicables au recouvrement des cotisations de sécurité sociale” ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les caisses, lorsqu'elles demandent à la juridiction administrative compétente de condamner le tiers responsable à leur rembourser les prestations qu'elles ont versées à la victime, peuvent assortir leur demande de remboursement d'une demande accessoire portant sur l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions susmentionnées ; que la juridiction administrative est alors compétente pour se prononcer sur de telles conclusions ;

Considérant qu'il y a lieu, par application des dispositions précitées du code de la sécurité sociale, de condamner l'Etablissement français du sang à verser à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT-DENIS le tiers de la somme de 1 054,80 euros, soit la somme de 351,60 euros ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu en application des dispositions susmentionnées du code de justice administrative à condamner l'Etablissement français du sang à payer respectivement aux consorts Y et à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE-MALADIE DE LA SEINE-SAINT-DENIS les sommes de 1 500 et 305 euros à ce titre ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du le 20 novembre 2001 est annulé.

Article 2 : L'Etablissement français du sang versera à Mme Y la somme de 10 000 euros, à ses enfants Olivier Y et Fabienne Y épouse Z la somme de 750 euros chacun, ainsi qu'une de somme de 500 euros chacun à Niels Clélia et Joris Z ses petits-enfants mineurs.

Article 3 : L'Etablissement français du sang versera à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT DENIS les sommes de 1 054,80 euros augmentées des intérêts de droit à compter du 17 octobre 2001, et une indemnité forfaitaire de 351,60 euros.

.

Article 4 : L'Etablissement français du sang versera respectivement à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT DENIS et aux consorts Y les sommes de 305 et 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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NN 02PA00418


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3eme chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 02PA00418
Date de la décision : 30/12/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FOURNIER DE LAURIERE
Rapporteur ?: M. François AMBLARD
Rapporteur public ?: Mme HELMLINGER
Avocat(s) : HUYGHE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2005-12-30;02pa00418 ?
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