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08/06/2005 | FRANCE | N°01PA02782

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3eme chambre - formation a, 08 juin 2005, 01PA02782


Vu la requête, enregistrée le 31 août 2001, présentée pour M. Patrick X élisant domicile ...), par Me Levert ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9908388/3 en date du 5 juin 2001 en tant que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a limité à 37 500 F la somme qu'il a condamné le centre hospitalier de Saint-Denis à lui verser en réparation des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 13 février 1996 dans cet établissement ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Saint-Denis à lui verser la somme de 159

000 F, avec intérêts à compter du 26 avril 1999 ;

3°) de condamner le centre...

Vu la requête, enregistrée le 31 août 2001, présentée pour M. Patrick X élisant domicile ...), par Me Levert ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9908388/3 en date du 5 juin 2001 en tant que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a limité à 37 500 F la somme qu'il a condamné le centre hospitalier de Saint-Denis à lui verser en réparation des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 13 février 1996 dans cet établissement ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Saint-Denis à lui verser la somme de 159 000 F, avec intérêts à compter du 26 avril 1999 ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Saint-Denis aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise en référé, et à lui verser la somme de 10 000 F en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 2005 :

- le rapport de Mme Pellissier, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. Patrick X, âgé de 36 ans et souffrant depuis l'été 1995 d'une baisse de l'acuité auditive de l'oreille gauche due à une perforation tympanique, a subi le 13 février 1996 à l'hôpital Delafontaine de Saint-Denis une opération chirurgicale sous anesthésie générale consistant en la mise en place d'un greffon pour assurer la fermeture de cette perforation ; qu'immédiatement après cette opération, il a subi des vertiges et acouphènes gauches, puis une surdité de perception des fréquences aiguës évoluant dans les 11 mois vers une surdité quasi totale gauche, tableau révélateur, selon le rapport d'expertise en référé déposé le 23 septembre 1999, d'une atteinte du labyrinthe gauche, organe de l'oreille interne, sans lésion directe de celui-ci au cours de l'intervention ;

Considérant en premier lieu que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement d'un malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle, et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état et présentant un caractère d'extrême gravité ;

Considérant qu'alors même qu'à l'origine seule l'oreille moyenne était touchée, la surdité totale de l'oreille gauche subie par M. X du fait d'une atteinte du labyrinthe n'est pas sans rapport avec son état antérieur qui se traduisait par une diminution de l'acuité auditive de 32 décibels ; que d'ailleurs cette surdité unilatérale correspondant à un taux d'invalidité permanente partielle de 16 % ne présente pas le caractère d'extrême gravité auquel est subordonnée la mise en oeuvre de la responsabilité sans faute de l'établissement hospitalier ;

Considérant en second lieu que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent d'établir son consentement éclairé ; qu'il appartient au centre hospitalier d'apporter par tous moyens la preuve de cette information ;

Considérant que le risque de surdité lié à l'opération subie par M. X se réalise selon le rapport d'expertise dans 0,2 à 1 % des cas , hormis ceux où le labyrinthe serait directement lésé par une manoeuvre fautive du chirurgien ; que la circonstance que M. X avait déjà subi, avec succès, deux opérations de tympanoplastie sur l'oreille droite une vingtaine d'années auparavant ne permet pas de présumer qu'il était informé de ce risque de surdité ; que la circonstance que l'opération a été programmée sans urgence, ce qui était d'ailleurs rendu nécessaire par l'état initial d'infection de l'oreille, et précédée selon l'hôpital de plusieurs consultations et de trois séries d'examens hématologique, audiométrique et anesthésique, ne suffit pas dans les circonstances de l'espèce, alors que la date d'examen de M. X par le chirurgien qui a opéré ne figure même pas au dossier, à démontrer que l'intéressé a été averti du risque de surdité définitive que comportait cette intervention ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à raison de la perte de chances dont M. X a été privé de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'informé de ce risque M. X, alors même que la perte d'acuité de l'audition gauche, non invalidante, pouvait aussi être compensée par une prothèse, aurait nécessairement renoncé à une opération qu'il avait déjà subie avec succès et dont il pouvait attendre une nette amélioration ; qu'ainsi la faute de l'hôpital n'ouvre droit à réparation que d'une fraction du préjudice subi par M. X du fait des conséquences dommageables de l'opération ; que compte tenu du rapprochement entre les risques de l'opération et les bénéfices qui pouvaient en être attendus, le tribunal administratif, en fixant à un quart la fraction du préjudice dont la réparation incombe à l'hôpital a fait des circonstances de l'espèce une appréciation qui n'est ni insuffisante ni excessive ;

Considérant que la surdité unilatérale accompagnée d'acouphènes et de vertiges dont souffre M. X représente une incapacité permanente partielle de 16 % ; qu'en estimant à 128 000 F le préjudice résultant de cette incapacité et 16 000 F le préjudice d'agrément, soit 144 000 F (21 952,66 euros) pour l'ensemble des troubles que subit M. X dans ses conditions d'existence, le tribunal a fait une exacte appréciation de ce chef de préjudice ; que les douleurs physiques que décrit le requérant, estimées par l'expert à 2 sur une échelle de 7, correspondent pour partie aux troubles créés par les acouphènes et indemnisés par la somme de 144 000 F précitée ; qu'en fixant à 6 000 F la somme représentant la réparation des douleurs physiques, le tribunal administratif a fait de celles-ci une appréciation qui n'est pas insuffisante ; qu'ainsi le préjudice global s'élève à la somme totale de 150 000 F (22 867,35 euros) ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a limité au quart de la somme de 150 000 F, soit 37 500 F (5 716,84 euros) la somme qu'il a condamné l'hôpital Delafontaine de Saint-Denis à lui verser ; que les conclusions d'appel incident de l'hôpital doivent également être rejetées ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'hôpital Delafontaine de Saint-Denis, qui n'est pas la partie perdante, verse à M. X la somme qu'il demande au titre des frais de procédure qu'il a exposés ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner M. X à verser à l'hôpital la somme qu'il demande au titre des frais de procédure qu'il a exposés pour sa défense ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. X et les conclusions d'appel incident de l'hôpital Delafontaine de Saint-Denis sont rejetées.

2

N° 01PA02782


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3eme chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 01PA02782
Date de la décision : 08/06/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pré CARTAL
Rapporteur ?: Mme Sylvie PELLISSIER
Rapporteur public ?: Mme FOLSCHEID
Avocat(s) : LEVERT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2005-06-08;01pa02782 ?
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