La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/05/2005 | FRANCE | N°01PA02067

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3eme chambre - formation a, 09 mai 2005, 01PA02067


Vu la requête, enregistrée le 22 juin 2001, présentée pour M. et Mme Paul X, élisant domicile ..., par la SELARL Acaccia ;

M. et Mme X demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 982023 du 15 mars 2001 en tant que le Tribunal administratif de Melun n'a que partiellement fait droit à leurs conclusions en condamnant la commune de Provins à leur verser une somme de 68 539 F, qu'ils estiment insuffisante, en réparation du préjudice que leur a causé la noyade de leur fils Wilfrid, le 20 novembre 1992 , à la piscine municipale et une somme de 5 000 F au titre des

frais de procédure ;

2°) de condamner la commune de Provins à leur verse...

Vu la requête, enregistrée le 22 juin 2001, présentée pour M. et Mme Paul X, élisant domicile ..., par la SELARL Acaccia ;

M. et Mme X demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 982023 du 15 mars 2001 en tant que le Tribunal administratif de Melun n'a que partiellement fait droit à leurs conclusions en condamnant la commune de Provins à leur verser une somme de 68 539 F, qu'ils estiment insuffisante, en réparation du préjudice que leur a causé la noyade de leur fils Wilfrid, le 20 novembre 1992 , à la piscine municipale et une somme de 5 000 F au titre des frais de procédure ;

2°) de condamner la commune de Provins à leur verser la somme de 300 000 euros en réparation de leur préjudice et 1 982 euros au titre des frais de procédure en première instance ;

3°) de condamner la commune de Provins à leur verser une somme de 2 272 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 20 avril 2005 :

- le rapport de Mme Pellissier, rapporteur,

- les observations de Me Berard, pour la commune de Provins et la société AGF,

- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le vendredi 20 novembre 1992, M. Wilfrid X, âgé de 19 ans et excellent nageur du club de natation de Provins, n'a pas quitté la piscine municipale à la fin de l'entraînement de ce club à 18H30, mais est resté près du bassin alors qu'à la même heure l'accès à la piscine était ouvert au public ; que l'un des maîtres-nageurs l'a vu commencer à nager en apnée et l'a suivi pendant plus d'une longueur avant de reporter son attention sur l'ensemble du bassin ; que peu de temps après, Wilfrid X a été repéré inanimé au fond du bassin par un nageur du public ; qu'immédiatement secouru, il n'a pu être réanimé malgré les soins apportés par le personnel de la piscine puis les pompiers ; que si le service médical d'urgence a pu après plus d'une demi-heure faire reprendre une activité cardiaque, le jeune homme entré dans le coma est décédé le 22 novembre 1992 au centre hospitalier du

Kremlin-Bicêtre ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R. 102 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel alors en vigueur, le délai de recours de deux mois ne court en matière de plein contentieux qu'à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet ; qu'ainsi la commune n'est pas fondée à soutenir que la demande

de M. et Mme X, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 21 avril 1998 contre la décision implicite de rejet née du silence gardé quatre mois sur leur demande préalable reçue le 8 octobre 1997 par la commune, serait irrecevable ;

Sur la responsabilité :

Considérant que pour estimer que le personnel de la piscine a tardé une dizaine de minutes à prévenir les pompiers, appelés à 18H44 selon les enregistrements de leur centre d'appel et arrivés à la piscine à 18H50, le tribunal a retenu d'une part le fait que le jeune homme aurait été sorti de l'eau à 18H33, d'autre part celui que la bouteille d'oxygène de la piscine était vide avant l'arrivée des pompiers, ce qui impliquerait au moins 15 minutes d'utilisation ;

Considérant que la circonstance que la bouteille d'oxygène était vide à l'arrivée des pompiers n'atteste pas de sa durée d'utilisation ; que si M. Y, le nageur qui a repéré et secouru le premier Wilfrid X, a donné de façon formelle l'heure de 18H33 comme celle

à laquelle auraient débuté les secours, cette heure n'est par corroborée par les autres éléments du dossier et notamment l'enchaînement des faits tels que décrits par les témoins, y compris M. Y qui, n'étant pas entré le tout premier dans les locaux de la piscine à l'ouverture à 18H30, est passé par les vestiaires et la douche, a commencé à nager avant de repérer le corps, a interrogé un tiers avant de plonger pour s'assurer de son état, est ressorti pour alerter le maître-nageur, enfin a replongé pour remonter la victime qui a été hissée sur le bord par le personnel de la piscine avant qu'il ne regarde l'heure ; que par ailleurs l'enregistrement de l'appel reçu à 18H44 correspond aux circonstances décrites par les témoins qui relatent que le numéro a été composé, au moment même où le corps était sorti de l'eau, par la secrétaire du club de natation, qui se trouvait devant le local des maîtres-nageurs, et qu'un maître-nageur a ensuite pris la communication en indiquant l'adresse de la piscine et l'état de la victime ; qu'ainsi il résulte de l'instruction que Wilfrid X a été secouru vers 18H44 et les pompiers immédiatement appelés ;

Considérant par suite que c'est à tort que le tribunal a retenu un délai anormal dans l'appel des secours pour considérer que le personnel de la piscine avait commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;

Considérant cependant qu'il résulte des pièces du dossier que les deux maîtres-nageurs de la piscine étaient bien sur le bord du bassin et non en pause au moment où a pu se produire le malaise ; que s'il ne leur appartenait pas a priori de surveiller particulièrement M. X, connu d'eux pour être un très bon nageur, alors que la piscine était ouverte au public, il est constant que l'un de ces maîtres-nageurs a vu le jeune homme, qu'il savait fatigué et auquel il avait déconseillé l'apnée durant l'entraînement du club de natation, commencer à nager sous l'eau peu après 18H30 ; qu'il a d'ailleurs suivi sa progression pendant un peu plus d'une longueur avant de reporter son attention sur l'ensemble du bassin où arrivait le public ; que dans ces conditions, la circonstance que la perte de connaissance de Wilfrid X n'a été découverte qu'après plusieurs minutes et par un nageur du public, révèle un défaut de surveillance ; que cette faute qui a retardé l'administration des secours a compromis les chances de sauver le nageur ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la circonstance, rapportée par des témoins, que les projecteurs sub-aquatiques du bassin n'étaient pas allumés le soir de l'accident aurait retardé le repérage du corps, qui a été vu au fond de l'eau tant par M. Y quand il est passé au dessus en nageant que par le maître nageur qui se trouvait de l'autre côté du bassin quand il l'a alerté ;

Considérant enfin qu'il est constant que la réserve d'oxygène du bloc de secours de la piscine était épuisée à l'arrivée, qui a été rapide, des pompiers ; que cette circonstance, alors même que ce bloc a dû dans un premier temps être utilisé à des fins d'aspiration pour dégager les voies respiratoires, révèle soit une défaillance du matériel soit des erreurs dans sa manipulation ; que l'arrêt de la fourniture d'oxygène, alors même que les opérations de réanimation ont été poursuivies par le bouche-à-bouche et les massages cardiaques, a pu compromettre les chances de survie et constitue également une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;

Considérant cependant que Wilfrid X, en décidant de nager en apnée dans un bassin ouvert au public, alors qu'il ne pouvait ignorer qu'il n'était pas personnellement surveillé et cela le jour-même où il s'était dit fatigué et venait d'être averti des dangers de l'apnée, a commis une faute de nature à exonérer la commune d'une partie de sa responsabilité ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en laissant à la charge de celle-ci un quart du préjudice subi par les requérants ;

Sur le préjudice :

Considérant que le préjudice matériel constitué par les frais d'obsèques s'est élevé à la somme non contestée de 74 156 F , soit 11 305 euros ; que le tribunal administratif a fait une juste appréciation du préjudice moral de M. et Mme X en l'estimant à 100 000 F (15 244, 90 euros) pour chacun d'entre eux ; qu'ainsi M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que la somme de 68 539 F (10 448, 70 euros), correspondant au quart du préjudice total, que la commune a été condamnée à leur verser serait insuffisante ;

Considérant que comme l'indique le jugement, les intérêts sont dus sur cette somme à compter du 8 octobre 1997 ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 22 juin 2001 ; qu'à cette date, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation à cette date et à chacune des échéances successives ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à se plaindre de ce que le tribunal administratif a limité à 68 539 F l'indemnité qu'il a condamné la commune de Provins à leur verser ; que les conclusions d'appel incident de la commune de Provins tendant à être déchargée de toute condamnation doivent être rejetées ;

Sur les frais de première instance :

Considérant qu'en condamnant la commune de Provins à verser aux époux X une somme de 5 000 F au titre des frais de procédure exposés en première instance, le tribunal a fait une appréciation insuffisante des circonstances de l'espèce ; qu'il y a lieu de porter à 1 500 euros la somme que la commune a été condamnée à leur verser à ce titre ;

Sur les dépens et l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que la présente instance ne comporte pas de dépens ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Provins, qui n'est pas la partie perdante, verse à M. et Mme X la somme qu'ils demandent au titre des frais de procédure qu'ils ont exposés en appel ; que dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de condamner M. et Mme X à verser à la commune et à son assureur la somme qu'ils demandent au titre des frais qu'ils ont exposés ;

D E C I D E :

Article 1er : Les intérêts afférents à l'indemnité de 68 539 F (10 448, 70 euros) que la commune de Provins a été condamnée à verser à M. et Mme X, échus à la date du 22 juin 2001, seront capitalisés à cette date et à chacune des échéances annuelles successives pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : La somme que la commune de Provins a été condamnée à verser aux époux X par l'article 3 du jugement du 15 mars 2001 est portée à 1 500 euros.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Melun en date du 15 mars 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions d'appel incident de la commune et de son assureur sont rejetés.

2

N° 01PA02067


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3eme chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 01PA02067
Date de la décision : 09/05/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pré CARTAL
Rapporteur ?: Mme Sylvie PELLISSIER
Rapporteur public ?: Mme FOLSCHEID
Avocat(s) : SCP ACACCIA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2005-05-09;01pa02067 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award