Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 mai et 25 août 2000, présentés pour la SOCIÉTÉ BATI RENOV, dont le siège est ..., par Me Z... ; la SOCIETE BATI RENOV demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 9518191/6 et 9602257/6 du 22 février 2000 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il l'a condamné à payer à l'office départemental d'H.L.M. de Seine-Saint-Denis la somme de 997 212,50 F (152 024,07 euros) et à prendre en charge les frais d'expertise et a rejeté sa demande tendant à ce que le défendeur soit condamné à lui verser le solde du marché ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'office départemental d'H.L.M. de Seine-Saint-Denis devant le Tribunal administratif de Paris et de faire droit à sa demande de première instance en condamnant l'office départemental d'H.L.M. de Seine-Saint-Denis à lui verser au titre du solde du marché de ravalement des façades de la cité Jean Y... à l'Ile Saint-Denis la somme de 602 231,82 F TTC (91 809,65 euros), majorée des intérêts moratoires capitalisés, soit la somme de 1 110 658 F (169 318,72 euros) avec réactualisation au jour du paiement, ainsi que la somme de 500 000 F (76 224,51 euros) à titre de dommages et intérêts ;
3°) à titre subsidiaire, de désigner un expert ayant pour mission de donner son avis technique sur la solution de réfection partielle ;
4°) de condamner l'office départemental d'H.L.M. de Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 30 000 F (4 573,47 euros) au titre des frais irrépétibles ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 novembre 2004 :
- le rapport de Mme Régnier-Birster, rapporteur,
- les observations de Me X..., pour la SOCIETE BATI RENOV,
- et les conclusions de M. Trouilly, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SOCIETE BATI RENOV, anciennement Bati Rapid, fait appel du jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris en date du 22 février 2000 en tant qu'il l'a condamnée, en réparation des désordres affectant les travaux de réfection des façades de la cité Jean Y... à l'Ile-Saint-Denis, à payer à l'office départemental d'H.L.M. de Seine-Saint-Denis la somme de 997 212,50 F (152 024,07 euros), à prendre en charge les frais d'expertise et a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'office départemental à lui verser le solde du marché ; que l'office départemental d'H.L.M. de Seine-Saint-Denis, par un appel incident, fait appel du jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la SOCIETE BATI RENOV à lui payer les indemnités de retard contractuelles prévues aux articles 4-3-2 du cahier des clauses administratives particulières et 20 du cahier des clauses administratives générales ;
Sur la recevabilité de l'action de l'office départemental d'H.L.M. de Seine-Saint-Denis :
Considérant que la réception des travaux de ravalement dont s'agit a été refusée par l'office départemental d'H.L.M. de Seine-Saint-Denis qui avait appelé l'attention de la société à plusieurs reprises sur le fait que le résultat des travaux n'était pas acceptable en l'absence de respect des travaux préparatoires, ainsi qu'en raison de la mauvaise qualité du marouflage du tissu armé et du traitement des joints de panneau et lui avait demandé de reprendre ses travaux ; que si l'expert, qui a constaté le caractère généralisé des désordres, consistant en des phénomènes de faïençage et de cloquage et en des défauts d'entoilage, affectant le revêtement des façades, n'a pu se prononcer sur la date exacte de leur apparition, il ressort néanmoins de l'instruction, et notamment des comptes-rendus de chantier et des courriers échangés entre les parties, que lesdits désordres étaient apparents dès l'achèvement des travaux de ravalement, le 31 décembre 1991 ; que, contrairement à ce que soutient la SOCIETE BATI RENOV l'importance de ces malfaçons justifiait le refus de l'office de procéder à la réception des travaux ; que lesdits travaux ne sauraient davantage être regardés comme ayant été tacitement reçus dès lors qu'en dépit d'une prise de possession par le maître de l'ouvrage, la SOCIETE BATI RENOV n'a pas remédié aux graves malfaçons justifiant le refus de réception opposé par l'office ; que, par suite, et contrairement à ce que soutient la SOCIETE BATI RENOV, l'office départemental d'H.L.M. de Seine-Saint-Denis est recevable à rechercher la responsabilité contractuelle de la SOCIETE BATI RENOV ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 44-1 du cahier des clauses administratives générales applicables au marché en cause : Pendant le délai de garantie, indépendamment des obligations qui peuvent résulter pour lui de l'application du 4 de l'article 41, l'entrepreneur est tenu à une obligation dite obligation de parfait achèvement au titre de laquelle il doit a) exécuter les travaux ou prestations éventuelles de finition ou de reprise prévus aux 5 et 6 de l'article 41 ; b) remédier à tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage ou le maître d'oeuvre, de telle sorte que l'ouvrage soit conforme à l'état où il était lors de la réception ou après correction des imperfections constatées lors de celle-ci ;
Considérant que les travaux de ravalement effectués par la SOCIETE BATI RENOV étaient, ainsi qu'il vient d'être dit, entachés, lors de l'achèvement des opérations de ravalement, de nombreuses imperfections ; qu'il n'est plus contesté que les désordres rappelés ci-dessus avaient pour origine une mauvaise mise en oeuvre du procédé d'étanchéité en l'absence de respect des prescriptions techniques du cahier des clauses techniques particulières ; que, par suite, et alors même que lesdits désordres n'auraient pas eu d'incidence sur l'étanchéité proprement dite du revêtement, la SOCIETE BATI RENOV était tenue de remédier auxdits désordres sur le fondement de la garantie contractuelle ;
Sur l'indemnisation :
Considérant, d'une part, que, pour condamner la SOCIETE BATI RENOV à payer la somme de 997 212,52 F (152 024,07 euros), les premiers juges se sont fondés sur la circonstance que la réparation des désordres sur les différents murs de la cité Jean Y... rendait impossible une reprise limitée aux seules zones concernées et sur le fait que les travaux de reprise, effectués à titre d'essai par la SOCIETE BATI RENOV, n'avaient pu prévenir la réapparition d'un phénomène de faïençage ; que, par suite, et à supposer même qu'en relevant que la SOCIETE BATI RENOV ne s'engageait pas à donner une garantie de non-réapparition des désordres pendant dix ans avec relais par assureur, l'expert se serait prononcé sur des questions de droit et non de fait, cette circonstance ne saurait être utilement invoquée par la SOCIETE BATI RENOV pour contester le montant de la condamnation prononcée à son encontre ;
Considérant, d'autre part, que ni la circonstance que la société Herbol, fabricante des produits appliqués pour la réfection des façades, ait proposé, le 30 novembre 1994, comme solution de réfection la plus appropriée, le décapage en totalité des parties faïencées avec mise en oeuvre du système 14 et sur le reste des surfaces, simplement, l'application d'un traitement de finition et ait attesté que la pose de son produit bénéficiait d'une garantie décennale, ni celle que la SOCIETE BATI RENOV ait également bénéficié d'une assurance couvrant sa responsabilité décennale n'établissent que les premiers juges, en retenant la solution de la réfection totale, aient entaché leur décision d'une erreur de fait ou de droit ; qu'ainsi, la SOCIETE BATI RENOV n'est pas fondée à demander que l'indemnisation, qui a été fixée par le Tribunal administratif de Paris à la somme de 997 212,50 F (152 024,07 euros) correspondant à la réfection totale du revêtement, soit limitée à la somme de 346 288,28 F (52 791,31 euros) ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que la SOCIETE BATI RENOV n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris l'a condamnée à payer à l'office départemental d'H.L.M. de Seine-Saint-Denis la somme de 997 212,50 F (152 024,07 euros) et à prendre en charge les frais d'expertise ;
Sur le solde du marché :
Considérant que lorsqu'un constructeur a été condamné à verser au maître de l'ouvrage une somme correspondant au montant des travaux nécessaires à la réfection ou à l'achèvement de l'ouvrage, la circonstance qu'aucune réception n'est intervenue ne fait pas obstacle à ce que le juge administratif, saisi d'une demande en ce sens, mette un terme au litige et fasse droit à la demande du cocontractant de l'administration tendant à obtenir le paiement du solde du marché ;
Considérant que la SOCIETE BATI RENOV a été condamnée par le Tribunal administratif de Paris à payer à l'office départemental d'H.L.M. de Seine-Saint-Denis la somme de 997 212,50 F (152 024,07 euros) au titre de la réparation du préjudice subi du fait des désordres affectant les travaux de ravalement dont s'agit ; que, dans ces conditions, la SOCIETE BATI RENOV pouvait prétendre devant le juge au paiement du solde du marché ;
Considérant que si la SOCIETE BATI RENOV demande au titre du paiement dudit solde la somme de 602 231,82 F (91 809,65 euros), l'office départemental d'H.L.M. de Seine-Saint-Denis demande, par la voie de l'appel incident, l'application de pénalités de retard en application des dispositions de l'article 4-3-2 du cahier des clauses administratives particulières et de l'article 20 du cahier des clauses administratives générales ; que ces dispositions ne comportent toutefois, ainsi que les premiers juges l'ont rappelé, aucune dispense de l'obligation de mise en demeure préalable ; que la circonstance que, dans ses écritures de première instance, l'office départemental d'H.L.M. de Seine-Saint-Denis ait demandé l'application desdites pénalités ne saurait être regardée comme constituant ladite mise en demeure ; que le solde du marché doit, par suite, être arrêté à la somme de 91 809,65 euros (602 231,82 F) ;
Sur les intérêts :
Considérant que la SOCIETE BATI RENOV demande que la somme allouée au titre du solde du marché porte intérêts au taux contractuel à compter du 31 décembre 1991, date de présentation par l'entrepreneur de son décompte ; qu'en l'absence toutefois de réception des travaux et d'établissement du décompte général, l'indemnité allouée au titre du solde du marché ne peut porter intérêts au taux contractuel mais seulement au taux légal à compter de la date à laquelle le tribunal arrête le solde du marché ;
Considérant que les premiers juges, saisis d'une demande en ce sens par la SOCIETE BATI RENOV, devaient, ainsi qu'il vient d'être dit, arrêter le décompte pour solde du marché ; que, par suite, la SOCIETE BATI RENOV a droit au versement des intérêts moratoires au taux légal à compter du 22 février 2000 sur la somme de 91 809,65 euros précitée ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que pour l'application des dispositions précitées la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que la SOCIETE BATI RENOV a demandé par des mémoires enregistrés les 2 mai et 25 août 2000 et 14 juin 2001 la capitalisation des intérêts ; qu'à la date du 14 juin 2001 les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande tant à cette date que, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que cette compagnie n'a pas ensuite formulé de nouvelles demandes de capitalisation, à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE BATI RENOV est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'office départemental d'H.L.M. de Seine-Saint-Denis à lui payer le solde du marché, augmentée des intérêts moratoires ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler ledit jugement en tant qu'il a rejeté la demande de la SOCIETE BATI RENOV portant sur le versement du solde dudit marché, et de condamner l'office départemental d'H.L.M. de Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 91 809,65 euros (602 231 82 F) majorée des intérêts au taux légal à compter du 22 février 2000, capitalisés à la date du 14 juin 2001 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les dommages et intérêts :
Considérant que si la société BATI RENOV demande la condamnation de l'office départemental d'H.L.M. de Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 500 000 F (76 224,51 euros) à titre de dommages-intérêts, elle ne soutient, ni même n'allègue, avoir subi un préjudice distinct de celui réparé par le versement des intérêts moratoires ;
Sur les conclusions d'appel incident de l'office départemental d'H.L.M. de Seine-Saint-Denis :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions d'appel incident de l'office départemental d'H.L.M. de Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement susvisé en tant qu'il a rejeté sa demande de condamnation de la SOCIETE BATI RENOV à lui verser des pénalités de retard ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit ni aux conclusions de la SOCIETE BATI RENOV, ni à celles de l'office départemental d'H.L.M. de Seine-Saint-Denis, tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 22 février 2000 est annulé en tant qu'il a rejeté la requête de la SOCIETE BATI RENOV tendant à la condamnation de l'office départemental d'H.L.M. de Seine-Saint-Denis à lui verser le solde du marché de réfection des façades de la cité Jean Y..., assorti des intérêts moratoires.
Article 2 : L'office départemental d'H.L.M. de Seine-Saint-Denis est condamné à verser à la SOCIETE BATI RENOV la somme de 91 809,65 euros (602 231,82 F), majorée des intérêts moratoires au taux légal à compter du 22 février 2000. Les intérêts échus à la date du 14 juin 2001 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE BATI RENOV et de l'office départemental d'H.L.M. de Seine-Saint-Denis est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la SOCIETE BATI RENOV et de l'office départemental d'H.L.M. de Seine-Saint-Denis tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 00PA01338