La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/10/2004 | FRANCE | N°02PA03180

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2eme chambre - formation a, 27 octobre 2004, 02PA03180


Vu, enregistrée le 27 août 2002 au greffe de la Cour, la requête présentée par M. Seyithan X, élisant domicile au ... ; M.(X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 juin 2002 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision en date du 12 août 1999 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé le bénéfice de l'asile territorial, et à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de communiquer au tribunal l'avis du ministre des affaires étrangères et l'avis du préfet de Seine-et

-Marne et, d'autre part, à l'annulation de la décision en date du 3 septem...

Vu, enregistrée le 27 août 2002 au greffe de la Cour, la requête présentée par M. Seyithan X, élisant domicile au ... ; M.(X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 juin 2002 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision en date du 12 août 1999 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé le bénéfice de l'asile territorial, et à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de communiquer au tribunal l'avis du ministre des affaires étrangères et l'avis du préfet de Seine-et-Marne et, d'autre part, à l'annulation de la décision en date du 3 septembre 1999 par laquelle le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et à ce qu'il soit enjoint au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article 12 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de communiquer au tribunal l'avis du ministre des affaires étrangères, l'avis motivé du préfet de Seine-et-Marne, l'entier dossier et le compte-rendu de l'entretien en application du décret du 23 juin 1998 pris en application de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 modifié ;

4°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour ;

5°) de condamner le ministre de l'intérieur à lui verser la somme de 914 euros au titre des frais irrépétibles et le préfet de Seine-et-Marne à lui verser la somme de 6(000(francs au même titre ;

...............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le décret n° 98-503 du 23 juin 1998 pris pour l'application de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile et relatif à l'asile territorial ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 octobre 2004 :

- le rapport de M. Alfonsi, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Magnard, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que M. X, ressortissant turc d'origine kurde, est entré en France en 1995 ; qu'il a sollicité le 13 octobre 1998 son admission exceptionnelle au séjour au bénéfice de l'asile territorial, sur le fondement des dispositions du décret du 23(juin 1998 ; que, suite aux avis défavorables du préfet de Seine-et-Marne et du ministre des affaires étrangères, le ministre de l'intérieur a rejeté, par une décision en date du 12(août 1999, la demande d'asile territorial de M. X ; que le préfet de Seine-et-Marne a pris à l'encontre de M. X le 3 septembre 1999 une décision de refus de séjour assortie d'une invitation à quitter le territoire ; que, par le jugement attaqué, en date du 21 juin 2002, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de M.(X tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux décisions ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

En ce qui concerne la décision du ministre de l'intérieur du 12 août 1999 :

Considérant qu'en vertu de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 alors en vigueur, dans sa rédaction issue de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 : Dans les conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que suivant les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la condamnation de M. X, ressortissant turc d'origine kurde, à une peine d'un an et cinq mois d'emprisonnement prononcée par le tribunal de sûreté de l'Etat n° 2 de Dyarbakir, un mandat d'arrêt a été délivré à son encontre le 10 février 1995 ; qu'il n'est pas contesté que l'intéressé, entré en France le 12 février 1995, a quitté la Turquie après avoir refusé d'y accomplir le service militaire pour des motifs liés à son origine kurde ; qu'à la date de la décision attaquée, le père et le frère du requérant encouraient en Turquie des risques en raison desquels son père a bénéficié en Italie d'un permis de séjour pour raisons humanitaires et son frère a obtenu ultérieurement le bénéfice du statut de réfugié de la part des autorités françaises ; que, d'ailleurs, le juge de la reconduite à la frontière du tribunal administratif de Melun, saisi par M. X d'un recours tendant à l'annulation d'un arrêté du préfet de la Seine-et-Marne du 11 janvier 2000 ordonnant sa reconduite à la frontière, a annulé cet arrêté en se fondant sur les risques encourus par l'intéressé en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dans les circonstances de l'espèce , la réalité des menaces sur sa liberté et de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales personnellement encourues en Turquie par M. X est suffisamment établie ; que, dès lors, le ministre de l'intérieur a fait une appréciation manifestement erronée des risques encourus par le requérant dans son pays d'origine en rejetant sa demande d'asile territorial ;

En ce qui concerne la décision du préfet de Seine-et-Marne du 3(septembre(1999 :

Considérant que pour refuser de délivrer à M. X un titre de séjour, le préfet de Seine-et-Marne s'est fondé sur un motif tiré du refus du ministre de l'intérieur de lui accorder l'asile territorial ; qu'ainsi, la décision du préfet de Seine-et-Marne portant refus de titre de séjour est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision du ministre de l'intérieur du 12 août 1999 ;

Considérant qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par M. X, que celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions attaquées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.911-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; que si le présent arrêt, qui annule les décisions du ministre de l'intérieur du 12 août 1999 et du préfet de Seine-et-Marne du 3 septembre 1999 a pour effet de saisir à nouveau le ministre de l'intérieur, conformément aux dispositions transitoires de l'article 91 de la loi n°2003-1119 du 26 novembre 2003, de la demande d'asile territorial présentée par M. X sur le fondement des dispositions précitées de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 issues de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998, elles n'impliquent pas nécessairement, à la date du présent arrêt, que le préfet de Seine-et-Marne délivre au requérant un titre de séjour sur le fondement de l'article 12 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction issue de la même loi ; que, dès lors, les conclusions de M. X tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer ce titre de séjour ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, en application des dispositions susvisées, de condamner l'Etat (ministre de l'intérieur) à verser à M.(X une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui à l'occasion de l'instance et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Melun daté du 21 juin 2002, la décision du ministre de l'intérieur du 12 août 1999 et la décision du préfet de Seine-et-Marne du 3 septembre 1999 sont annulés.

Article 2 : L'Etat (ministre de l'intérieur) versera à M. X la somme de 1 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

2

02PA03180


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2eme chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 02PA03180
Date de la décision : 27/10/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés FARAGO
Rapporteur ?: M. Jean ALFONSI
Rapporteur public ?: M. MAGNARD
Avocat(s) : MARTINEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2004-10-27;02pa03180 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award