Vu le recours, enregistré le 27 décembre 2000 au greffe de la cour, du MINISTRE DE LA DÉFENSE ; LE MINISTRE DE LA DÉFENSE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 99-113 en date du 24 octobre 2000 du tribunal administratif de Polynésie française en tant qu'il l'a condamné à verser à la société NTA la somme de 8 073 826 F. H.T. (1 230 846,83 euros) en réparation du préjudice subi du fait de la modification unilatérale du contrat passé avec ladite société pour la fourniture d'une barge-hôtel sur le site de Mururoa et du surcoût de la démobilisation ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société NTA devant le tribunal administratif de Polynésie française ;
.........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
Vu la loi organique n° 96-313 du 12 avril 1996 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
Vu la loi organique n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2004 :
- le rapport de Mme REGNIER-BIRSTER, premier conseiller,
- les observations de Me X..., avocat, pour la société NTA,
- et les conclusions de M. TROUILLY, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le MINISTRE DE LA DÉFENSE fait appel du jugement du tribunal administratif de Polynésie française susvisé en tant qu'il l'a condamné à verser à la société NTA la somme de 8 073 826 F. H.T. (1 230 846,83 euros) en réparation du préjudice subi du fait de la modification unilatérale du contrat passé avec ladite société pour la fourniture d'une barge-hôtel sur le site de Mururoa et du surcoût de la démobilisation ; que, par la voie de l'appel incident, la SARL NTA demande que le montant de la condamnation prononcée soit porté à la somme de 14 537 126 F. H.T. (2 216 170,57 euros) ;
Sur les conclusions du MINISTRE DE LA DÉFENSE :
En ce qui concerne la modification du contrat :
Considérant qu'il ressort de l'instruction, et notamment de la télécopie émise par l'administration le 10 décembre 1997 et de l'ordre de service en date du 18 décembre suivant, que l'autorisation de procéder à l'aménagement de la barge-hôtel affrété sur le site de Mururoa, au lieu de Singapour, a été donnée à la SARL NTA à la suite d'une réunion entre les parties afin de lui permettre de respecter le délai fixé par l'article 3 du cahier des clauses particulières pour la mise à disposition de la barge sur le site de Mururoa le 1er février 1998 en embarquant la barge sur le seul navire transporteur disponible ; que la date de livraison fixée au 1er février 1998 n'a pas été avancée ; qu'ainsi l'autorité responsable du marché n'a pas procédé à une modification unilatérale du marché dont la SARL NTA pourrait demander à être indemnisée ; que, par suite, le MINISTRE DE LA DÉFENSE est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Polynésie française l'a condamné, à ce titre, à lui verser une indemnité de 573 826 F. ( 87 479,21 euros) ;
En ce qui concerne le surcoût de démobilisation :
Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 3 du cahier des clauses particulières : Le présent marché prend effet à compter de sa date de notification. Il est conclu pour une durée de sept mois à compter de la date de notification. Cette durée peut être modifiée par l'administration d'une période, en plus ou en moins, ne pouvant excéder cinquante jours et qu'aux termes de l'article 10.2 du cahier des clauses générales administratives : Une prolongation du délai d'exécution peut être accordée par la personne responsable du marché au titulaire lorsqu'une cause n'engageant pas la responsabilité de ce dernier fait obstacle à l'exécution du marché dans le délai contractuel. Il en est notamment ainsi, si la cause est le fait de la personne publique ou provient d'un événement ayant le caractère de force majeure. ; que le délai d'exécution du marché en cause expirait, en application des dispositions de l'article 3 précité, le 24 juillet 1998 ; qu'à cette date, l'administration dont les opérations de démantèlement de la base de Mururoa étaient terminées depuis le 21 juin, n'avait plus usage de la barge ; que si elle avait le pouvoir de prolonger ou de réduire la durée d'exécution de 50 jours, elle n'y était tenue qu'en cas d'obstacle à l'exécution du marché engageant sa responsabilité ou en cas de force majeure ; que la circonstance que la SARL NTA, avertie dès le 2 avril 1998 de la nécessité de rechercher les moyens nécessaires au départ de la barge au plus tôt après le 1er juillet 1998, n'ait pas été en mesure de disposer des moyens de transport nécessaires dans le délai d'exécution du marché ne saurait être regardée comme imputable à l'administration ou comme un cas de force majeure ; que, par suite, le MINISTRE DE LA DÉFENSE est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Polynésie française l'a condamné à verser à la SARL NTA une indemnité de 4 000 000 F (609 796,06 euros) correspondant au montant du forfait journalier dû en cas de prolongation de 50 jours de la durée d'exécution du contrat ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 4.3.1 du cahier des clauses particulières : l'entrée dans le lagon de Mururoa et la sortie se fera obligatoirement avec le concours du pilote fourni par la marine à Mururoa. Cette dernière apportera son concours en remorqueurs et pousseurs pour la mise à quai du navire ; que le concours auquel était tenu la marine en application des dispositions précitées, lequel ne consistait, s'agissant des opérations de démobilisation, qu'en la fourniture d'un pilote, ne portait que sur la période d'exécution du marché ; que, par suite, le MINISTRE DE LA DÉFENSE est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a condamné à verser à la SARL NTA, qui bénéficiait, en application des dispositions du marché, d'un forfait d'un montant de 6 500 000 F (990 918,61 euros) pour les opérations de démobilisation effectuées par navire semi-submersible ou par remorquage, une indemnité de 3 500 000 F correspondant à la location d'un 2ème remorqueur ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE LA DÉFENSE est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à verser à la SARL NTA la somme de 8 073 826 F H.T (1 230 846,83 euros) ;
Sur les conclusions de la SARL NTA :
En ce qui concerne les conclusions portant sur le préjudice né de l'évolution des taux de change :
Considérant que le marché dont s'agit a été conclu pour un prix total et non révisable d'un montant de 32 408 000 F (4 940 567,75 euros) ; que faisant valoir que l'évolution défavorable des taux de change entre la date de signature dudit marché et la date de versement effectif du 1er acompte a entraîné une majoration du coût des sous-traitants, la SARL NTA a demandé une indemnité de 399 300 F (60 872,89 euros) en compensation de la perte qu'elle aurait subie du fait de l'évolution des taux de change ;
Considérant que l'évolution des taux de change constitue un aléa du contrat qui doit rester à la charge du cocontractant ; que les dépenses supplémentaires qu'a imposées cette évolution doivent être supportées par la SARL NTA ; que lesdites dépenses ne pourraient motiver l'allocation d'une indemnité au titre de l'imprévision que si l'économie du marché s'était trouvée bouleversée ; qu'eu égard au montant du marché, les dépenses correspondant à l'évolution dont s'agit n'ont pas modifié l'économie du contrat dans une proportion suffisante pour ouvrir droit, à l'intéressée, à l'allocation d'une indemnité pour charges extra-contractuelles ; que, par ailleurs, la SARL qui a bénéficié des intérêts moratoires de droit, ne saurait, utilement invoquer ni la faute qu'aurait commise l'administration en ne lui versant que le 4 mars 1998 le premier acompte, le marché n'ayant été notifié que le 27 décembre précédent, ni la modification unilatérale du contrat ; que, dans ces conditions, la SARL NTA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande d'indemnité pour ce chef de préjudice ;
En ce qui concerne les autres conclusions :
Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, le MINISTRE DE LA DÉFENSE est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné à verser à la SARL NTA qui ne disposait d'aucun droit à la prolongation de la durée d'exécution du contrat, ni à la prise en charge des dépenses supplémentaires occasionnées par la réalisation de l'aménagement de la barge sur le site de Mururoa et des opérations de démobilisation de ladite barge postérieurement au délai d'exécution du contrat, la somme de 8 073 826 F H.T (1 230 846, 83 euros) ; que, par suite, les conclusions de la SARL NTA, tendant à ce que le ministre soit condamné à lui verser l'intégralité des sommes demandées devant les premiers juges pour les chefs de préjudice allégués à ces titres, ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la SARL NTA la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Papeete du 24 octobre 2000 est annulé en tant qu'il a condamné le MINISTRE DE LA DÉFENSE à verser à la société NTA la somme de 8 073 826 F H.T. (1 230 846,83 euros).
Article 2 : Les conclusions de la SARL NTA présentées devant le tribunal administratif et la cour sont rejetées.
5
N° 00PA03947
Classement CNIJ : 39-05-01-02
C