Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 décembre 2000, présentée pour M. Martin X et Mme Sihong X, demeurant ensemble ..., agissant tant en leur nom personnel qu'es qualité d'administrateurs légaux de leur fille Cyndy X, par Me BIRFET, avocat ; M. et Mme X demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 20 novembre 2000 par lequel le tribunal administratif de Versailles a condamné le centre hospitalier de
Mantes-la-Jolie à leur verser la somme de 50 000 francs en réparation des conséquences dommageables des fautes dont Cyndy X a été victime ;
2°) de faire droit à leur demande de première instance et de condamner le centre hospitalier François Quesne de Mantes-la-Jolie à réparer l'entier préjudice subi par les consorts X en leur versant, en leur qualité de représentants légaux de leur fille Cindy, la somme de deux millions de francs en réparation du préjudice lié à la perte de chance d'une durée de vie normale et la somme de cinquante mille francs au titre des souffrances subies, ainsi que la somme de cent mille francs pour chacun des deux parents au titre du préjudice moral ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise ;
4°) de condamner le centre hospitalier François Quesne de Mantes-la-Jolie au paiement d'une somme de 10 000 francs en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 15 septembre 2003 :
- le rapport de M. LUBEN, premier conseiller ;
- les observations de Me BIRFET, avocat, pour M. X et
Me PIGNOT, avocat, pour le Centre hospitalier de Mantes-la-Jolie,
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- et les conclusions de Mme ADDA, commissaire du gouvernement ;
Sur le préjudice subi par Mlle Cindy X :
Considérant que les premiers juges n'ont pas indemnisé le préjudice subi par Mlle Cindy X, hormis le préjudice actuel et certain lié aux souffrances physiques endurées, au motif qu'il résultait de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que, dès lors que l'état de l'intéressée n'était pas consolidé, la nature et éventuellement l'étendue des troubles dans les conditions d'existence dont il était demandé réparation ne pourraient être fixés qu'à la date de consolidation de son état, en précisant qu'il appartiendra aux parents de Mlle Cindy X de saisir la juridiction compétente à cette date d'une demande en ce sens ;
Considérant que les consorts X, s'ils soutiennent que le préjudice subi par Mlle Cindy X est actuel et certain, n'apportent à l'appui de leur demande aucun élément médical nouveau tendant à indiquer que l'état de santé de la victime serait consolidé ; que ni le compte rendu de la consultation du 24 octobre 2001 à l'hôpital Necker Enfants malades, qui se borne à constater que le protocole de vaccinothérapie a sans doute échoué mais qu'il est toujours possible d'espérer une séroconversion dans l'année qui suit la fin du protocole, ni la lettre, en date du
15 janvier 2002, du médecin traitant de Mlle Cindy X à l'hôpital Necker Enfants malades qui indique la patiente est astreinte à une surveillance régulière clinique, biologique et radiologique, que le protocole de traitement est pour le moment inefficace et qu'elle ne présente actuellement aucun des symptômes graves de l'hépatite B, au demeurant postérieurs au jugement contesté, ne permettent de regarder l'état de Mlle Cindy X comme consolidé ; qu'il s'en suit que c'est à bon droit que les premiers juges n'ont pas fait droit à la demande d'indemnisation des préjudices subis par Mlle Cindy X, à l'exception du préjudice lié aux souffrances physiques endurées ;
Sur la demande d'une nouvelle expertise médicale :
Considérant que M. et Mme X demandent qu'une nouvelle expertise médicale soit ordonnée afin de suivre l'état de santé de leur fille Cindy ; que le second rapport d'expertise a été déposé au greffe du tribunal administratif le 21 avril 2000 ; que, comme il vient d'être dit, l'état de santé de Mlle Cindy X, eu égard notamment à son jeune âge, ne peut être regardé comme consolidé ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la lettre, en date du 15 janvier 2002, du médecin traitant de Mlle Cindy X à l'hôpital Necker Enfants malades, que l'intéressée est astreinte à une surveillance régulière clinique, biologique et radiologique ; que, par suite, eu égard à ces circonstances, une nouvelle expertise médicale ne présenterait pas de caractère utile ;
Sur le préjudice moral subi par M. et Mme X :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du second rapport de l'expert, qu'en l'état des connaissances médicales telles qu'elles résultent d'études épidémiologiques antérieures à l'utilisation des traitements agissant sur le virus de l'hépatite B, la virémie, persistante dans la majorité des cas d'infestation néonatale, entraîne une hépatite B chronique qui peut devenir symptomatique dans les 2ème ou 3ème décades de la vie, avec une évolution cirrhogène qui peut se compliquer ultérieurement, dans les 3ème ou 4ème décades, d'un carcinome hépato-cellulaire, ces deux affections étant responsables de la majorité des décès des patients dans ces tranches d'âge ; que tant ces perspectives d'évolution de l'état de santé de la victime, même si elles ne constituent que des hypothèses statistiques, que la nécessité dans laquelle ont été les parents de Mlle Cindy X de cacher à leur fille son état sérologique ont été à l'origine, pour M. et Mme X, d'une souffrance morale importante ; qu'il sera fait une juste appréciation dudit préjudice en portant son indemnisation à la somme de 8 000 euros pour chacun des deux parents de Mlle Cindy X ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner le centre hospitalier de Mantes-la-Jolie à payer à M. et Mme X la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La somme de 25 000 francs que le centre hospitalier de Mantes-la-Jolie a été condamné à payer à chacun des deux parents de Mlle Cindy X au titre de l'indemnisation de la douleur morale est portée à 8 000 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du
20 novembre 2000 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. Martin X et Mme Sihong X est rejeté.
Article 4 : Le centre hospitalier de Mantes-la-Jolie versera à M. Martin X et Mme Sihong X la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 00PA03764
Classement CNIJ : 60-02-01-01-02-01
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