VU la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la cour les 22 décembre 1994 et 21 février 1995 présentés pour Mme Denise X... demeurant ... par la SCP SAINT-MARCOUX et associés, avocat ; Mme X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 7 avril 1994 ;
2°) d'annuler la décision de refus de rétrocession de l'immeuble sis, ... ;
3°) à défaut de condamner conjointement et solidairement la ville de Paris et l'Etat à lui verser la somme de 6.000.000 F augmentée des intérêts au taux légal, à compter du 19 avril 1991 avec capitalisation des intérêts ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de l'urbanisme ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juillet 1996 :
- le rapport de Mme HEERS, conseiller,
- et les conclusions de M. GIPOULON, commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que l'expédition du jugement n'a pas à comporter le visa de l'ensemble des mémoires échangés ; que le moyen, qui n'est pas autrement explicité, tiré de ce que le jugement n'analyse pas les différents mémoires échangés ne peut qu'être rejeté ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de rétrocession :
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985 : "III les périmètres provisoires de zones d'aménagement différé et les zones d'aménagement différé créées avant l'entrée en vigueur de la présente loi demeurent soumis jusqu'à leur terme aux dispositions des articles L.212-2 et suivants, L.213-1 et suivants et L.214-1 et suivants du code de l'urbanisme dans leur rédaction antérieure à cette date" ;
Considérant, dès lors, que les dispositions applicables à la préemption et à la rétrocession dans le cadre d'une zone d'aménagement différé créée le 2 mai 1974 ne peuvent qu'être celles susmentionnées alors même que la période d'utilisation du droit de préemption serait parvenue à son terme avant la décision de refus de rétrocession litigieuse ; que la demande de rétrocession a d'ailleurs été présentée dans le délai prévu au 3ème alinéa de l'article L.212-7 du code de l'urbanisme ;
Considérant qu'aux termes de cet article dans sa rédaction applicable : "Lorsque la période d'exercice du droit de préemption définie à l'article L.212-2 est expirée, le titulaire du droit de préemption qui a acquis un bien immobilier par la voie de la préemption est tenu sur demande des intéressés de le rétrocéder à son ancien propriétaire ou aux ayants cause universels ou à titre universel de ce dernier si ledit bien n'a été, antérieurement à la demande, soit aliéné ou affecté à des fins d'intérêt général, soit compris dans une zone à urbaniser en priorité ou dans le périmètre d'une opération de rénovation urbaine. A défaut d'accord amiable, le prix sera fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation sans pouvoir excéder le montant du prix de préemption, révisé, s'il y a lieu, en fonction des variations du coût de la construction constatées par l'institut national de la statistique entre les deux mutations - le demandeur pourra renoncer à l'exercice de son droit avant l'expiration d'un délai de deux mois courant à compter de la notification de la décision juridictionnelle fixant définitivement le prix. L'ancien propriétaire ou ses ayants cause universels ou à titre universel ne peut exercer le droit de rétrocession que dans un délai de trois ans à compter de l'expiration de la période d'exercice du droit de préemption" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le juge de l'expropriation est seulement compétent pour la fixation du prix à défaut d'accord amiable entre le titulaire du droit de préemption et l'ancien propriétaire ou ses ayants cause universels ou à titre universel, seuls bénéficiaires du droit de rétrocession ; que, dès lors, demeure de la compétence du juge administratif l'appréciation de la régularité du refus de rétrocession opposé par le titulaire du droit de préemption à une personne au bénéfice de laquelle le droit de rétrocession n'est pas prévu ;
Au fond :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L.212-7 précitées que Mme X..., qui ne bénéficiait pas en tant qu'acquéreur évincé par l'utilisation du droit de préemption d'un droit à la rétrocession, ne peut mettre en cause la légalité du refus qui a été opposé à sa demande ;
Sur les conclusions subsidiaires tendant à la condamnation conjointe et solidaire de la ville de Paris et de l'Etat :
Considérant que Mme X... met en cause la responsabilité de l'Etat et de la ville de Paris en raison des conditions d'utilisation du droit de préemption ; que le juge administratif est compétent pour se prononcer sur une telle demande ;
Considérant que pour justifier les préjudices dont elle se prévaut à hauteur de 6.000.000 F Mme X... invoque le prix de mise en vente en 1991 de l'immeuble préempté, la rupture des promesses de vente consenties, les frais financiers occasionnés par le report de l'opération immobilière qui s'annonçait avantageuse et les sujétions imposées par la réhabilitation isolée de son propre immeuble ;
Considérant que la circonstance que l'immeuble préempté pour 800.000 F en 1977 ait été mis en vente pour 6.000.000 F en 1991 après que d'importants travaux aient été effectués par le locataire n'est pas de nature à justifier l'existence d'un préjudice direct et certain à hauteur de la différence des prix susévoqués ; que le préjudice résultant de la rupture des promesses de vente consenties et des frais financiers occasionnés par le report de l'opération immobilière envisagée n'est pas justifié ; que le préjudice imputable à la valorisation du fonds d'hôtel exploité ne présente pas un caractère direct et certain et n'est à tout le moins et en toute hypothèse pas susceptible de justifier une indemnisation à hauteur de la plus-value seule invoquée ; que la circonstance que Mme X... ait du effectuer des travaux pour transformer son hôtel en résidence d'habitation n'est pas de nature à justifier non plus l'existence d'un préjudice direct et certain dans le manque à gagner résultant de la comparaison entre le prix de revient des travaux de rénovation et le prix de vente proposé pour l'immeuble préempté et dans le coût de la démolition d'un bâtiment sur cour et de la reconstruction d'un escalier ; que faute de justifier un préjudice direct et certain résultant des conditions d'exercice du droit de préemption Mme X... n'est, en tout état de cause, pas fondée à mettre en cause la responsabilité pour faute et sans faute de l'Etat et de la ville de Paris ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux adminis- tratifs et des cours administratives d'appel et de condamner Mme X... à payer à la ville de Paris la somme qu'elle demande sur le fondement de cet article ;
Article 1er : La requête de Mme X... est rejetée.