Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 7 octobre 1994 présentée pour la société Boet Mor Sea Food Ireland Limited ayant son siège social à Claddaghduff Clifden, Co Galway (Irlande) par la SCP Lerner Husain-Friggeri, avocat ; la société demande à la cour :
1°) d'infirmer le jugement du tribunal administratif de Paris du 17 décembre 1993 en ce qu'il a évalué le préjudice subi par elle à la somme de 400.000 F ;
2°) de condamner l'Etat français à lui payer la somme 8.000.000 F au titre de dommages et intérêts avec les intérêts à compter du 29 octobre 1992 et 50.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Traité de Rome ;
Vu l'arrêté du 13 décembre 1969 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juillet 1996 :
- le rapport de Mme HEERS, conseiller,
- les observations de la SCP LERNER HUSAIN-FRIGGERI, avocat, pour la société Boet Mor Sea Food Ireland Limited,
- et les conclusions de M.GIPOULON, commissaire du Gouvernement ;
Sur l'appel incident du ministre :
En ce qui concerne le principe de la responsabilité de l'Etat :
Considérant que pour refuser à la société Boet Mor Sea Food Ireland Limited l'autorisation d'importer en France des naissains de palourdes requise par l'arrêté du 13 décembre 1969 susmentionné, les autorités compétentes ont invoqué l'instruction du secrétaire d'Etat à la mer du 28 janvier 1987 leur demandant de ne pas délivrer de nouvelles autorisations d'importation à l'expiration des autorisations en cours ; que si cette instruction faisait état des dangers potentiels que présente l'immersion de coquillages étrangers pour le cheptel indigène, impliquant de ne recourir à des importations que dans des cas exceptionnels, elle soulignait que l'on pouvait espérer pour 1987 que la principale écloserie française aurait retrouvé des disponibilités de naissains de palourdes et que les autres écloseries en service pourraient apporter une contribution supérieure à celle de 1986 et demandait de veiller à ce que les ensemencements ne soient pas entravés par une absence de disponibilité de naissains d'origine nationale ; que dans ces conditions, alors qu'un contrôle sanitaire pouvait garantir l'absence de risque des importations, l'interdiction de celle-ci était directement liée à la protection de la production nationale ; qu'ainsi à supposer même qu'avant sa modification du 28 juin 1991, l'arrêté du 13 décembre 1969 qui établit un régime d'interdiction d'importation de coquillages sous réserve de dérogations discrétionnaires intervenant dans le cadre d'un contrôle sanitaire, n'ait pas été directement contraire aux dispositions de l'article 36 du Traité de Rome, le refus contesté d'importation fondé sur les motifs qui viennent d'être rappelés était en tout état de cause incompatible avec ses dispositions ; que le refus d'importation, de ce fait illégal, est de nature à engager la responsabilité de l'Etat qui n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que, le tribunal administratif de Paris a retenu le principe de sa responsabilité ;
Sur l'appel de la société Boet Mor Sea Food Ireland Limited concernant le montant du préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que si la société requérante aurait eu une chance sérieuse d'obtenir, dans le cadre d'une réglementation compatible avec les dispositions concernées du Traité de Rome, l'autorisation d'importer des naissains de palourdes pendant la période litigieuse, elle n'établit nullement, compte tenu du rétablissement de la production nationale et de l'aménagement d'importations d'autres pays, alors d'ailleurs que tant son chiffre d'affaires que son bénéfice pour l'Irlande se sont trouvés nettement diminués pour les années 1990 et 1991, en faisant notamment état d'un coefficient forfaitaire de minoration de nature à tenir compte de ces évolutions, insuffisamment justifié, qu'elle aurait pu obtenir pendant la période litigieuse un chiffre d'affaires et un bénéfice procédant, dans les conditions résultant de la pondération des méthodes qu'elle propose, de ceux qu'elle invoque pour la période pendant laquelle elle a été autorisée à importer, où elle s'est trouvée, compte tenu des circonstances, dans une situation exceptionnelle ; qu'en limitant dans ces conditions à 400.000 F l'indemnité allouée le tribunal administratif de Paris n'a pas fait une appréciation inexacte du préjudice direct et certain imputable à l'interdiction illégale d'importation pendant la période litigieuse ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que ni la société ni l'Etat dans le cadre du recours incident ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a fixé à 400.000 F le montant de l'indemnité due à la société Boet Mor Sea Food Ireland Limited ;
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ne permettent pas de condamner l'Etat qui n'est pas la partie perdante à payer à la société Boet Mor Sea Food Ireland Limited la somme qu'elle demande sur le fondement de cet article ;
Article 1er : La requête de la société Boet Mor Sea Food Ireland Limited et l'appel incident du ministre de l'agriculture et de la pêche sont rejetés.