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25/07/1996 | FRANCE | N°94PA00284

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 25 juillet 1996, 94PA00284


VU la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la cour les 15 mars 1994 et 31 mai 1994, présentés pour la société à responsabilité limitée ENTREPRISE GENERALE DE LA CONSTRUCTION METALLIQUE (EGCM) ayant son siège social à Pirae, Vallée de Huruata, BP 5287, Pirae-Tahiti, par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la société demande à la cour :
1°) d'infirmer dans son article 2 le jugement du tribunal administratif de Papeete du 14 décembre 1993 ;
2°) de condamner le territoire de la Polynésie française à lui payer le

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VU la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la cour les 15 mars 1994 et 31 mai 1994, présentés pour la société à responsabilité limitée ENTREPRISE GENERALE DE LA CONSTRUCTION METALLIQUE (EGCM) ayant son siège social à Pirae, Vallée de Huruata, BP 5287, Pirae-Tahiti, par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la société demande à la cour :
1°) d'infirmer dans son article 2 le jugement du tribunal administratif de Papeete du 14 décembre 1993 ;
2°) de condamner le territoire de la Polynésie française à lui payer les sommes de 1.151.114 F CFP, 4.804.440 compter de la requête introductive d'instance ;
3°) de le condamner sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel à payer une somme qui ne saurait être inférieure à 200.000 F CFP ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 modifiée, portant statut du territoire de la Polynésie française ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juillet 1996 :
- le rapport de Mme HEERS, conseiller,
- et les conclusions de M. GIPOULON, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que, par jugement du 22 décembre 1992, le tribunal administratif de Papeete a rejeté la demande d'indemnité de la société à responsabilité limitée ENTREPRISE GENERALE DE LA CONSTRUCTION METALLIQUE fondée sur l'application des clauses du marché qu'elle avait passé le 23 novembre 1987 pour des travaux d'hydraulique dans l'île de Raiatea avec le territoire de la Polynésie française, au motif que ce contrat était entaché de nullité ; qu'après avoir sollicité du président du Gouvernement de la Polynésie française une indemnité correspondant au montant des intérêts contractuels afférents à des retards de paiement dans l'exécution du contrat annulé et à des fournitures non réglées ainsi que des dommages et intérêts, elle a saisi le tribunal administratif de Papeete ; que, par le jugement entrepris, le tribunal a rejeté sa demande, tout en condamnant néanmoins par une disposition du jugement non contestée en appel le territoire au paiement de 100.000 F FCP au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que la requérante fait appel de ce jugement ;
Considérant que, tant devant le tribunal que devant la cour, les conclusions de la société requérante, qui, comme l'a jugé le tribunal, n'a commis aucune faute en signant le contrat entaché d'incompétence dont la nullité a été reconnue par le jugement du 22 décembre 1992, sont fondées exclusivement sur la responsabilité quasi délictuelle du territoire à raison principalement de la faute constituée par l'incompétence du signataire du contrat et subsidiairement de celle constituée par des indications non suivies d'effet qui lui ont été données en cours d'exécution et notamment par la lettre du vice-président du Gouvernement, ministre de l'agriculture, de l'artisanat traditionnel et du patrimoine culturel en date du 20 mai 1990 l'ayant amené à la signature d'un avenant réduisant sensiblement le montant du marché initial l'ayant conduit par les assurances en définitive non suivies d'effet en paiement de fournitures de panneaux préfabriqués livrés au territoire antérieurement à la signature dudit avenant ;
Sur la demande de remboursement de la dépense exposée pour l'acquisition et l'acheminement à Raiatea des panneaux préfabriqués :
Considérant que la société requérante n'invoque que le fondement quasi délictuel pour mettre en cause la responsabilité du territoire ; qu'il n'y a pas lieu, dès lors, préalablement à la détermination du préjudice indemnisable sur ce fondement, de prendre en considération le montant des dépenses utiles qui peuvent être remboursées sur le fondement de l'enrichissement sans cause qui n'est pas d'ordre public ; que, d'ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, le montant des dépenses utiles ne serait pas supérieur à la rémunération prévue par le marché initial du 23 novembre 1987 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des pièces produites à l'appui du mémoire enregistré le 7 juillet 1995 et non contesté par le territoire, que la fourniture de tels panneaux a été prévue par le marché initial, que leur livraison et leur acheminement sont intervenus antérieurement à la signature de l'avenant du 3 novembre 1990 excluant ces prestations du nouveau montant du marché et que le coût en a dès lors été acquitté par la requérante ; que le territoire n'établit pas et n'allègue même pas que la livraison de ces panneaux, à laquelle à tout le moins il ne s'est pas opposé, n'a pas été effectuée à sa demande et à tout le moins avec son accord ou son assentiment ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la faute invoquée à titre subsidiaire procédant des indications erronées données à la requérante par l'administration notamment dans la lettre susrappelée du 20 mai 1990 que la société ENTREPRISE GENERALE DE LA CONSTRUCTION METALLIQUE est fondée à solliciter la condamnation du territoire de la Polynésie française à lui verser la somme de 4.804.440 F FCP correspondant à la réparation du préjudice, justifié par les pièces produites en appel, qu'elle a subi à raison de la faute commise par le territoire du fait de la signature par une autorité incompétente du marché initial qu'elle a exécuté, correspondant à la fourniture et aux frais d'aconage des panneaux litigieux ;
Sur les intérêts :
Considérant qu'il résulte clairement du dossier de première instance que devant le tribunal administratif la requérante s'est bornée à solliciter une indemnité correspondant au paiement des intérêts dus à raison des paiements tardifs dont elle se prévalait sur le fondement des seules stipulations contractuelles entachées de nullité ; que, compte tenu de cette nullité, les premiers juges ont à bon droit écarté cette demande ; que si la société soutient qu'elle doit pouvoir bénéficier d'une indemnité équivalente au montant des intérêts moratoires dont elle a été privée par la nullité du marché, le fondement quasi délictuel ainsi invoqué est nouveau en appel et les conclusions sont dès lors irrecevables ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter sur ce point les conclusions de la société ENTREPRISE GENERALE DE LA CONSTRUCTION METALLIQUE ;
Sur les conclusions aux fins d'octroi de dommages et intérêts :
Considérant qu'en tout état de cause la société à responsabilité limitée ENTREPRISE GENERALE DE LA CONSTRUCTION METALLIQUE n'établit pas que les retards de paiements intervenus soient imputables seulement ou même principalement au mauvais vouloir de l'administration ; que les conclusions susrappelées doivent être en conséquence rejetées ;
Sur les intérêts de l'indemnité et leur capitalisation :

Considérant que la requérante en sollicitant les intérêts de l'indemnité qui lui est allouée par le présent arrêt à compter de la date de la requête introductive d'instance n'a pas fait une excessive appréciation de ses droits ; qu'il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil, de faire droit à sa demande ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 7 juillet 1995 ; qu'à cette date il était dû plus d'une année d'intérêts ; qu'il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, de faire droit à la demande ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circons- tances de l'espèce, de condamner le territoire de la Polynésie française à verser à l'ENTREPRISE GENERALE DE LA CONSTRUCTION METALLIQUE la somme de 10.000 F français sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : Le territoire de la Polynésie française est condamné à payer à la société à responsabilité limitée ENTREPRISE GENERALE DE LA CONSTRUCTION METALLIQUE la somme de 4.804.440 F.
Article 2 : Cette somme portera intérêts pour compter du 25 mai 1993. Les intérêts seront capitalisés au 7 juillet 1995 pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Papeete en date du 14 décembre 1993 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le territoire de la Polynésie française paiera à la société ENTREPRISE GENERALE DE LA CONSTRUCTION METALLIQUE la somme de 10.000 F français au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société ENTREPRISE GENERALE DE LA CONSTRUCTION METALLIQUE est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 94PA00284
Date de la décision : 25/07/1996
Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FIN DES CONTRATS - NULLITE - Réparation du préjudice du co-contractant - Demande fondée sur la responsabilité quasi-délictuelle de l'administration - Prise en compte des dépenses utiles - Absence.

39-04-01, 39-08-03-02, 60-04-03-02 En cas de nullité d'un contrat, si la réparation du préjudice en résultant pour le co-contractant de l'administration n'est demandée que sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, il n'y a pas lieu de prendre en compte le montant des dépenses qu'il a exposées et qui ont été utiles à l'administration et pouvaient donner lieu à indemnisation sur le fondement de l'enrichissement sans cause, lequel n'est pas d'ordre public (1).

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - POUVOIRS ET OBLIGATIONS DU JUGE - Moyens - Moyens d'ordre public - Absence - Enrichissement sans cause (1).

39-08-03, 54-07-01-04-01-01 La responsabilité fondée sur l'enrichissement sans cause qui résulterait, pour une personne publique, de dépenses exposées à son profit sans contrepartie, n'est pas d'ordre public.

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - POUVOIRS ET OBLIGATIONS DU JUGE - POUVOIRS DU JUGE DU CONTRAT - Indemnisation du titulaire d'un contrat déclaré nul - Demande de réparation fondée sur la responsabilité quasi-délictuelle de l'administration - Prise en compte des dépenses utiles - Absence.

- RJ1 PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES - MOYENS - MOYENS D'ORDRE PUBLIC A SOULEVER D'OFFICE - ABSENCE - Enrichissement sans cause (1).

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - PREJUDICE MATERIEL - Préjudice du titulaire d'un contrat déclaré nul - Demande de réparation fondée sur la responsabilité quasi-délictuelle de l'administration - Prise en compte des dépenses utiles - Absence.


Références :

Code civil 1153, 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1

1.

Cf. CE, 1980-02-22, S.A. des sablières modernes d'Aressy, p. 109


Composition du Tribunal
Président : M. Lévy
Rapporteur ?: Mme Heers
Rapporteur public ?: M. Gipoulon

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1996-07-25;94pa00284 ?
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