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20/06/1991 | FRANCE | N°90PA00432

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 20 juin 1991, 90PA00432


VU la requête enregistrée le 9 mai 1990, présentée pour le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET contre le jugement n° 8708293/1 du 19 décembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé décharge à la société "Z...
X... France" (TAF) des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie à la suite de la réintégration dans ses bénéfices de la somme de 1.288.000 F ; le ministre demande à la cour :
1°) de décider que la société "Z...
X... France" sera

rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés de l'année 1980 pour un montant de 644...

VU la requête enregistrée le 9 mai 1990, présentée pour le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET contre le jugement n° 8708293/1 du 19 décembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé décharge à la société "Z...
X... France" (TAF) des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie à la suite de la réintégration dans ses bénéfices de la somme de 1.288.000 F ; le ministre demande à la cour :
1°) de décider que la société "Z...
X... France" sera rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés de l'année 1980 pour un montant de 644.000 F en droits et 161.000 F au titre de l'intérêt de retard ;
2°) de réformer en ce sens le jugement du tribunal administratif de Paris déféré ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 6 juin 1991 :
- le rapport de M. BROTONS, conseiller,
- les observations de Me Jean Pierre GUELOT, avocat à la cour, pour la société anonyme "Z...
X... France",
- et les conclusions de Mme SICHLER, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité du pourvoi :

Considérant qu'à la suite d'une restructuration décidée comme le relève le ministre lui-même par "les dirigeants du groupe luxembourgeois
X...
", dont la société-mère est la société "
Z...

X...
Luxembourg", une partie des activités de commercialisation des produits du groupe X... portant sur les tubes soudés a été transférée de la société "Forges et Acierie Rochling-Burbach" (FARB) à la société "Z...
X... France" (TAF), l'une et l'autre filiales de la société "
Z...

X...
Luxembourg", à compter du 1er mai 1980 ; que la société "Forges et Acierie Rochling-Burbach" avait entamé dès le 16 mars 1980 une procédure de licenciement à l'égard de M. Y..., directeur du bureau de Lyon chargé jusqu'alors de la commercialisation des tubes non soudés et de celle des tubes soudés qui constituaient deux secteurs d'activité distincts ; que saisie par M. Y... la direction du travail du Rhône a mis en cause la société "Z...
X... France" par lettres des 29 juillet et 27 août 1980 en la considérant comme le nouvel employeur de M. Y... tenu à ce titre de mettre en oeuvre à son encontre la procédure de licenciement sous peine que soit dressé le procès-verbal prévu à l'article L.321-7 du code du travail ; que toutefois le directeur départemental du travail a en définitive accordé à la société "Forges et Acierie Rochling-Burbach" l'autorisation de licenciement pour motif économique qui a été notifié par celle-ci à M. Y... le 16 octobre 1980 ; que celui-ci a alors saisi le conseil de prudhommes de Lyon ; que cette juridiction statuant en bureau de conciliation entre M. Y... et la société "Forges et Acierie Rochling-Burbach", mais après que se soient rapprochés pour élaboration d'une transaction M. Y... et les sociétés "Z...
X... France et "Forges et Acierie Rochling-Burbach", a le 12 novembre 1980 dressé procès-verbal de conciliation constatant le désistement de toutes instance et action de M. Y... tant à l'encontre de la société "Forges et Acierie Rochling-Burbach" que de la société "Z...
X... France" ; que la contrepartie du désistement résidait dans l'exécution par la société "Forges et Acierie Rochling-Burbach" de ses engagements à l'égard de M. Y... qui était ainsi réglé de tous droits contractuels à l'égard de la société ; qu'au nombre de ces engagements figurait le versement d'une indemnité de licenciement de 1.773.960 F ; que le 31 décembre 1980 la société "Forges et Acierie Rochling-Burbach" a adressé à la société "Z...
X... France" deux factures d'un montant total de 1.288.000 F hors taxes au titre de "quote-part d'indemnité sur affaire Y...", montant correspondant approximativement au ratio chiffre d'affaires du secteur transféré sur chiffre d'affaires "tubes" au moment du transfert ; que le service des impôts refuse à la société "Z...
X... France" la déduction de la charge correspondante, aux motifs à titre principal que la prise en compte de la quote-part dont s'agit procédait d'un acte anormal de gestion, subsidiairement qu'il s'agissait d'une convention ayant pour but de dissimuler une cession de clientèle non opposable à l'administration sur le fondement de l'article 1840 du code général des impôts, plus subsidiairement que le versement représentait pour la société "Z...
X... France" le prix d'acquisition d'un élément d'actif comme tel non déductible en tant que charge d'exploitation ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 39-1-1 du code général des impôts figurent au nombre des charges déductibles "les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre" ; que contrairement à ce que soutient l'administration, il ressort des faits mêmes susexposés, que la société "Z...
X... France" justifie du principe et du montant de l'écriture litigieuse qui retrace une charge réelle et liée à l'activité de l'entreprise ; que la commission départementale n'ayant pas été consultée, il appartient à l'administration d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour qualifier d'anormal l'acte en cause en justifiant que le versement était dépourvu à sa date d'intérêt pour la société "Z...
X... France" ;
Considérant que s'il est vrai que l'autorisation de licenciement pour motif économique avait été accordée à la société "Forges et Acierie Rochling-Burbach" le 16 octobre 1980, le contrôle exercé pour l'accorder ne pouvait porter que sur la réalité du motif économique invoqué et non sur les conditions d'application et les effets de l'article L.122-12-2 du code du travail qui relevaient de l'appréciation de l'autorité judiciaire à laquelle une appréciation éventuellement formulée sur ce point dans la décision dont s'agit, qui n'est pas versée au dossier, n'aurait pu en tout état de cause s'imposer ; que s'il est exact que le procès-verbal de conciliation du 12 novembre 1980 avait constaté le désistement d'instance et d'action de M. Y... à l'égard non seulement de la société "Forges et Acierie Rochling-Burbach" mais de la société "Z...
X... France", il ne s'était pas pour autant prononcé en droit sur la détermination de l'employeur tenu vis-à-vis de M. Y... en application de l'article L.122-12-2 du code de travail et sur les actions susceptibles d'en procéder entre les employeurs concernés ; qu'au moment du paiement litigieux, il n'était nullement de jurisprudence que l'article L.122-12-2 du code du travail ne s'appliquât qu'aux salariés attachés exclusivement et en permanence à l'activité transférée ou encore en cas d'existence d'un lien de droit entre les employeurs successifs ; qu'ainsi la position prise par le contrôleur du travail les 29 juillet et 27 août 1980 pouvait légitimement sembler correspondre pour l'ensemble des parties en cause dont la société "Z...
X... France", à la réalité juridique sur laquelle ni la décision d'autorisation de licenciement pour motif économique, ni le procès-verbal de conciliation ne s'étaient prononcés ; que dans ces circontances le ministre n'établit pas qu'en acceptant le 31 décembre 1980 les conditions de partage de la charge financière de l'indemnité versée à M. Y... en fonction du chiffre d'affaires du secteur transféré, sollicitées par la société "Forges et Acierie Rochling-Burbach", la société "Z...
X... France" ait agi contrairement à ses intérêts et qu'ainsi le versement litigieux ait été consenti dans le cadre d'une gestion anormale à titre de pure libéralité ;

Considérant, en second lieu, que le ministre fait valoir à titre subsidiaire que dans l'hypothèse où il ne serait pas considéré comme procédant d'une gestion anormale, le paiement litigieux aurait financé l'acquisition d'une clientèle par la société requérante ; que la cession de cette clientèle serait inopposable au service des impôts en application de l'article 1840 du code général des impôts ; qu'en toute hypothèse son paiement représenterait la contrepartie de l'acquisition d'un élément de l'actif immobilisé de la requérante ;
Considérant toutefois que c'est dès le 17 avril 1980 que la société "Z...
X... France" a annoncé à sa clientèle la "nouvelle répartition des compétences en matière de commercialisation des tubes soudés du groupe X..." intervenue dans les conditions susrappelées ; qu'antérieurement à cette annonce c'est la société "Forges et Acierie Rochling-Burbach" qui avait entamé la procédure de licenciement de M. Y... et que la société "Z...
X... France" ne s'est financièrement impliquée dans la prise en compte des indemnités versées à celui-ci qu'après l'intervention, qui ne pouvait être nécessairement prévue à l'origine, de la direction départementale du travail, laquelle, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, n'était pas dénuée de portée même au 31 décembre 1980, en considérant qu'elle était financièrement tenue à titre de nouvel employeur de M. Y... au prorata de l'activité transférée ; qu'au surplus il ne ressort pas du dossier et n'est pas même allégué que la clientèle en cause fut celle de M. Y... et qu'il est même fait valoir sans contredit du ministre qu'elle n'était pas juridiquement celle de la société "Forges et Acierie Rochling-Burbach" ; que dans ces conditions le versement litigieux ne procède pas en tout état de cause d'une convention ayant eu pour but de dissimuler partie du prix d'une cession de clientèle au sens de l'article 1840 du code général des impôts ; qu'il n'est pas non plus intervenu en contrepartie de la cession par la société "Forges et Acierie Rochling-Burbach" de la clientèle du secteur d'activité des tubes soudés décidée plusieurs mois auparavant par la société "
X...
Luxembourg" et n'a pas eu lui-même en fait pour résultat l'entrée d'un nouvel élément dans l'actif immobilisé de la société "Z...
X... France" ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre appelant n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement entrepris le tribunal administratif de Paris a accordé à la société "Z...
X... France" la réduction de cotisations litigieuses ;
Article 1er : Le pourvoi du MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 90PA00432
Date de la décision : 20/06/1991
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

COMPETENCE - COMPETENCES CONCURRENTES DES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - CONTENTIEUX DE L'INTERPRETATION - CAS OU UNE QUESTION PREJUDICIELLE NE S'IMPOSE PAS - Question préjudicielle du juge administratif au juge judiciaire - Autre - Interprétation de dispositions législatives - Article L - 122-12 du code du travail.

17-04-01-02 Saisi d'un litige relatif au caractère normal du versement par une société, à une autre du même groupe, d'une quote-part de l'indemnité due par cette dernière à l'un de ses salariés licencié à la suite de la réorganisation des activités du groupe, le juge de l'impôt n'est pas tenu de renvoyer au juge judiciaire la question de savoir si les dispositions de l'article L. 122-12 du code du travail étaient applicables à ce licenciement. Jugé qu'en l'espèce, au regard de l'interprétation que la jurisprudence donnait de ce texte à l'époque où la première société a pris sa décision, les dispositions de l'article L. 122-12 du code du travail s'imposaient à elle.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - RELATIONS ENTRE SOCIETES D'UN MEME GROUPE - Autres avantages accordés à une entreprise du groupe - Charge déductible - Prise en charge d'une indemnité de licenciement versée par une autre société (article L - 122-12 du code du travail).

19-04-02-01-04-083 Une société a versé à une autre, appartenant au même groupe, une quote-part de l'indemnité due par cette dernière à l'un de ses salariés licencié à la suite de la réorganisation des activités du groupe. Au regard de l'interprétation que la jurisprudence judiciaire donnait, à l'époque où la première société a pris sa décision, des dispositions de l'article L. 122-12 du code du travail, ce texte s'imposait à la société. Le versement litigieux n'a pas constitué un acte anormal de gestion.


Références :

CGI 39, 1840
Code du travail L321-7, L122-12-2


Composition du Tribunal
Président : M. Lévy
Rapporteur ?: M. Brotons
Rapporteur public ?: Mme Sichler

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1991-06-20;90pa00432 ?
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