VU l'ordonnance en date du 19 janvier 1989 par laquelle le président de la 7ème sous section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat par la société en nom collectif BURRUT ET COMPAGNIE ;
VU la requête et le mémoire ampliatif présentés pour la société en nom collectif BERRUT ET COMPAGNIE dont le siège social est ... par la SCP VIER, BARTHELEMY, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; ils ont été enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 30 septembre 1987 et 1er février 1988 ; la société demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 6 juillet 1987 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du maire de Paris en date du 21 janvier 1986 rejetant son recours gracieux concernant l'exonération de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ensemble l'ordre de recettes du 3 décembre 1985 et en tant que de besoin, lui donner décharge de la somme de 1.031,11 F mise en recouvrement ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 14 mars 1991 :
- le rapport de M. GIPOULON, conseiller,
- les observations de la SCP VIER, BARTHELEMY, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la société BERRUT ET COMPAGNIE, et celles de Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la ville de Paris,
- et les conclusions de Mme SICHLER, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er 3° du décret n° 65-29 du 11 janvier 1965 relatif aux délais de recours contentieux en matière administrative : " ... les délais de recours ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la décision contestée du maire de Paris en date du 21 janvier 1986 qui a rejeté le recours gracieux présenté par la SNC BERRUT ET COMPAGNIE ne comportait pas les indications requises par l'article précité ; que la ville de Paris n'est dès lors pas fondée à invoquer la tardiveté de la demande ;
Sur le fond :
Sur le moyen tiré de ce qu'une redevance spéciale ne pouvait être créée alors qu'était maintenue la taxe d'enlèvement des ordures ménagères :
Considérant qu'aux termes de l'article L.373-3 du code des communes : "Les collectivités assurent également l'élimination des autres déchets définis par décret, qu'elles peuvent, eu égard à leurs caractéristiques et aux quantités produites, collecter et traiter sans sujétions techniques particulières. Elles peuvent à cet effet créer une redevance spéciale, lorsqu'elles n'ont pas institué la redevance prévue à l'article L.233-78. Cette redevance se substitue à celle qui était prévue à l'article L.233-77" ;
Considérant qu'aucune disposition du code des communes ne subordonne expressément la création de la redevance spéciale à la suppression de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ; que par ailleurs, la création de cette redevance ne conduit pas en cas de maintien de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères à la double rémunération du même service rendu, dès lors que la redevance spéciale a pour objet de rémunérer l'enlèvement de déchets autres que ménagers ; qu'ainsi la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la redevance spéciale ne pouvait être perçue alors que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères était maintenue ;
Sur le moyen tiré de ce que les déchets de l'hôtel Bedford ne sauraient relever des dispositions de l'article L.373-3 du code des communes :
Considérant que la ville de Paris, en application des dispositions de l'article L.373-3 précité, a institué, par délibération des 15 et 16 décembre 1980, une redevance spéciale pour l'enlèvement des déchets d'origine commerciale ou artisanale ;
Considérant qu'il résulte tant des dispositions de l'article 12 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux, codifiée à l'article L.373-3 du code des communes, que des termes de l'article 7 du décret du 7 février 1977 pris pour son application, que c'est dans les limites fixées par les règlements, et notamment en l'espèce l'arrêté du 7 mars 1884, l'origine commerciale ou artisanale des déchets qui justifie l'institution de la redevance spéciale ; que celle-ci pouvait donc, dans ces limites, être perçue pour l'enlèvement des déchets de l'hôtel dont l'origine est commerciale ; que par ailleurs une franchise était prévue pour tenir compte du caractère d'ordures ménagères d'une partie de ces déchets et qu'il n'était pas tenu compte des déchets provenant de l'activité de restauration de l'hôtel, seuls assimilés, contrairement à ce que soutient la requérante, aux ordures ménagères par l'arrêté préfectoral précité du 7 mars 1884 en tant qu'il vise les "établissements de consommation" ; qu'ainsi l'enlèvement des déchets de l'hôtel Bedford justifiait tant la perception de la redevance spéciale pour ceux dont l'origine était commerciale que celle de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour ceux assimilés à des ordures ménagères ;
Sur le moyen tiré de ce que la ville de Paris ne pouvait pas, à défaut d'acceptation contractuelle de la redevance spéciale, appliquer le tarif prévu par l'arrêté du maire de Paris du 6 février 1985 :
Considérant que faute pour la SNC BERRUT ET COMPAGNIE d'avoir signé le contrat prévu par la ville de Paris pour l'application de la délibération du Conseil de Paris des 15 et 16 décembre 1980, prise en application des dispositions de l'article 12 de la loi du 15 juillet 1975 précité, il lui a été fait application pour l'enlèvement des déchets considérés comme d'origine commerciale, du tarif prévu par les dispositions de l'article 3 c) de l'arrêté du maire de Paris du 6 février 1985 portant fixation des tarifs pour les travaux de nettoiement et d'enlèvement de déchets pour le compte de tiers ;
Considérant que la délibération susmentionnée du Conseil de Paris instituant la redevance spéciale pour l'élimination des déchets d'origine commerciale ou artisanale fixe des tarifs pour l'enlèvement des déchets et donne délégation au maire pour fixer pendant la durée de son mandat le montant des redevances ; que la délibération ne précise pas les conditions de son exécution ;
Considérant que s'il était loisible à la ville de Paris de prévoir un mécanisme contractuel pour l'exécution de la délibération, elle ne pouvait pas, indépendamment de précisions sur ce point contenues dans la délibération elle-même, décider que le refus de souscrire le contrat proposé justifiait la soumission à un tarif différent, correspondant à celui prévu par l'arrêté du maire de Paris du 6 février 1985 pour l'enlèvement de déchets pour le compte de tiers, alors que cette règlementation n'est pas intervenue dans le cadre des dispositions de l'article L.373-3 du code des communes ; que la SNC BERRUT ET COMPAGNIE est dès lors fondée à soutenir que pouvait seul être appliqué le tarif prévu par la délibération du Conseil de Paris des 15 et 16 décembre 1980 ;
Sur le moyen tiré de ce que le volume de déchets d'origine commerciale retenu par la ville de Paris est erroné :
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en retenant le volume de 420 litres pour les déchets d'origine commerciale, à partir du volume de deux conteneurs de chacun 330 litres attribués aux résidus de l'activité hôtelière auxquels a été appliquée une franchise de 120 litres par conteneur, la ville de Paris ait commis une erreur sur le volume des déchets d'origine commerciale enlevée par elle ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SNC BERRUT ET COMPAGNIE est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué qui a suffisamment répondu à tous les moyens le tribunal administratif de Paris a rejeté sa contestation du tarif retenu par la ville de Paris pour l'enlèvement des déchets d'origine commerciale et à demander une décharge de la redevance spéciale correspondant au calcul de celle-ci en application du tarif prévu par la délibération des 15 et 16 décembre 1980 dont il n'est pas contesté que le montant se serait élevé pour la période concernée à 762 F ;
Article 1er : L'ordre de versement du 27 novembre 1985 est annulé en tant qu'il porte sur une somme supérieure à 762 F.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 6 juillet 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.