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19/03/1991 | FRANCE | N°89PA02670;89PA02800

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 19 mars 1991, 89PA02670 et 89PA02800


VU I la requête présentée pour la "COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN" dont le siège social est ..., les Miroirs, 92400 Courbevoie représentée par son directeur des affaires juridiques et fiscales dûment habilité ; elle a été enregistrée sous le n° 89PA02670, au greffe de la cour administrative d'appel de Paris le 11 septembre 1989 ; la compagnie demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 20 juin 1989 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a statué sur la provision constituée en 1977 par la société "Cellulose du Pin" ;
2°) de prononcer le dégrèvement

de la somme de 2.538.485 F ainsi que les intérêts de retard de 634.621 F ...

VU I la requête présentée pour la "COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN" dont le siège social est ..., les Miroirs, 92400 Courbevoie représentée par son directeur des affaires juridiques et fiscales dûment habilité ; elle a été enregistrée sous le n° 89PA02670, au greffe de la cour administrative d'appel de Paris le 11 septembre 1989 ; la compagnie demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 20 juin 1989 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a statué sur la provision constituée en 1977 par la société "Cellulose du Pin" ;
2°) de prononcer le dégrèvement de la somme de 2.538.485 F ainsi que les intérêts de retard de 634.621 F ;
VU II le recours présenté par le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET ; il a été enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Paris le 18 octobre 1989 sous le n° 89PA02800 ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 20 juin 1989 en ce qu'il a fait droit à la demande de la " Compagnie de Saint-Gobain" sur le principe de la détermination des plus-values sur cessions de titres de participations réalisées par ses filiales "Saint-Gobain Emballage" et "Davum" ;
2°) de décider que la société agréée "Compagnie de Saint-Gobain" sera rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés au titre de 1976 à raison de la somme de 327.285 F (principal et intérêts) ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience du 5 mars 1991 :
- le rapport de M. GIPOULON, conseiller,
- et les conclusions de M. LOLOUM, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête et le recours susvisés concernent le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur l'appel principal du ministre et l'appel incident de la société anonyme "COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN" relatifs aux plus-values réintégrées en 1976 :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 40 du code général des impôts : "1 ... les plus-values provenant de la cession en cours d'exploitation des éléments de l'actif immobilisé et réalisées avant l'entrée en vigueur, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, des dispositions des articles 39 duodecies à 39 sexdecies, ne sont pas comprises dans le bénéfice imposable de l'exercice au cours duquel elles ont été réalisées, si le contribuable prend l'engagement de réinvestir en immobilisations dans son entreprise, avant l'expiration d'un délai de trois ans à partir de la clôture de cet exercice, une somme égale au montant de ces plus-values ajoutées au prix de revient des éléments cédés ... 4. Si le remploi est effectué dans le délai prévu au 1, les plus-values distraites du bénéfice imposable sont considérées comme affectées à l'amortissement des nouvelles immobilisations et viennent en déduction du prix de revient pour le calcul des amortissements et des plus-values réalisées ultérieurement ..." ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 209 quinquies du même code : "Les sociétés françaises agréées à cet effet par le ministre de l'économie et des finances peuvent retenir l'ensemble des résultats de leurs exploitations directes ou indirectes, qu'elles soient situées en France ou à l'étranger, pour l'assiette des impôts établis sur la réalisation et la distribution de leurs bénéfices. Les conditions d'application des dispositions qui précèdent sont fixées par un décret en Conseil d'Etat" ; qu'aux termes de l'article 116 de l'annexe II au code général des impôts : "Sous réserve des dispositions des articles 118 à 120, 125 et 126, le résultat d'ensemble de la société agréée est déterminé comme suit : 1° La société agréée fait la somme algébrique : a. Des résultats de cette société, déterminés dans les conditions de droit commun, ainsi que des plus-values ou moins-values à court terme après application de la répartition prévue à l'article 39 quaterdecies-1 du code général des impôts ... c. Des résultats des exploitations indirectes situées en France métropolitaine ou dans les départements d'outre-mer, tels qu'ils sont retenus pour l'imposition de ces dernières à l'impôt sur les sociétés dans la proportion correspondant aux droits de la société agréée dans la distribution des bénéfices de ces exploitations à la date de clôture de la période d'imposition, ou à la date de la distribution des dividendes afférents à une période d'imposition, si la participation de la société agréée est plus forte à cette date qu'à la clôture de la période d'imposition ..." ; qu'aux termes de l'article 117 de la même annexe : " ... - En cas de cession par la société agréée de tout ou partie des intérêts détenus dans une exploitation indirecte sise en France ou à l'étranger, la plus-value ou moins-value afférente à cette cession est déterminée par référence à la valeur comptable des biens de l'exploitation indirecte telle qu'elle résulte du bilan établi pour l'imposition des résultats consolidés ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la requérante a bénéficié en 1972 de l'agrément prévu à l'article 209 quinquies précité du code général des impôts pour être placée sous le régime fiscal du bénéfice consolidé ; qu'en 1976, la société agréée elle-même et deux de ses exploitations indirectes, la société "Davum" et la société "Saint-Gobain Emballage", ont cédé des titres de participation dans d'autres sociétés qui avaient été acquis, antérieurement à l'entrée en vigueur de l'agrément, en remploi de plus-values bénéficiant de l'exonération de l'article 40 précité du code général des impôts ; que les redressements litigieux correspondent à l'assujettissement à l'impôt, conformément aux dispositions de l'article 40-4 du code général des impôts, des plus-values en remploi, qui ne figuraient pas dans les résultats consolidés de l'exercice 1976 ;
Considérant que l'article 40 précité du code général des impôts a aménagé un régime général d'imposition des plus-values remployées alors qu'il était en vigueur ; que ces plus-values n'étaient pas exonérées mais devaient être imposées dans les conditions prévues au 4 de l'article ;

Considérant que les dispositions réglementaires précitées des articles 116 et 117 de l'annexe II au code général des impôts ne sauraient déroger au régime ainsi aménagé par l'article 40 ; que l'administration établit que les dispositions du 4 de cet article n'ont été appliquées lors de la détermination du bénéfice consolidé ni en ce qui concerne les cessions de la "COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN", ni en ce qui concerne celles de ses deux filiales françaises ; que, dès lors, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a réduit la base imposable de la société "COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN" au titre des plus-values sur cessions de 1976, des montants des plus-values en remploi litigieux imputés du fait des cessions réalisées sur ses filiales "Saint-Gobain Emballage" et "Davum" ; qu'il y a lieu en conséquence de rejeter l'appel incident de la "COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN" ;
Sur l'appel principal de la société "COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN" relatif à la provision constituée en 1977 par la société "Cellulose du Pin" :
Considérant qu'il n'appartient pas au juge de l'impôt, lorsqu'il n'y est pas invité par l'administration défenderesse, de substituer au fondement de l'imposition contestée un autre fondement, sur lequel serait justifié le maintien de cette imposition ;
Considérant qu'à la date à laquelle le tribunal administratif de Paris a statué, le directeur des services fiscaux n'avait pas invoqué l'article 86 de la loi de finances du 29 décembre 1984 ; que, par suite, en retenant d'office ce fondement pour justifier la réintégration contestée le tribunal a méconnu ses pouvoirs ; que, dès lors, comme le demande la "COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN", son jugement doit être annulé sur ce point ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de la société "COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN" relative à la réintégration de la provision constituée en 1977 par la société "Cellulose du Pin" ;
Considérant que l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, de substituer une base légale à celle qui a été primitivement invoquée dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d'imposition ; que le ministre peut invoquer, au regard de ces conditions, les dispositions de l'article 86 de la loi de finances pour 1985 pour justifier la réintégration des provisions litigieuses ;
Considérant qu'aux termes de l'article 86 de la loi de finances n° 84-1208 du 29 décembre 1984 : "Le premier alinéa du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts est complété par les dispositions suivantes : "Toutefois, ne sont pas déductibles les provisions que constitue une entreprise en vue de faire face au versement d'allocations en raison du départ à la retraite ou préretraite des membres ou anciens membres de son personnel, ou de ses mandataires sociaux. Cette disposition a un caractère interprétatif" ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société "Cellulose du Pin", filiale de la requérante, a constitué, au titre de l'exercice 1977, une provision d'un montant de 8.464.438 F pour faire face à des indemnités de licenciement à verser à son personnel âgé de plus de 57 ans qu'elle avait décidé, avec l'autorisation administrative alors requise, de licencier à compter du 31 décembre 1977 ; que, toutefois, aux termes d'accords passés avec chaque membre du personnel concerné et antérieurement au 31 décembre 1977, les salariés licenciés ont renoncé au paiement immédiat de la partie la plus importante de leur indemnité de licenciement afin de permettre sa conversion en une rente mensuelle versée jusqu'à l'âge de la retraite par l'entreprise et équivalente à 4/5ème de la rémunération brute que le salarié aurait perçue s'il avait continué de travailler ;
Considérant que le caractère interprétatif des dispositions de l'article 86, par lesquelles le législateur a entendu interdire la constitution de provisions à raison de toutes allocations de départ à la retraite ou en préretraite, permettait qu'il en soit fait application à des provisions constituées avant l'entrée en vigueur de la loi de finances pour 1985 ;
Considérant, en l'espèce, que l'accord transactionnel signé par chaque salarié à raison duquel, au 31 décembre 1977, la société "Cellulose du Pin" n'était plus redevable d'indemnités de licenciement proprement dites mais du paiement d'indemnités affectées à une forme de préretraite consentie à ses salariés licenciés et âgés de plus de 57 ans, permettait l'application des dispositions de l'article 86 précité de la loi de finances pour 1985 ; que, dès lors, c'est à bon droit que le service a réintégré les provisions litigieuses dans les résultats imposables de la société ;
Considérant qu'il y a lieu d'accorder à la "COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN" le dégrèvement des intérêts de retard pour la période antérieure à la publication de la loi de finances pour 1985 soit la somme de 634.621 F ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rétablir partiellement les bases imposables de la société "COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN" pour 1976 et de lui accorder pour l'année 1977 un dégrèvement des intérêts de retard dans les conditions susanalysées ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 20 juin 1989 est annulé en tant qu'il a statué sur la contestation relative à la réintégration dans le bénéfice imposable de la société agréée "COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN" de la provision constituée en 1977 par la société "Cellulose du Pin".
Article 2 : Il est accordé le dégrèvement des intérêts de retard appliqués en raison de la réintégration de la provision constituée en 1977 pour le montant de 634.621 F.
Article 3 : Le surplus de la demande présentée devant le tribunal administratif de Paris et de la requête de la "COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN" concernant la provision constituée en 1977 par la société "Cellulose du Pin" est rejeté.
Article 4 : La société agréée "COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN" est rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1976 à raison de la somme de 261.828 F en principal et 65.457 F au titre des intérêts de retard.
Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 20 juin 1989 est réformé sur ce point en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 6 : Le recours incident de la société "COMPAGNIE DE SAINT-GOBAIN" est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 89PA02670;89PA02800
Date de la décision : 19/03/1991
Sens de l'arrêt : Annulation partielle dégrèvement
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - PROVISIONS -Principes - Dettes, charges et obligations - Charges de personnel - Charges ne pouvant faire l'objet d'une provision déductible - Indemnités de licenciement converties en allocations conventionnelles de préretraite (article 86 de la loi de finances pour 1985).

19-04-02-01-04-04 Une société, après avoir décidé, avec l'autorisation requise de l'administration, le licenciement de son personnel âgé de plus de 57 ans, conclut avec chaque salarié concerné un accord selon lequel il renonce au paiement immédiat de la part la plus importante de l'indemnité qui lui est due pour permettre sa conversion en une garantie de ressources mensuelles assurée par l'entreprise jusqu'à l'âge de la retraite. Le montant des indemnités ainsi affectées à une forme d'allocations de préretraite ne peut donner lieu à une provision déductible en application de l'article 86 de la loi de finances pour 1985 qui a un caractère rétroactif.


Références :

CGI 40, 209 quinquies
CGIAN2 116, 117
Loi 84-1208 du 29 décembre 1984 art. 86 Finances pour 1985


Composition du Tribunal
Président : M. Lévy
Rapporteur ?: M. Gipoulon
Rapporteur public ?: M. Loloum

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1991-03-19;89pa02670 ?
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