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24/01/1991 | FRANCE | N°89PA02783

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 24 janvier 1991, 89PA02783


VU le recours du MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET ; il a été enregistré au greffe de la cour le 9 octobre 1989 ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 juin 1989 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société "Avis" la décharge du complément d'impôts sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1977/1978, 1978/1979 et 1981/1982 à raison de la réintégration dans ses résultats imposables ;
2°) de remettre à la charge de l

a société "Avis" les impositions, droits et pénalités, dégrévées en exécutio...

VU le recours du MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET ; il a été enregistré au greffe de la cour le 9 octobre 1989 ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 juin 1989 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société "Avis" la décharge du complément d'impôts sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1977/1978, 1978/1979 et 1981/1982 à raison de la réintégration dans ses résultats imposables ;
2°) de remettre à la charge de la société "Avis" les impositions, droits et pénalités, dégrévées en exécution du jugement ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 10 janvier 1991 :
- Le rapport de M. GIPOULON, conseiller,
- les observations de M. Marry X..., pour la société anonyme Avis,
- et les conclusions de Mme SICHLER, commissaire du gouvernement ;

Considérant que selon l'article 39-1-5 du code général des impôts, les provisions déductibles sont celles "constituées en vue de faire face à des pertes ou des charges nettement précisées et que des circonstances en cours rendent probables" ; que le ministre fait appel du jugement du 6 juin 1989 par lequel le tribunal administratif de Paris a considéré que les provisions pour créances douteuses constituées par la société "Avis", loueur de voitures, à raison du risque de non-recouvrement des créances sur ses clients nées durant les exercices litigieux répondaient aux conditions prévues par cet article ; qu'il fait valoir qu'en raison de son caractère global et forfaitaire, la méthode de calcul de la provision n'est pas déterminée avec une précision suffisante, que la perte ne résulterait pas d'évènements certains et précis justifiant de sa probabilité à la clôture de l'exercice et que la méthode employée aboutirait en réalité à la constitution de provisions destinées à couvrir le risque général de pertes d'exploitation en raison de l'activité ;
Considérant que la méthode employée consiste à appliquer au montant des créances inscrites au compte " clients ordinaires" le pourcentage des pertes de même nature effectivement supporté par l'entreprise au cours de l'exercice précédent ; qu'elle a été mise en oeuvre par un loueur de voitures établissant environ 400.000 factures annuelles en général de faibles montants pour des clients dont la caractéristique commune majeure est le fait même qu'ils lui louent à un moment donné un véhicule ; qu'il y a lieu au regard de cette situation de fait d'examiner les divers moyens qui peuvent être identifiés comme articulés dans l'argumentation globale du ministre en ses trois branches susrappelées, au soutien de ses conclusions d'annulation du jugement entrepris et de remise à charge de la requérante des cotisations supplémentaires litigieuses ;
Sur le moyen tiré du caractère global et forfaitaire de la méthode de calcul de la provision :
Considérant que le ministre fait valoir que la société serait tenue d'individualiser tant les créances provisionnées que la quote-part menacée d'irrecouvrabilité, mais considérant que le recours à une méthode statistique ne saurait être exclu par principe notamment dans le cas d'une entreprise dont l'activité présente les caractéristiques qui viennent d'être rappelées et qu'ainsi le jugement entrepris n'est à cet égard nullement entaché de l'erreur de droit que le ministre lui impute ;
Sur le moyen tiré de l'absence de probabilité de la perte provisionnée :
Considérant que contrairement à ce que soutient le ministre la société "Avis" justifie des "évènements en cours à la clôture de l'exercice" qui rendent probable la perte, dès lors que du fait de l'importance et des caractéristiques de sa clientèle, il est inéluctable à la clôture qu'une partie des créances qui sont nées durant l'exercice ne soient pas honorées ;
Sur le moyen tiré des variations des pourcentages de créances passées en pertes selon les exercices :

Considérant que l'existence d'écarts , demeurant d'ailleurs modérés, de pertes constatées d'un exercice à l'autre ne saurait par elle-même priver de fiabilité la méthode mise en oeuvre par la société par application aux créances de l'exercice du pourcentage de pertes de l'exercice précédent ;
Sur les moyens tirés de l'insuffisance de diligences et de l'absence de poursuites en vue du recouvrement des créances :
Considérant que le ministre a fait successivement état de ce qu'il n'est pas justifié que toutes les diligences aient été effectuées pour assurer le recouvrement des créances considérées comme à risques faute de relances suffisantes pour un certain nombre d'entre elles, puis de ce que les risques d'insolvabilité devraient toujours s'apprécier en fonction des résultats des poursuites engagées par l'entreprise au titre de l'exercice de constatation des provisions ;
Considérant d'abord qu'il résulte des indications précises et non utilement contestées de la défense de la société intimée que son système de relances informatiques des clients est, conformément à la nature même de son activité économique, important et systématique ; que du reste le ministre affirme lui-même que la société" pratique bien évidemmment la relance des défaillants" ; que la circonstance que certaines créances individualisées de l'exercice n'auraient pas encore fait à l'issue de celui-ci l'objet d'une relance est inopérante au regard de la méthode de calcul employée ;
Considérant ensuite que si l'administration entendait dorénavant contester le principe même de la provision litigieuse en raison de l'absence de poursuites, le recouvrement des créances pouvait dans les circonstances de l'espèce devenir douteux au cours de l'exercice de constitution de la provision, alors même que la société n'avait pas, eu égard notamment au nombre et au montant des factures demeurées impayées après relances, engagé des poursuites à l'encontre de l'ensemble de ses débiteurs, alors qu'il n'est pas contesté que son important service recouvrement-contentieux pourvoyait à des poursuites y compris par voie d'avocats lorsqu'il était estimé qu'il en allait de l'intérêt social ;
Sur le moyen tiré de ce que la simple inscription d'une créance en compte ne constitue pas un évènement propre à rendre improbable son recouvrement à la clôture de l'exercice :
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la constitution des provisions litigieuses ne procède nullement de cette seule inscription, ni davantage de la simple facturation des créances mais bien de l'application à l'ensemble des créances de l'exercice d'un pourcentage de créances susceptibles de devenir irrecouvrables déterminé selon une méthode d'une approximation en l'espèce suffisante ;
Sur le moyen tiré de l'insuffisante précision des catégories de clients afférentes aux créances provisionnées :

Considérant que le ministre fait grief à la société de calculer les provisions selon les pourcentages de pertes de l'exercice précédent sans aucune pondération entre clients à risques et autres clients et sans tenir compte des facteurs d'infléchissement inhérents à la conjoncture économique et à sa politique de prévention des impayés ; mais considérant que cette critique, à la supposer cohérente avec celle formulée sur la variation des pourcentages de pertes, ne peut être admise, dès lors que, de par la nature même de son activité et de sa clientèle, la société ne pouvait pas avec une meilleure précision distinguer des sous-catégories opératoires à l'intérieur de sa clientèle et qu'elle justifie que ni l'évolution économique générale, ni sa politique de prévention des impayés n'étaient par elles-mêmes de nature à entraîner, compte tenu de la méthode de calcul employée, une différenciation du mode de détermination des provisions selon les exercices ;
Sur le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 38 sexies de l'annexe III au code général des impôts :
Considérant que selon cet article dans sa rédaction applicable, les immobilisations qui ne se déprécient pas avec le temps, ne donnent pas lieu à amortissement mais éventuellement leur dépréciation justifie la constitution de provisions dans les conditions prévues à l'article 39-1-5 du code général des impôts ; que ces dispositions sont par elles-mêmes sans incidence sur l'appréciation au regard des exigences de ce dernier article du principe et des modalités de calcul des provisions pour créances douteuses litigieuses ;
Sur le moyen tiré de ce que les provisions litigieuses avaient en réalité pour objet et pour effet de constater globalement la dépréciation d'un élément d'actif constitué par la masse des créances individuelles :
Considérant que s'il est vrai qu'une entreprise n'est pas fondée à déduire de son bénéfice des provisions destinées à couvrir le risque général de non-recouvrement de ses créances, les provisions constituées par la société "Avis" n'ont eu compte tenu de la nature de son activité et de leurs modalités de calcul susrappelées ni cet objet, ni cet effet ; que le fait au surplus que, comme le relève le ministre, les exercices en cause aient eu des résultats bénéficiaires est par lui-même sans incidence dans le présent litige ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement entrepris le tribunal administratif de Paris a donné décharge à la société "Avis" des compléments d'imposition contestés ;
Article 1er : Le pourvoi du MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 89PA02783
Date de la décision : 24/01/1991
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-04,RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - PROVISIONS -Mode de calcul des provisions - Approximation suffisante assurée par utilisation d'une méthode statistique (1).

19-04-02-01-04-04 Une société de location de voitures qui établit chaque année plusieurs centaines de milliers de factures par an justifie de la probabilité d'une perte annuelle, résultant du non-recouvrement d'un certain nombre de factures, et établit qu'elle exerce toutes diligences pour améliorer le recouvrement de ses créances. Elle est en droit de constituer une provision destinée à faire face au risque de non-recouvrement des créances en utilisant une méthode statistique consistant à appliquer aux créances de l'exercice le pourcentage des pertes constaté au cours de l'exercice précédent.


Références :

CGI 39 par. 1
CGIAN3 38 sexies

1.

Cf. CE, 1980-05-28, p. 247.


Composition du Tribunal
Président : M. Lévy
Rapporteur ?: M. Gipoulon
Rapporteur public ?: Mme Sichler

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1991-01-24;89pa02783 ?
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