Vu l'ordonnance en date du 2 janvier 1989 par laquelle le président de la 8ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret N° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat par la société G.T.M.F ;
Vu la requête présentée pour la société anonyme "Groupement pour le traitement des métaux et ferrailles" (G.T.M.F.) dont le siège social est ..., par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; elle a été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 mai 1988 ;
La société requérante demande au Conseil d'Etat :
1) d'annuler le jugement n° 83-62F du 4 février 1988 par lequel le tribunal administratif de Versailles, après avoir constaté un non-lieu à statuer de 581.282 F, a rejeté le surplus de sa demande en décharge de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle aurait indûment payée au titre du mois de janvier 1982 ;
2) de prononcer la restitution demandée avec intérêts de droit à compter du 24 février 1982 ;
3) subsidiairement, d'interroger la Cour de justice des Communautés européennes sur l'interprétation de la sixième directive du 17 mai 1977 du Conseil des Communautés européennes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne ;
Vu la première directive n° 67/227 du Conseil des Communautés européénnes du 11 avril 1967 ;
Vu la deuxième directive n° 67/228 du Conseil des Communautés européénnes du 11 avril 1967 ;
Vu la sixième directive n° 77/388 du Conseil des Communautés européénnes du 17 mai 1977 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience du 9 mai 1990 :
- le rapport de M. Jean-Antoine, conseiller ;
- les observations de la S.C.P Célice-Blancpain, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et celles de Maître Philippe Derouin, avocat à la cour, pour la société anonyme Groupement pour le traitement des métaux et ferrailles (G.T.M.F.) ;
- et les conclusions de M. Loloum, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société G.T.M.F., qui a pour activité le traitement de déchets industriels de métaux et ferrailles, a spontanément soumis à la taxe sur la valeur ajoutée au cours de l'année 1982, le profit qu'elle a réalisé lors de la revente à une banque de 90 lingots d'or qu'elle avait acquis en 1964 et 1965 et qui étaient inscrits à l'actif de la société sous la rubrique "valeurs réalisables à court terme ou disponibles" ; qu'elle fait appel du jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 4 février 1988 qui, après avoir prononcé un non-lieu partiel correspondant au dégrèvement accordé par l'administration d'une partie de la taxe en cause calculée sur un taux erroné, a refusé de faire droit à sa demande en restitution du surplus de la dite taxe qu'elle estime avoir payée indument ;
Sur le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts applicable à la période d'imposition en litige : " I - Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. II. La livraison d'un bien meuble s'entend du transfert de propriété d'un bien meuble corporel ..." ; et qu'aux termes de l'article 256 A du même code : "Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent d'une manière indépendante, à titre habituel ou occasionnel, une ou plusieurs opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. Ne sont pas considérés comme agissant de manière indépendante : - les salariés et les autres personnes qui sont liés par un contrat de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail, les modalités de rémunération et la responsabilité de l'employeur ; - les travailleurs à domicile dont les gains sont considérés comme des salaires, lorsqu'ils exercent leur activité dans les conditions prévues aux articles L.721-1, L.721-2 et L.721-6 du code du travail" ;
Considérant que la société requérante soutient que l'opération réalisée serait hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'elle porte seulement sur des valeurs monétaires de placement inscrites au bilan sans rapport avec son activité commerciale normale et que ces valeurs n'ont pas la nature de biens meubles corporels ; qu'elle expose qu'il convient d'interpréter les dispositions des articles 256 et 256 A du code général des impôts au regard des dispositions des directives du Conseil de la Communauté européenne prises sur le fondement du traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne ;
Considérant d'une part, que contrairement à ce qu'expose la société requérante , la notion "d'assujetti agissant en tant que tel" mentionnée à l'article 256 du code général des impôts n'implique pas que seules les opérations liées à l'activité commerciale ou industrielle exercée à titre principal par la société seraient passibles de la taxe ; que cette notion, éclairée par les dispositions de l'article 256 A de ce code, vise les personnes qui réalisent une ou des opérations imposables dans le cadre d'une activité habituelle ou occasionnelle qui les rend assujetties lorsque cette activité est exercée de manière indépendante, à la différence notamment des opérations réalisées par les préposés d'une entreprise ; que ces dispositions de la loi fiscale française sont la transcription en droit interne des dispositions combinées des articles 2 et 4 de la sixième directive n° 77/388 du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 en vertu desquelles est considéré comme assujetti agissant en tant que tel quiconque accomplit d'une façon indépendante l'une des activités économiques définies au paragraphe 2 de l'article 4 de cette directive ;
Considérant d'autre part, que si la société requérante fait valoir que la taxe sur la valeur ajoutée est par principe un impôt sur la consommation, le paragraphe 3 de l'article 4 de la sixième directive précitée n'exclut pas la prise en compte d'opérations occasionnelles portant sur diverses activités économiques au nombre desquelles doivent être comprises les négociations de lingots d'or réalisées par une entreprise commerciale ou industrielle ; que les lingots d'or n'étant pas normalement utilisés comme moyen de paiement ne peuvent être assimilés à une monnaie et constituent un bien meuble corporel passible de la taxe en cause ;
Sur les disparités de traitement :
Considérant que la société requérante expose que les opérations réalisées sur l'or autre qu'industriel par certains professionnels du commerce de l'or et par des particuliers pour la gestion de leur patrimoine sont pour les premiers exonérés de taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'article 261-C-1°-g du code général des impôts et pour les seconds placés hors du champ d'application de ladite taxe ; qu'elle soutient que si elle devait supporter la taxe sur la valeur ajoutée pour la cession de lingots d'or, la situation résultant de son assujettissement, d'une part, et des dérogations susmentionnées, d'autre part, serait contraire au principe de neutralité de cette taxe et incompatible avec les objectifs définis par la sixième directive du Conseil des Communautés européennes tendant notamment à éviter les distorsions de concurrence et les disparités de traitement suivant la qualité des personnes ;
Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article 28 paragraphe 3 sous B de la sixième directive complété par l'annexe F point 26 que les Etats membres ont été alors autorisés à continuer d'exonérer les opérations relatives à l'or autre qu'à usage industriel dans les conditions existantes avant le 1er janvier 1979, date d'entrée en vigueur de cette directive ; que les particuliers n'ont jamais été soumis à la taxe sur la valeur ajoutée pour de telles opérations et que l'article 261-C-1° g du code général des impôts reprend l'exonération prévue par l'ancien article 261-1-1°-a, comme l'autorise l'article 28 de la directive précitée ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le régime légal dont il lui a été fait application ne serait pas compatible avec les principes et objectifs susrappelés ;
Considérant, enfin, que si la société requérante soutient que l'opération en litige étant passible de la taxe forfaitaire sur les métaux et objets précieux prévue par les articles 302 bis A à 302 bis E du code général des impôts, elle serait victime d'une double imposition, il résulte de l'instruction que la société était de plein droit exonérée de cette taxe pour la transaction litigieuse ; qu'ainsi, en l'absence d'une double taxation, en droit comme en fait, le moyen tiré de ce que les dispositions précitées du code général des impôts sont contraires aux prescriptions de l'article 33 de la sixième directive du Conseil des Communautés européennes qui prohibe le cumul de taxes ayant le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires, ne peut, en tout état de cause, être accueilli ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les dispositions du code général des impôts dont il est fait application en l'espèce ne sont pas incompatibles avec les dispositions relevées de la sixième directive des Communautés européennes ; qu'il n'y a dès lors pas lieu, en l'espèce, de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle aux fins d'interprétation des directives dont la loi française est la transposition ;
Sur la doctrine administrative :
Considérant que, si la société requérante a entendu invoquer à son profit, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales les termes d'un communiqué du service d'information du ministre chargé du budget en date du 13 novembre 1981, ce communiqué, à supposer qu'il puisse être regardé comme une doctrine administrative régulièrement publiée, ne vise que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des ventes d'or monétaire réalisées par des particuliers ou des professionnels du commerce de l'or ; que la situation des entreprises industrielles et commerciales autres que celles qui font le commerce habituel de l'or n'étant pas visée par ce communiqué, la société requérante ne peut, en tout état de cause, utilement s'en prévaloir ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société G.T.M.F. n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête ;
Article 1er : Le pourvoi de la société G.T.M.F. est rejeté.