Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du
3 octobre 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2315688 du 21 juin 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2024, M. A..., représenté par Me Rodrigues Devesas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 juin 2024 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler cet arrêté du 3 octobre 2023 du préfet de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour, ou de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2025, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 28 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire relative à la circulation et au séjour des personnes du 21 septembre 1992 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Quillévéré a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant ivoirien né le 1er mai 1990 à Bongouanou
(Côte-d'Ivoire) est entré sur le territoire français au cours de l'année 2019 depuis l'Italie.
Il a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 421-1 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. A... relève appel du jugement du 21 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
1. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 10 de la convention conclue le
21 septembre 1992 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire sur la circulation et le séjour des personnes stipule que : " Pour tout séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les ressortissants ivoiriens doivent posséder un titre de séjour. (...) Ces titres de séjour sont délivrés conformément à la législation de l'État d'accueil. ". Aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles
L. 5221-2 et suivants du code du travail. ".
2. D'autre part, aux termes de l'article R. 5221-1 du code du travail : " I. - Pour exercer une activité professionnelle salariée en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail lorsqu'elles sont employées conformément aux dispositions du présent code : / 1° Etranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ; (...) // II. - La demande d'autorisation de travail est faite par l'employeur. (...) /// Tout nouveau contrat de travail fait l'objet d'une demande d'autorisation de travail. ". Aux termes de l'article R. 5221-14 de ce code : " Peut faire l'objet de la demande prévue au I de l'article R. 5221-1 l'étranger résidant hors du territoire national ou l'étranger résidant en France et titulaire d'un titre de séjour prévu à l'article R. 5221-3. ". Aux termes de l'article R. 5221-3 auquel il est ainsi renvoyé : " I. -L'étranger qui bénéficie de l'autorisation de travail prévue par l'article R. 5221-1 peut, dans le respect des termes de celle-ci, exercer une activité professionnelle salariée en France lorsqu'il est titulaire de l'un des documents et titres de séjour suivants : (...) // 2° La carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " salarié ", délivrée en application de l'article L. 421-1 ou de l'article L. 313-17 du même code (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-15 du même code : " La demande d'autorisation de travail mentionnée au I de l'article R. 5221-1 est adressée au moyen d'un téléservice au préfet du département dans lequel l'établissement employeur a son siège ou le particulier employeur sa résidence. " et aux termes de son article R. 5221-17 : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée au I de l'article R. 5221-1 est prise par le préfet. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la demande d'autorisation de travail présentée par un étranger déjà présent sur le territoire national doit être adressée au préfet par l'employeur. Saisi régulièrement d'une telle demande, le préfet est tenu de l'instruire et ne peut pendant cette instruction refuser l'admission au séjour de l'intéressé au motif que ce dernier ne produit pas d'autorisation de travail ou de contrat de travail visé par l'autorité compétente. En revanche, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet, saisi par un étranger qui ne dispose pas d'un visa de long séjour et réside irrégulièrement en France, d'examiner la demande d'autorisation de travail ou de la faire instruire par les services compétents de la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités, préalablement à ce qu'il soit statué sur la délivrance du titre de séjour.
3. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour en qualité de " salarié " sur le fondement des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Loire-Atlantique a retenu que l'intéressé ne disposait ni d'un visa de long séjour ni d'une autorisation de travail visée par l'autorité administrative.
4. Si M. A... soutient qu'il était dispensé de la production d'un visa de long séjour, dès lors qu'il dispose d'une carte d'identité italienne, ce document, qui porte la mention " non valida per espatrio ", non valide pour l'expatriation en italien, a seulement pour objet d'authentifier les étrangers s'étant vu délivrer un permis de séjour sur le territoire italien et ne donne aucun droit à l'entrée et au séjour des étrangers en France. M. A... n'était donc pas titulaire d'un visa de long séjour à la date de la décision attaqué. Par suite, le préfet de la Loire-Atlantique, qui pouvait pour ce seul motif refuser de délivrer à l'intéressé un titre de séjour sur le fondement de l'article
L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'était pas tenu de faire instruire par ses services la demande d'autorisation de travail dont l'employeur de M. A... l'avait saisi, avant de prendre la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a travaillé comme maçon à partir de 2019, d'abord comme intérimaire, puis comme salarié pour la société Fabatim pour laquelle il a travaillé jusqu'au 30 septembre 2023, ainsi qu'en atteste son dernier bulletin de salaire. Toutefois, M. A..., qui se prévaut essentiellement de cette seule expérience professionnelle, ne peut être regardé comme justifiant de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels, susceptibles de justifier son admission exceptionnelle au séjour. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Loire-Atlantique aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. La décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée par le présent arrêt, doit être écarté le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.
8. L'arrêté attaqué prévoit que M. A... pourra être éloigné à destination du pays dont il a la nationalité ou " tout pays dans lequel il est légalement admissible (à l'exception d'un Etat membre de l'Union européenne, de l'Islande du Liechtenstein, de la Norvège ou de la Suisse) ". Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui est arrivé en France depuis l'Italie, est titulaire d'une carte d'identité italienne valable jusqu'au 1er mai 2029, laquelle authentifie que le requérant est autorisé à séjourner dans ce pays. Il y est donc légalement admissible. Dans ces conditions, en excluant l'Italie des pays à destination desquels M. A... pourra être reconduit, le préfet de la Loire-Atlantique a commis une erreur de droit.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2023 du préfet de la Loire-Atlantique en tant qu'il exclut l'Italie comme pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. La décision fixant le pays de destination est annulée en tant seulement qu'elle exclut l'Italie comme pays de destination. Dans ces conditions, l'exécution du jugement n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas pour l'essentiel la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2315688 du 21 juin 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du
3 octobre 2023 du préfet de la Loire-Atlantique en tant qu'il fixe le pays de destination.
Article 2 : L'arrêté du 3 octobre 2023 du préfet de la Loire-Atlantique est annulé en tant qu'il exclut l'Italie comme pays de destination.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juillet 2025.
Le président-rapporteur,
G. QUILLÉVÉRÉL'assesseur le plus ancien,
A. PENHOAT
La greffière
A. MARCHAIS
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT03623 2
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