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11/07/2025 | FRANCE | N°25NT00251

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 11 juillet 2025, 25NT00251


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 11 décembre 2024 par laquelle la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) à Rennes lui a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil.



Par un jugement n° 2407480 du 27 décembre 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes l'a admise au bénéfice de l'aide juridictionnell

e à titre provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.



Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 11 décembre 2024 par laquelle la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) à Rennes lui a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil.

Par un jugement n° 2407480 du 27 décembre 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes l'a admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 janvier 2025, Mme A..., représentée par Me Semino, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 27 décembre 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) d'annuler la décision de l'OFII du 11 décembre 2024 ;

3°) d'enjoindre à l'OFII, à titre principal, de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité, dès lors qu'elle a produit un certificat médical le 27 décembre 2024 qui n'a pas été visé ni pris en compte alors qu'elle n'était pas en mesure d'en faire état avant cette date ;

- la décision en litige était préétablie à l'entretien de vulnérabilité et c'est l'agent qui a mené l'entretien qui l'a édictée, sans en avoir la compétence ;

- elle ne procède pas d'un examen complet de sa situation personnelle ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure : aucune question ne lui a été posée, permettant d'identifier les violences physiques sexuelles et les violences psychologiques qu'elle a effectivement subies ; l'évaluation de vulnérabilité n'a pas été correctement menée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et apparaît entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Un mémoire présenté par l'OFII, représenté par Me de Froment, a été enregistré le 23 juin 2025, postérieurement à la clôture d'instruction intervenue dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 24 février 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive (UE) n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chabernaud,

- et les observations de Me Semino pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante congolaise (République du Congo) née le 7 juin 1995, a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 11 décembre 2024 par laquelle la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) à Rennes lui a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil. Par un jugement du 27 décembre 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes l'a admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Mme A... fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a produit, le 27 décembre 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction qui a été prononcée à l'issue de l'audience qui s'est tenue devant le tribunal administratif de Rennes le 24 décembre 2024, un certificat médical établi le 26 décembre 2024. Il n'est pas établi que cette pièce, qui n'est pas une note en délibéré et n'avait donc pas à être visée par le tribunal dans son jugement, constituerait une circonstance de fait ou un élément de droit dont Mme A... n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction. Dans ces conditions, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a commis une irrégularité en s'abstenant de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire la pièce litigieuse.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, la décision contestée du 11 décembre 2024 refusant à Mme A... le bénéfice des conditions matérielles d'accueil a été prise par la directrice territoriale de l'OFII à Rennes, dont la compétence pour prendre cette décision n'est pas contestée. Si Mme A... soutient que la décision en litige était " préétablie " avant l'entretien d'évaluation de sa vulnérabilité tenu par l'OFII le 11 décembre 2024 et que c'est en réalité l'agent qui a mené cet entretien qui l'a édictée, sans en avoir la compétence, elle ne l'établit pas. Par suite, le moyen doit être écarté.

4. En deuxième lieu, la décision contestée de l'OFII du 11 décembre 2024 refusant à Mme A... le bénéfice des conditions matérielles d'accueil en qualité de demandeur d'asile comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

5. En troisième lieu, il ressort notamment de la motivation de la décision en litige du 11 décembre 2024 et du compte-rendu du même jour établi par l'OFII que ce dernier a bien procédé à l'évaluation de la vulnérabilité de Mme A... ainsi qu'à l'examen particulier de sa situation personnelle. Par suite, le moyen tiré d'un défaut d'examen complet de sa situation personnelle, qui manque en fait, doit être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 522-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'évaluation de la vulnérabilité vise, en particulier, à identifier les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, telles que des mutilations sexuelles féminines. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que l'agent qui a reçu Mme A... le 11 décembre 2024 afin d'évaluer sa vulnérabilité s'est appuyé sur une fiche, qu'il a complétée, comportant de nombreuses rubriques permettant en particulier d'appréhender la situation personnelle, familiale et médicale de l'intéressée et, le cas échéant, d'identifier si cette dernière a été victime de viols, de tortures ou d'autres formes graves de violence psychologique ou sexuelle, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 522-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme A... n'apporte pas d'élément probant de nature à laisser penser que l'entretien se serait tenu selon des modalités qui n'auraient pas permis d'évaluer sérieusement sa vulnérabilité ou l'aurait privée d'une garantie. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A la suite de la présentation d'une demande d'asile, l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier afin de déterminer, le cas échéant, ses besoins particuliers en matière d'accueil. (...) Lors de l'entretien personnel, le demandeur est informé de sa possibilité de bénéficier de l'examen de santé gratuit prévu à l'article L. 321-3 du code de la sécurité sociale. ". Selon l'article L. 551-15 de ce code : " Les conditions matérielles d'accueil sont refusées, totalement ou partiellement, au demandeur, dans le respect de l'article 20 de la directive 2013/33/ UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, dans les cas suivants : / (...) 4° Il n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° de l'article L. 531-27. / La décision de refus des conditions matérielles d'accueil prise en application du présent article est écrite et motivée. / Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. ".

9. Pour refuser le bénéfice des conditions matérielles d'accueil en qualité de demandeur d'asile à Mme A..., entrée en France le 8 avril 2024, l'OFII, aux termes de la décision contestée du 11 décembre 2024, a opposé, sur le fondement des dispositions précitées du 4° de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le motif tiré de ce que l'intéressée n'avait pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai de quatre-vingt-dix jours à compter de son entrée en France. Mme A... soutient qu'elle a été victime d'un conflit familial avec ses sœurs peu après son arrivé en France puis qu'elle a subi des violences de la part de son compagnon, ce qui justifierait le fait qu'elle n'ait pas déposé sa demande d'asile dans le délai précité. Toutefois, elle ne produit aucun élément probant permettant d'établir ces circonstances. En outre, si Mme A... fait valoir qu'elle se trouve dans une situation de vulnérabilité, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales sur le territoire national. Enfin, les pièces médicales dont elle se prévaut ne démontrent pas qu'elle aurait besoin d'un suivi ou d'un traitement médical lourd pour soigner l'asthme dont elle souffre. Ainsi, elle n'établit pas que l'OFII, en édictant la décision en litige, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ou méconnu les dispositions précitées des articles L. 522-1 et L. 522-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 27 décembre 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes, après l'avoir admise provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Semino et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Derlange, président,

- Mme Picquet, première conseillère,

- M. Chabernaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2025.

Le rapporteur,

B. CHABERNAUDLe président,

S. DERLANGE

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 25NT00251


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 25NT00251
Date de la décision : 11/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DERLANGE
Rapporteur ?: M. Benjamin CHABERNAUD
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : SEMINO

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-11;25nt00251 ?
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