Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 novembre 2024, par laquelle la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil et d'enjoindre à l'OFII, à titre principal, de lui octroyer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil de manière rétroactive à compter de la date d'enregistrement de sa demande d'asile dans un délai de 7 jours à compter de la notification du jugement à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai.
Par un jugement n° 2417715 du 20 décembre 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2025, Mme B..., représentée par Me Desfrançois, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 décembre 2024 ;
2°) de faire droit à sa demande d'annulation présentée devant le tribunal ;
3°) d'enjoindre à l'OFII, à titre principal, de lui octroyer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil de manière rétroactive à compter de la date d'enregistrement de sa demande d'asile dans un délai de 7 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros hors taxes en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision contestée n'est pas suffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il revient à la partie adverse de démontrer que l'entretien de vulnérabilité a été conduit avant toute notification de décision de refus des conditions matérielles d'accueil et, si cet entretien a eu lieu, il conviendra de démontrer la qualité de l'agent ayant mené l'entretien et que cet entretien n'a pas revêtu la forme d'une procédure administrative, conformément à l'article L. 522-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le non-respect des délais prévus au 4° de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile était justifié ; elle présente une situation de vulnérabilité ;
- la décision contestée a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du principe de dignité humaine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2025, l'OFII, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- à titre principal, la requête est irrecevable, dès lors qu'elle se borne à reproduire intégralement et exclusivement l'exposé des faits et moyens figurant dans la demande de première instance ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés ;
- s'agissant des conclusions à fin d'injonction, Mme B... n'a plus le statut de demandeuse d'asile, dès lors que le statut de réfugié lui a été reconnu par la Cour nationale du droit d'asile le 19 février 2025, et elle ne peut donc plus prétendre au bénéfice des conditions matérielles d'accueil ;
- les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande de frais de la partie perdante et en outre, la somme demandée est manifestement excessive au regard de la difficulté du dossier.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 mars 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- et les observations de Me Desfrançois, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante tunisienne née le 2 février 1982, déclare être entrée régulièrement en France le 2 mars 2024 munie d'un visa de court séjour expirant le 14 août 2024 et a sollicité le 8 novembre 2024 la reconnaissance du statut de réfugié. Par une décision du même jour, la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cette décision. Par un jugement du 20 décembre 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Mme B... fait appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les conditions matérielles d'accueil sont refusées, totalement ou partiellement, au demandeur, dans le respect de l'article 20 de la directive 2013/33/ UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, dans les cas suivants : (...) 4° Il n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° de l'article L. 531-27. / La décision de refus des conditions matérielles d'accueil prise en application du présent article est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. ".
3. En premier lieu, la décision contestée du 8 novembre 2024, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des facteurs de vulnérabilité allégués par Mme B..., comporte l'énoncé des motifs de droit et des considérations de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de son insuffisante motivation doit donc être écarté. Au vu de cette motivation, le moyen tiré du défaut d'examen complet de la situation de l'intéressée doit également être écarté.
4. En deuxième lieu, si Mme B... soutient que l'OFII devra démontrer que l'agent qui a mené l'entretien avait bien reçu une formation spécifique à cette fin, elle n'apporte aucun commencement de preuve contraire, alors que le compte-rendu de cet entretien a été signé par un auditeur de l'OFII et que l'office soutient que, dès leur recrutement, les agents reçoivent une formation afférente à leurs missions. En outre, il ressort de sa fiche d'évaluation de vulnérabilité que Mme B... a pu faire part de sa situation dans des conditions satisfaisantes, l'hospitalisation de son frère étant, notamment mentionnée. La décision contestée mentionne qu'elle est intervenue après l'entretien de vulnérabilité, ce qui n'est pas précisément contesté. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière faute qu'un " entretien de vulnérabilité " de qualité ait été conduit par un agent formé de l'OFII avant la notification de la décision contestée, doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 22 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale : " 1. Aux fins de la mise en œuvre effective de l'article 21, les États membres évaluent si le demandeur est un demandeur qui a des besoins particuliers en matière d'accueil. (...) / 2. L'évaluation visée au paragraphe 1 ne doit pas revêtir la forme d'une procédure administrative. (...) ".
6. L'article R. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " L'appréciation de la vulnérabilité des demandeurs d'asile est effectuée par les agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en application des articles L. 522-1 à L. 522-4, à l'aide d'un questionnaire dont le contenu est fixé par arrêté des ministres chargés de l'asile et de la santé. ". L'article R. 522-2 du même code prévoit que : " Si, à l'occasion de l'appréciation de la vulnérabilité, le demandeur d'asile présente des documents à caractère médical, en vue de bénéficier de conditions matérielles d'accueil adaptées à sa situation, ils sont examinés par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui émet un avis. ". Ces dispositions n'ont pas pour effet d'instituer, aux fins d'évaluer la vulnérabilité des demandeurs d'asile, une procédure administrative au sens des dispositions précitées de la directive 2013/33/UE. Aucun élément du dossier ne permet de penser que les agents de l'OFII n'auraient pas respecté ces dispositions. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'il ne serait pas démontré que cet entretien n'a pas revêtu la forme d'une procédure administrative.
7. En quatrième lieu, si la requérante soutient qu'elle devait s'occuper de son frère, que son propre état de santé a nécessité des consultations médicales fréquentes et qu'elle ne savait pas qu'elle pouvait déposer une demande d'asile, ces circonstances, au vu des éléments produits au dossier, ne peuvent être regardées comme un motif légitime qui aurait été susceptible de l'empêcher de déposer sa demande dans le délai indiqué, soit quatre-vingt-dix jours à compter de son entrée en France. Dans ces conditions, Mme B... n'a pas justifié d'un motif légitime, au sens de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, expliquant la tardiveté de sa demande d'asile.
8. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
9. Si Mme B... soutient qu'elle est demandeuse d'asile et ne dispose d'aucune ressource, qu'elle souffre de problèmes de santé, notamment plusieurs fibromes, une anémie et une fragilité psychologique, ces éléments ne sont pas de nature à établir qu'elle était particulièrement vulnérable à la date de la décision contestée, alors qu'il ressort de son entretien de vulnérabilité qu'elle était hébergée, en ayant fait appel au numéro 115. Ainsi, le moyen tiré de ce que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe de dignité humaine doivent être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par l'OFII, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Desfrançois et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Derlange, président,
- Mme Picquet, première conseillère,
- M. Chabernaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2025.
La rapporteure,
P. PICQUET
Le président,
S. DERLANGE
Le greffier,
C. WOLF La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 25NT00167