Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2023 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'enjoindre au préfet de la Sarthe, de lui délivrer le titre de séjour sollicité, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande, sous la même astreinte, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
Par un jugement n° 2400595 du 1er octobre 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 novembre 2024, Mme B..., représentée par Me Murillo, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er octobre 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2023 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe, de lui délivrer le titre de séjour sollicité, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande, sous la même astreinte, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Murillo, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- sa situation personnelle justifie la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnait les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2025, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas opérant à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- les autres moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mai 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 15 septembre 1991, a épousé au Maroc, le 29 juillet 2021, un compatriote titulaire d'une carte de résident, qu'elle a rejoint en France le 12 mars 2022 au titre du regroupement familial. Elle a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 423-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile valable jusqu'en mars 2023, dont elle a demandé le renouvellement en janvier 2023. Sa demande a été rejetée par le préfet de la Sarthe le 19 avril 2023. Le 26 juin 2023, Mme B... a formé un recours gracieux contre cette décision en faisant valoir qu'elle avait été victime de violences conjugales. Ce recours a été rejeté par un arrêté du 11 décembre 2023 portant en outre obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque ce délai sera expiré. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 1er octobre 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Mme B... fait appel de ce jugement.
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 423-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui a été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial dans les conditions prévues au chapitre IV du titre III, entré en France régulièrement et dont le conjoint est titulaire d'une carte de séjour temporaire, d'une carte de séjour pluriannuelle ou d'une carte de résident, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. ". Aux termes de l'article L. 423-18 du même code : " Lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger admis au séjour au titre du regroupement familial et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. ".
3. Pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour malgré la rupture de la communauté de vie avec son époux, Mme B... se prévaut de violences conjugales ayant entraîné cette rupture. Toutefois il ressort des pièces du dossier que les éléments qu'elle produit, à savoir quelques attestations de proches, des documents médicaux de 2023 attestant d'un syndrome dépressif avec des idées suicidaires et retranscrivant les déclarations de l'intéressée et un document établissant son hébergement temporaire dans une structure d'accueil de l'association Solidarités femmes, ne permettent pas, à eux seuls, de tenir pour établi qu'elle aurait subi des violences perpétrées par son époux. Par ailleurs, la plainte déposée par l'intéressée le 28 octobre 2022 auprès des services de police pour violences conjugales a été classée sans suite par le procureur de la République le 10 février 2023. Enfin, la seule déclaration de perte de sa carte de séjour française, effectuée auprès de la police marocaine, n'établit pas le vol allégué de ses titres et documents d'identité par son époux rentré ensuite en France en 2022. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la situation personnelle de Mme B... justifie le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, il résulte des points 2 et 3 que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France récemment, le 12 mars 2022, et il est constant qu'elle est en instance de divorce avec son époux. Aucune des pièces produites n'établit des liens en France de l'intéressée d'une particulière intensité ni une insertion professionnelle pérenne, alors qu'il n'est pas contesté que plusieurs membres de sa famille résident dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 31 ans. Au vu de ces éléments, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
7. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
8. La seule circonstance alléguée par Mme B... qu'en cas de retour au Maroc elle se retrouverait isolée et déshonorée par sa famille, dont elle pourrait craindre la réaction ne suffit pas à caractériser l'existence d'un risque avéré auquel sa vie ou sa santé serait exposée. Par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
9. Il résulte des points 2 à 8 que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 11 décembre 2023 du préfet de la Sarthe. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Murillo et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Derlange, président,
- Mme Picquet, première conseillère,
- M. Chabernaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2025.
La rapporteure,
P. PICQUET
Le président,
S. DERLANGE
Le greffier,
C. WOLF La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT03225