Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2024 par lequel le préfet de la Sarthe lui a retiré la carte de séjour pluriannuelle dont il était titulaire, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2414915 du 16 octobre 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté du préfet de la Sarthe du 16 septembre 2024.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 novembre 2024, le préfet de la Sarthe demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 octobre 2024 de la magistrate désigné par le président du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande de M. B... dirigée contre son arrêté du 16 septembre 2024.
Il soutient que :
- c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 16 septembre 2024 en accueillant le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que M. B... représente une menace pour l'ordre public ;
- les moyens invoqués par M. B... sont infondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 juin 2025, M. B..., représenté par Me Wozniak, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par le préfet sont infondés.
Par un courrier du 15 mai 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par M. B... tendant à l'annulation de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Par une décision du 19 juin 2025, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Chabernaud a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 24 décembre 1989, a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2024 par lequel le préfet de la Sarthe lui a retiré la carte de séjour pluriannuelle dont il était titulaire, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par un jugement du 16 octobre 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté du préfet de la Sarthe du 16 septembre 2024. Ce dernier fait appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Selon les dispositions de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., ressortissant marocain né le 24 décembre 1989, est entré en France le 23 mars 2005 lorsqu'il était mineur, et a commis de nombreuses infractions pénales depuis lors, le bulletin n° 2 de son casier judiciaire faisant ainsi état de neuf antécédents. En effet, il a notamment commis des faits de vol avec destruction en novembre 2011 pour lesquels il a été condamné, le 29 février 2012, par le tribunal correctionnel du Mans, à une peine de six mois d'emprisonnement, et d'usage de stupéfiants, outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique et rébellion en 2012, ayant donnant lieu à une peine de deux mois d'emprisonnement prononcée par le tribunal correctionnel du Mans le 30 juillet 2013. En outre, il a commis, d'une part, des faits de port sans motif légitime d'arme blanche ou incapacitante de catégorie D et de vol avec récidive le 8 décembre 2017 et, d'autre part, des faits de vol et de vol en réunion les 18 février et 25 mars 2019, ayant donné lieu respectivement à une condamnation à quatre et huit mois d'emprisonnement prononcée par le tribunal correctionnel du Mans. Il a également été condamné par ce dernier, le 7 février 2024, à une peine de quatre mois d'emprisonnement pour des faits d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique, conduite d'un véhicule sans permis et sous l'empire d'un état alcoolique commis le 14 mai 2023. Certaines de ces infractions pénales ont été commises de façon réitérée, sont récentes et constituent des atteintes aux personnes. Elles présentent ainsi un caractère de gravité suffisamment caractérisée pour établir que l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public au sens des dispositions précitées de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, si M. B... vit en France depuis une longue période et que ses parents y résident régulièrement, il est célibataire et sans enfant et a nécessairement des attaches au Maroc, où il a vécu jusqu'à l'âge de 15 ans. Dans ces conditions, en retirant sa carte de séjour pluriannuelle, le préfet de la Sarthe n'a commis aucune erreur d'appréciation ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 16 octobre 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 16 septembre 2024 en se fondant sur ces moyens.
5. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif contre cet arrêté.
Sur les moyens soulevés par M. B... contre l'arrêté du préfet de la Sarthe du 16 septembre 2024 :
En ce qui concerne les décisions portant retrait de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, les décisions contestées portant retrait de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ces décisions manque en fait et doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 79 du code de procédure pénale : " Outre les cas prévus aux 1°, 2° et 4° de l'article 776, le bulletin n° 2 du casier judiciaire est délivré : 1° Aux administrations publiques de l'Etat chargées de la police des étrangers ; (...) ".
8. Contrairement à ce que soutient M. B..., il résulte de ces dispositions que le préfet de la Sarthe pouvait légalement accéder à son bulletin n° 2 du casier judiciaire et se fonder sur celui-ci pour prendre les décisions contestées.
9. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date des décisions contestées du 16 septembre 2024, M. B... disposait d'un contrat de travail ou d'une promesse d'embauche. Dans ces conditions, le préfet de la Sarthe a pu opposer à l'intéressé une telle circonstance sans commettre d'erreur de fait. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.
10. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".
11. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que M. B... représente une menace pour l'ordre public. Par ailleurs, il n'est pas établi que l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français sans délai dont il fait l'objet serait impossible en raison de sa situation familiale et du fait qu'il doit exécuter, sous bracelet électronique, la peine d'emprisonnement à laquelle il a été condamné. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
12. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de la motivation de la décision contestée portant fixation du pays de destination, que le préfet de la Sarthe a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B.... Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance d'un tel examen doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retourner en France pendant trois ans :
14. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que les décisions portant retrait de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne sont pas annulées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée portant interdiction de retour sur le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence doit être écarté.
15. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".
16. Compte tenu de la situation personnelle et familiale de M. B... et de la menace à l'ordre public qu'il représente, telles que décrites au point 3, le préfet de la Sarthe, qui a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé, n'a pas commis d'erreur d'appréciation en édictant l'interdiction de retour en France pour une durée de trois ans en litige. Par suite, le moyen tiré d'une telle erreur d'appréciation doit être écarté.
En ce qui concerne le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen :
17. Aux termes de l'article L. 613-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour sur le territoire français est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (UE) n° 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant la convention d'application de l'accord de Schengen et modifiant et abrogeant le règlement (CE) n° 1987/2006. / Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. ". Aux termes de l'article R. 613-7 du même code : " Les modalités de suppression du signalement d'un étranger effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour sont celles qui s'appliquent, en vertu de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées, aux cas d'extinction du motif d'inscription dans ce traitement ".
18. Lorsqu'elle prend à l'égard d'un étranger une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français, l'autorité administrative se borne à informer l'intéressé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Une telle information ne constitue pas une décision distincte de la mesure d'interdiction de retour et n'est, dès lors, pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation du signalement de M. B... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. B... devant le tribunal administratif de Nantes doit être rejetée. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 16 octobre 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Wozniak et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Derlange, président,
- Mme Picquet, première conseillère,
- M. Chabernaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2025.
Le rapporteur,
B. CHABERNAUDLe président,
S. DERLANGE
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT03214