Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... et Mme A... B... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les deux arrêtés du 26 juin 2024 par lesquels le préfet du Calvados a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination des mesures d'éloignement.
Par un jugement nos 2401893,2401896 du 4 octobre 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 octobre 2024, 12 et 17 juin 2025, sous le numéro 24NT03043, M. D..., représenté par Me Lerévérend, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 octobre 2024 du tribunal administratif de Caen ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 juin 2024 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer, à titre principal, un certificat de résidence algérien valable dix ans, et à titre subsidiaire un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant cet examen, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
sur l'arrêté contesté :
- il est entaché d'incompétence ;
sur la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'une erreur de fait, d'un défaut d'examen complet de sa situation, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation en méconnaissance du b) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; il est illégal de refuser de délivrer un tel titre après avoir délivré un visa de long séjour au vu des mêmes justificatifs ;
- elle est entachée d'une erreur de fait, d'un défaut d'examen complet de sa situation, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation en méconnaissance du a) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle est entachée d'une erreur de fait, d'un défaut d'examen complet de sa situation, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation en méconnaissance des stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de celles l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen complet et d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 décembre 2024, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant sont infondés.
II. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 octobre 2024, 12 et 17 juin 2025, sous le numéro 24NT03047, Mme B... épouse D..., représentée par Me Lerévérend, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 octobre 2024 du tribunal administratif de Caen ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 juin 2024 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer, à titre principal, un certificat de résidence algérien valable dix ans, à titre subsidiaire, un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant cet examen dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
sur l'arrêté litigieux :
- il est entaché d'incompétence ;
sur la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'une erreur de fait, d'un défaut d'examen complet de sa situation, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation en méconnaissance du b) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; il est illégal de refuser de délivrer un tel titre après avoir délivré un visa de long séjour au vu des mêmes justificatifs ;
- elle est entachée d'une erreur de fait, d'un défaut d'examen complet de sa situation, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation en méconnaissance des stipulations du a) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle est entachée d'une erreur de fait, d'un défaut d'examen complet de sa situation, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation en méconnaissance des stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de celles de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen complet et d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 décembre 2024, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante sont infondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chabernaud ;
- et les observations de Me Desfrançois, substituant Me Lerévérend, pour M. et Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes nos 24NT03043 et 24NT03047, présentées par M. et Mme D..., sont relatives à un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Dès lors, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. M. et Mme D..., ressortissants algériens nés respectivement les 1er juillet 1954 et 1er octobre 1963, ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les deux arrêtés du 26 juin 2024 par lesquels le préfet du Calvados a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 4 octobre 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes. M. et Mme D... font appel de ce jugement.
Sur le moyen commun aux arrêtés contestés :
3. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 3 du jugement attaqué, d'écarter le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente, que M. et Mme D... reprennent en appel sans apporter d'éléments nouveaux.
Sur les moyens dirigés contre les décisions portant refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la motivation des décisions contestées portant refus de titre de séjour, que le préfet du Calvados a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. et Mme D.... Par suite, le moyen tiré de l'absence d'un tel examen doit être écarté.
5. En deuxième lieu, en vertu du b) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, le certificat de résidence d'une durée de validité de dix ans est délivré de plein droit aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge. L'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à la délivrance d'un certificat de résidence au bénéfice d'un ressortissant algérien qui fait état de sa qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français, peut légalement fonder sa décision de refus sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son descendant, dès lors qu'il dispose de ressources propres, que son descendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins, ou qu'il ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.
6. Il ressort des pièces du dossier que si Mme D... ne dispose pas de ressources propres, son époux perçoit une pension de retraite mensuelle de 65 643 dinars algériens, soit un montant supérieur à trois fois le salaire minimum garanti algérien fixé en avril 2021 à 20 000 dinars. Les intéressés soutiennent que les charges mensuelles qu'ils doivent acquitter en Algérie sont, au minimum, deux fois plus élevées que leurs ressources et qu'ils assument ponctuellement des frais médicaux qui sont coûteux. Cependant, ils n'en justifient pas par les pièces qu'ils produisent. Dans ces conditions, M. et Mme D..., doivent être regardés comme disposant de ressources propres suffisantes pour subvenir à leurs besoins en Algérie. En conséquence, ils ne peuvent être considérés comme étant à la charge de leur fils de nationalité française, et ce alors même que ce dernier leur verse régulièrement une aide financière. Par suite, le préfet du Calvados n'a pas commis d'erreur de fait ou méconnu les stipulations du b) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 en leur refusant la délivrance des titres de séjour litigieux, en dépit du fait qu'ils ont obtenu des visas de long séjour en qualité d'ascendants à charge.
7. En troisième lieu, M. et Mme D... ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance des stipulations du a) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dès lors qu'ils n'ont pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement et que le préfet n'a pas fait application de ces stipulations aux termes des décisions contestées.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus / (...) ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. M. et Mme D... ont quatre enfants qui résident sur le territoire national, dont l'un est ressortissant français. Leurs petits-enfants y résident également. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les intéressés sont entrés en France le 7 juillet 2023 et ont donc vécu jusqu'à l'âge respectif de 69 ans et 59 ans en Algérie, où ils n'établissent pas être isolés et dépourvus d'attaches personnelles. En outre, il n'est pas établi qu'ils ne pourraient pas bénéficier d'une prise en charge médicale dans ce pays. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, les décisions contestées de refus de titre de séjour ne sont pas entachées d'erreur de fait et ne méconnaissent ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
10. En dernier lieu, au regard de tous les éléments précités, les décisions contestées ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation personnelle de M. et Mme D....
Sur les moyens dirigés contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, les décisions contestées portant refus de titre de séjour n'étant pas annulées, M. et Mme D... ne sont pas fondés à demander l'annulation, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français.
12. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la motivation des décisions contestées portant obligation de quitter le territoire français, que le préfet du Calvados a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. et Mme D.... Par suite, le moyen tiré de l'absence d'un tel examen doit être écarté.
13. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 9 et 10, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que les décisions contestées seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de M. et Mme D... doivent être écartés.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes nos 24NT03043 et 24NT03047 de M. et Mme D... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Mme A... B... épouse D... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Derlange, président,
- Mme Picquet, première conseillère,
- M. Chabernaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2025.
Le rapporteur,
B. CHABERNAUDLe président,
S. DERLANGE
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 24NT03043,24NT03047