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08/07/2025 | FRANCE | N°24NT01690

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 08 juillet 2025, 24NT01690


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... E... C... et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté son recours formé contre le refus, opposé par l'autorité consulaire française à Bamako (Mali), de délivrer à Mme D... E... C... un visa de long séjour au titre de la procédure de regroupement familial, ensuite, d'enjoindre au ministre de

l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité dans un délai de quarante-hui...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... C... et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté son recours formé contre le refus, opposé par l'autorité consulaire française à Bamako (Mali), de délivrer à Mme D... E... C... un visa de long séjour au titre de la procédure de regroupement familial, ensuite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité dans un délai de quarante-huit heures à compter de la décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire de réexaminer la demande de visa dans un délai de soixante-douze heures à compter de la décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à leur conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2307938 du 26 avril 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à Mme D... C... le visa sollicité.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2024, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 avril 2024 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... E... C... et M. B... C..., devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient :

- l'identité de Mme C... et son lien avec M. C... ne peuvent être établis ; Mme C... a présenté deux actes de naissance présentant des numérotations différentes et émis par des centres d'état civil eux aussi différents ; qu'un jugement de cour d'appel de Kayes qui n'était pourtant pas territorialement compétente a été présenté opportunément, venant annuler un de ces deux actes ; Mme C... a présenté un certificat d'inscription au NINA malien établi selon un autre acte de naissance établi lui aussi par le centre d'état civil de Bamako ; elle dispose donc de 3 actes d'état civil coexistant dont l'un n'a pas été présenté ; sur une copie littérale de l'acte de mariage présenté aux autorités consulaires figure une date de naissance différente de M. C... ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2024, Mme D... E... C... et M. B... C..., représentés par Me Rodrigues, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que les moyens soulevés par le ministre requérant ne sont pas fondés.

Vu

- les pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant ivoirien né en 1992 à Divo (Côte d'Ivoire) entré sur le territoire français au mois de novembre 2010 et titulaire d'une carte pluriannuelle mention salarié, et désormais d'une carte de résident, a obtenu le 18 mars 2022 une autorisation de regroupement familial délivrée par le préfet du Rhône au profit de Mme D... C..., ressortissante malienne présentée comme son épouse. M. C... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours, réceptionné le

27 février 2023, contre la décision de l'autorité consulaire française à Bamako (Mali) refusant de délivrer à Mme D... E... C... un visa de long séjour au titre de la procédure de regroupement familial.

2. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 26 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En application des dispositions de l'article D. 312-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables aux décisions de refus de visas postérieures au

1er janvier 2023, si le recours administratif préalable obligatoire formé contre une décision de refus de visa fait l'objet d'une décision implicite de rejet, cette décision, qui se substitue à la décision initiale, doit être regardée comme s'étant appropriée les motifs de la décision initiale. Ainsi, la décision implicite contestée de la commission de recours doit être regardée comme s'étant appropriée le motif opposé par l'autorité consulaire française à Bamako le 3 février 2023, à savoir que " le ou les documents d'état civil présentés en vue d'établir l'état civil de la demanderesse comportent des éléments permettant de conclure qu'ils ne sont pas authentiques ".

4. Aux termes de l'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial : / 1° Par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans ; / 2° Et par les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ".

5. Lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs l'absence de lien conjugal ou de lien de filiation entre le demandeur de visa et le membre de famille que celui-ci entend rejoindre.

6. L'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil qui dispose : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

7. D'une part, s'il est exact et ressort des pièces du dossier, comme le souligne le ministre, que Mme C... a présenté deux actes de naissance qui mentionnent deux numérotations distinctes et ont été émis par des centres d'état civil différents, l'un portant le numéro 1248 établi sur déclaration le 27 août 1998, l'autre portant le numéro 453, établi le 10 septembre 1998, les demandeurs ont cependant versé aux débats un jugement du 9 mars 2023 du tribunal de grande instance de Kaye (Mali), localité où est née D... C... et qui est le siège de la juridiction saisie pour se prononcer sur la validité des actes en cause. Ce jugement qui constate la coexistence de ces deux actes, après avoir énoncé que " les énonciations que comportait l'acte de naissance

n° 453 étaient exactes " a considéré que cet acte, entaché de nullité, avait été " irrégulièrement dressé ", ce qui " redonnait pleine force probante à l'acte n°1248 ". Il ressort de l'acte de naissance n°1248 que Mme C... D... est née le 20 août 1998 à Kayes (Mali), où la naissance a été déclarée le 27 août suivant, de l'union de M. E... C... et Mme A... C.... Ces informations sont identiques à celles figurant sur son passeport et sur la fiche NINA et son récépissé. La seule circonstance qu'un second prénom - E... - qui correspond à celui de son père figure, à titre de " prénom d'usage ", après celui de D... sur ce passeport demeure sans incidence sur la validité de l'acte de naissance n°148. L'appelant n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'il serait impossible d'établir l'identité de Mme C....

8. D'autre part, les demandeurs de visa, qui ont soutenu s'être, dans un premier temps, mariés religieusement alors qu'ils s'étaient rencontrés à plusieurs reprises lors des cinq séjours de B... C... au Mali, dont la réalité est établie par les pièces versées au dossier, ont produit un extrait d'acte du mariage civil, une copie littérale d'acte de mariage et le volet n° 3 de cet acte. Il ressort des éléments convergents qui y sont portés que le mariage entre M. B... C... et D... C... a été célébré le 29 janvier 2020 dans la commune IV à Sebenikoro du District de Bamako. Si une copie intégrale d'acte de mariage délivrée le 20 décembre 2022 indique que " M. C... est né le 18/12/1982 " alors que tous les autres documents produits indiquent qu'il est " né le 18/12/1992 ", il s'agit là d'une erreur matérielle comme le confirme le maire de la commune IV du District de Bamako dans une attestation d'authentification en date du 27 juin 2024. Par suite, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir, dès lors que les éléments permettant de conclure au caractère irrégulier ou falsifié de ces actes ne ressortent pas des pièces du dossier, que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'en retenant le caractère inauthentique des documents d'état civil de la demanderesse de visa, la commission a entaché sa décision d'erreur d'appréciation.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme et M. C... de la somme de

1 500 euros au titre des frais qu'ils ont exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme et M. C... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. B... C... et à Mme D... C....

Délibéré après l'audience du 20 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de la formation de jugement,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2025.

Le rapporteur,

O. COIFFET Le président,

O. GASPON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24NT01690002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01690
Date de la décision : 08/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme BAILLEUL
Avocat(s) : RODRIGUES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-08;24nt01690 ?
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