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01/07/2025 | FRANCE | N°24NT03511

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 01 juillet 2025, 24NT03511


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du

12 janvier 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2315753 du 11 juillet 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
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Par une requête enregistrée le 13 décembre 2024 et un mémoire...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du

12 janvier 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2315753 du 11 juillet 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 décembre 2024 et un mémoire enregistré le 25 avril 2025, M. A..., représenté par Me Picarda, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 juillet 2024 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler cet arrêté du 12 janvier 2023 du préfet de la Loire-Atlantique ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ; elle méconnaît les dispositions des articles L. 425-9, L. 421-1 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît son droit d'être entendu tel que garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; elle méconnaît les dispositions des articles L. 611-3, R. 611-1, R. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2025, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

21 novembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Quillévéré ;

- et les observations de Me Picarda, représentant M. B... A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 1er janvier 1984 à Guiberoua (Côte d'Ivoire), est entré sur le territoire français le 9 novembre 2018 sous couvert d'un visa court séjour. L'intéressé a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour du 14 avril 2020 au 24 septembre 2020, laquelle a été renouvelée du 30 octobre 2020 jusqu'au 29 avril 2021. M. A... a ensuite bénéficié d'une carte temporaire de séjour en qualité d'étranger malade valable jusqu'au 13 juillet 2021.

Il a sollicité du préfet de la Loire-Atlantique la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 425-9, L. 421-1 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sa demande a été rejetée par un arrêté du 12 août 2022 portant en outre obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré. Cet arrêté a été retiré par une décision du

17 novembre 2022. Par un nouvel arrêté du 12 janvier 2023, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel il pourra être reconduit d'office. Il relève appel du jugement du 11 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

3. Aux termes de l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application de l'article

L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier.

Il en informe le demandeur. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 de ce code : " (...) Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article (...) ".

Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application des dispositions précitées : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / (...) ".

4. En premier lieu, M. A... persiste à soutenir en appel que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière. Toutefois, la circonstance que l'avis en cause ne comporte pas la mention d'" éléments de procédure " qui n'ont pas été effectués est sans incidence sur la régularité de cet avis, ni sur la légalité de l'arrêté contesté, aucune des dispositions applicables ne faisant obligation au collège de mentionner dans son avis des convocations, demandes ou examens complémentaires qu'il n'a, au demeurant, pas effectués. Par ailleurs, il résulte des termes de l'article R. 425-12 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il appartient à M. A... de faire remplir le certificat médical prévu par cet article par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier, lequel est ultérieurement transmis aux services de l'OFII en vue d'établir le rapport médical prévu par l'article R. 425-11 du même code. Ainsi, alors qu'il s'est abstenu de produire à l'instance ce certificat médical dont il a nécessairement eu connaissance, M. A... ne peut utilement soutenir que le rapport médical n'aurait pas été établi à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier. Le vice de procédure allégué ne peut, dès lors, qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, s'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il lui appartient, à lui seul, de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment, l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, dont il peut demander la communication s'il estime utile cette mesure d'instruction au regard des éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

6. Pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité par M. A... en raison de son état de santé, le préfet de la Loire-Atlantique s'est notamment fondé sur l'avis du collège des médecins de l'OFII du 30 décembre 2021, lequel conclut que, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il a aussi précisé qu'il pouvait voyager sans risque à destination de son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'une insuffisance respiratoire chronique consécutive à une contamination à la tuberculose. Il ne vit qu'avec un seul poumon fonctionnel et ses problèmes respiratoires ne peuvent s'améliorer à moyen terme.

7. D'une part, pour contester le refus de titre de séjour qui lui est opposé, M. A... fait valoir des éléments qu'il regarde comme nouveaux, postérieurs à l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII et notamment la circonstance qu'il doit suivre une kinésithérapie respiratoire pendant un an, que son état de santé nécessite désormais des cures d'Augmentin, traitement qui n'est pas disponible en Côte d'Ivoire et qu'une demande d'avis auprès d'un cardiologue relatif à une possible hypertension artérielle pulmonaire. Toutefois, il n'est pas contesté que la mise en place d'une kinésie respiratoire à partir du 13 mars 2024 a été prescrite plusieurs mois avant le prononcé du jugement de première instance et n'a pas le caractère d'un élément nouveau de nature à modifier les éléments de faits retenus par les premiers juges. En outre, les éléments médicaux, révélés par des examens réalisés au cours de l'année 2024, postérieurs à la date à laquelle le collège des médecins de l'OFII a rendu son avis le 30 décembre 2021, et à celle de la décision litigieuse du 12 janvier 2023, ne témoignent pas d'une aggravation de l'état de santé de l'intéressé telle qu'il ait été nécessaire pour le préfet de saisir à nouveau l'OFII.

8. D'autre part, il n'est pas contesté que M. A... souffre d'une insuffisance respiratoire chronique qui est susceptible d'entraîner de graves complications en cas de défaillance dans son suivi. Les pièces médicales produites par M. A... font état de la nécessité d'un suivi médical qui ne requiert qu'une seule consultation annuelle en service de pneumologie, ainsi qu'une éventuelle prise en charge en urgence en cas de surinfection. Il est prescrit à l'intéressé, en cas de besoin, de recourir à de la Ventoline. Toutefois, aucune de ces pièces médicales ne permettent d'établir que M. A... sera dans l'impossibilité de suivre ce protocole sanitaire en Côte d'Ivoire. Si l'intéressé indique que la Ventoline sous forme de sirop n'est plus commercialisée en Côte d'Ivoire depuis 2022, il ressort de la liste des médicaments produite par le préfet en défense que la molécule de la Ventoline, le salbutus, demeure accessible dans ce pays et remboursée par la couverture médicale universelle (CMU). Pour sa part, le préfet de la Loire-Atlantique fournit également une liste des infrastructures spécialisées en pneumologie en Côte d'Ivoire, au nombre de sept à Abidjan. Alors que sa pathologie ne nécessite qu'une consultation annuelle, M. A... ne fait état d'aucun obstacle à ce qu'il se rende à Abidjan une fois par an pour cette consultation. Enfin, M. A... n'établit, ni même allègue, être dépourvu de toute ressource pour faire face à ses besoins de santé en Côte d'Ivoire.

9. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de solliciter de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la production de l'entier dossier médical au vu duquel le collège des médecins s'est prononcé, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la

Loire-Atlantique, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, a méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à la carte de séjour en qualité de " salarié " : " (...). La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. (...) ". Aux termes de l'article L. 435-1 de ce code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article

L. 412-1 ".

11. D'une part, la circonstance que M. A... a été autorisé à travailler sous couvert de la carte de séjour qui lui avait été délivrée en qualité d'étranger malade ne l'exonérait pas, pour pouvoir prétendre à un changement de statut en qualité de " salarié ", du respect de la condition liée à la détention préalable d'une autorisation de travail prévue par les dispositions précitées de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, alors qu'il n'établit pas avoir été en possession d'une autorisation de travail à la date de l'arrêté contesté, ni même que son employeur aurait sollicité une telle autorisation, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Loire-Atlantique a fait une inexacte application des dispositions précité en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité de " salarié ".

12. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. A... justifie avoir d'abord effectué plusieurs missions intérimaires pour la société Startpeople entre le 23 mai 2020 et le 4 mai 2021, notamment comme déménageur ou préparateur de commande, puis avoir été recruté en tant qu'agent hôtelier pour l'Association Intercommunale de Maisons de Retraite du 14 avril 2021 au 16 avril 2021. L'intéressé a été employé en contrat à durée indéterminée à temps partiel par la société Azur du 6 mai 2021 au 14 septembre 2022 comme agent de service, date à laquelle il a été mis fin à son contrat en raison de l'expiration de son titre de séjour. M. A... justifie également avoir travaillé sous couvert d'un contrat à durée déterminée à temps partiel comme agent d'entretien pour la société Lisaa Nantes du 24 janvier 2022 au 5 février 2022. Le requérant a finalement conclu le 2 septembre 2022 un contrat à durée indéterminée, également à temps partiel, pour la résidence La Bourgonnière, en qualité d'agent de service hospitalier. Il a occupé ce dernier emploi jusqu'au 14 septembre 2022. La circonstance que l'intéressé ait pour projet d'ouvrir d'un restaurant africain est postérieure à la décision litigieuse et donc sans influence sur sa légalité. Toutefois, aussi louables que soient les efforts entrepris par M. A... pour s'insérer professionnellement, les emplois occupés par l'intéressé, au demeurant de façon discontinue et pour la plupart à temps partiel, qui n'exigent aucune qualification ni aucune formation particulière, sont insuffisants pour regarder M. A... comme justifiant d'une insertion professionnelle particulièrement significative ou remarquable en France. Dans ces conditions, M. A... ne peut être regardé comme faisant état d'un motif exceptionnel de nature à justifier une régularisation par le travail sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité de " salarié " sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Loire-Atlantique aurait méconnu ces dispositions, ne peut qu'être écarté.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...). ".

14. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré sur le territoire français le

9 novembre 2018, soit une durée de présence en France de quatre années. Toutefois, il a été admis à séjourner sur le territoire français exclusivement pour des raisons de santé, par la délivrance d'une carte temporaire de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, statut qui ne lui donne pas vocation à s'installer durablement sur le territoire français. M. A... n'établit pas qu'il sera dans l'impossibilité de bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie respiratoire en cas de retour en Côte d'Ivoire et il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans ce pays où résident encore, selon ses déclarations, son frère et sa sœur et où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-quatre ans. Si l'intéressé soutient avoir noué des liens particulièrement intenses avec une jeune enfant de nationalité française dont il déclare qu'elle serait orpheline et que les liens ainsi noués seraient de nature quasi paternels, ce dernier n'est pas son père biologique et la réalité et l'intensité de cette relation n'est pas suffisamment établie par les seuls échanges par sms produits. Enfin, M. A... ne justifie, ni par les emplois qu'il a occupés, ni par les liens amicaux qu'il allègue avoir noué en France, d'une intégration particulière sur le territoire français, en dépit de ses efforts dans l'apprentissage dans la langue française et ses engagements associatifs. Dans ces conditions, M. A... ne peut être regardé comme ayant noué avec la France des liens particulièrement intenses et stables et, dès lors, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A....

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

15. Lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet doit appliquer les principes généraux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation pour l'administration d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de demander un entretien pour faire valoir ses observations orales. Lorsqu'il demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, y compris au titre de l'asile, l'étranger, du fait même de l'accomplissement de cette démarche qui vise à ce qu'il soit autorisé à se maintenir en France et ne puisse donc pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement forcé, ne saurait ignorer qu'en cas de refus il sera en revanche susceptible de faire l'objet d'une telle décision. En principe, il se trouve ainsi en mesure de présenter à l'administration, à tout moment de la procédure, des observations et éléments de nature à faire obstacle à l'édiction d'une mesure d'éloignement. Enfin, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir.

16. Il est constant que M. A... a présenté des observations écrites à l'occasion de sa demande de titre de séjour. S'il soutient que, postérieurement à la décision de retrait du

17 novembre 2022 du premier arrêté du 12 août 2022 portant refus de titre de séjour, il n'a pas été invité à formuler des nouvelles observations, l'intéressé ne peut sérieusement soutenir que le réexamen de sa demande de titre de séjour était insusceptible d'aboutir à une mesure d'éloignement en cas de refus. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., qui ne justifie ni même allègue avoir vainement demandé un entretien lors du réexamen de sa demande de titre de séjour pour faire valoir des observations orales, aurait pu présenter à l'administration des éléments susceptibles d'influer effectivement sur le sens de la décision en litige. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté.

17. Le moyen tiré de ce que le préfet de la Loire-Atlantique aurait méconnu les dispositions des articles R. 611-1 et R. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 4 du présent arrêt.

18. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux évoqués aux point 7 et 8 du présent arrêt.

19. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 14 du présent arrêt, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... en l'obligeant à quitter le territoire français et n'a pas, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juillet 2025.

Le président-rapporteur,

G. QUILLÉVÉRÉL'assesseur le plus ancien,

A. PENHOAT

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

N° 24NT0351102

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT03511
Date de la décision : 01/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. le Pdt. Guy QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : PICARDA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-01;24nt03511 ?
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