Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 21 septembre 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours contre la décision du préfet du Val-de-Marne du 31 octobre 2019 rejetant sa demande de réintégration dans la nationalité française.
Par un jugement n° 2013161 du 12 avril 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 juin 2024, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 avril 2024 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que la décision contestée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; le loyalisme de M. B... envers la France n'est pas garanti dès lors qu'il a été en relation avec les services de renseignements algériens.
La requête enregistrée dans la présente instance a été communiquée à M. C... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 21 septembre 1958, a sollicité sa réintégration dans la nationalité française. Sa demande a été rejetée par une décision du 31 octobre 2019 du préfet du Val-de-Marne. Saisi du recours préalable obligatoire prescrit par le décret du 30 décembre 1993, le ministre de l'intérieur a confirmé le rejet de la demande de M. B... par une décision du 21 septembre 2020. M. B... a alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 12 avril 2024 de ce tribunal annulant sa décision du 21 septembre 2020.
2. Pour rejeter la demande de réintégration dans la nationalité française de M. B..., le ministre de l'intérieur, dans sa décision du 21 septembre 2020, lui a opposé le fait qu'il est défavorablement connu des services spécialisés de sécurité en raison de ses relations avérées avec les services de renseignements algériens, de sorte que son loyalisme envers la France n'était pas garanti.
3. Aux termes de l'article 24-1 du code civil : " La réintégration par décret peut être obtenue à tout âge et sans condition de stage. Elle est soumise, pour le surplus, aux conditions et aux règles de la naturalisation ". Aux termes du troisième alinéa de l'article 48 du décret susvisé du 30 décembre 1993 : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande. ".
4. En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements de tous ordres recueillis sur le loyalisme du postulant. La seule circonstance qu'un postulant à la nationalité française ait conservé des liens, même importants, avec son pays d'origine, ne permet pas, en elle-même, d'en déduire un défaut de loyalisme propre à justifier, sans erreur manifeste d'appréciation, le rejet d'une demande de naturalisation. Un tel défaut de loyalisme, pouvant justifier un tel rejet sans une telle erreur, peut en revanche résulter de la nature des liens conservés avec le pays d'origine.
5. Comme il a été dit au point 2, le refus opposé à M. B... est fondé sur les liens forts qu'il conserve avec l'Algérie, son pays d'origine, compte tenu notamment des relations qu'il entretient avec les services de renseignements de ce pays. Si M. B... conteste entretenir de telles relations, il ressort des pièces du dossier, notamment de la note blanche du 4 juin 2024, produite pour la première fois en appel, dont la teneur n'est pas contestée, que M. B... a été en relation avec plusieurs diplomates et officiers des services de renseignements algériens, notamment par des contacts réguliers, entre 2016 et 2019, antérieurs à la décision contestée, avec un officier des services de renseignements algériens affecté en France. De telles circonstances sont de nature à révéler de forts liens d'allégeance de M. B... à l'égard de l'Algérie. Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur, qui détient un large pouvoir pour apprécier l'opportunité d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite, a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, rejeter sa demande de naturalisation après avoir estimé que le lien particulier unissant l'intéressé à un pays étranger n'était pas compatible avec l'allégeance française.
6. Par suite, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé, pour annuler la décision contestée, sur ce qu'il aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. Devant le tribunal administratif de Nantes et la cour, M. B... ne soulève pas, contre la décision contestée, d'autre moyen qu'il appartiendrait à la cour d'examiner dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. B..., sa décision du 21 septembre 2020 portant rejet de sa demande de réintégration dans la nationalité française.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2013161 du 12 avril 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2025.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président,
S. DEGOMMIERLa présidente,
C. BUFFET
La greffière,
S. PIERODÉ
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01718