Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 13 janvier 2023 de l'autorité consulaire française à Bujumbura (Burundi) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'étudiant.
Par un jugement n° 2305118 du 13 février 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 avril 2024, M. A... C..., représenté par Me Largy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé ou de réexaminer la demande, dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à la cohérence de ses études et de son projet professionnel ;
- il justifie de ressources suffisantes pour subvenir à ses besoins pendant la durée de ses études en France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il se réfère à ses écritures de première instance, dont il produit une copie, et soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement n° 2305118 du 13 février 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'étudiant. M. C... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il ressort de l'accusé de réception du recours administratif préalable obligatoire formé par M. C... devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, que la décision implicite de cette commission est réputée rejetée pour les mêmes motifs que ceux de la décision consulaire. Il ressort des termes de la décision consulaire que l'autorité consulaire française au Burundi a refusé de délivrer le visa de long séjour demandé en qualité d'étudiant au motif qu'il existe des éléments suffisamment probants et des motifs sérieux permettant d'établir qu'il séjournera en France à d'autres fins que les études.
3. Selon l'article 5 de la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair, l'admission d'un ressortissant d'un pays tiers à des fins d'études est soumise à des conditions générales, fixées par l'article 7, comme l'existence de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de subsistance durant son séjour ainsi que ses frais de retour et à des conditions particulières, fixées par l'article 11, telles que l'admission dans un établissement d'enseignement supérieur ainsi que le paiement des droits d'inscription. L'article 3 de la même directive précise que l'étudiant au sens de la directive est admis sur le territoire d'un Etat membre pour suivre, à titre d'activité principale, un cycle d'études à plein temps menant à l'obtention d'un titre d'enseignement supérieur reconnu par cet Etat membre. L'article 20 de la même directive, qui définit précisément les motifs de rejet d'une demande d'admission, prévoit qu'un Etat membre rejette une demande d'admission si ces conditions ne sont pas remplies ou encore, peut rejeter la demande, selon le f) du 2, " s'il possède des preuves ou des motifs sérieux et objectifs pour établir que l'auteur de la demande souhaite séjourner sur son territoire à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande son admission ".
4. S'il est possible, pour le ressortissant d'un pays tiers, d'être admis en France et d'y séjourner pour y effectuer des études sur le fondement d'un visa de long séjour dans les mêmes conditions que le titulaire d'une carte de séjour, ainsi que le prévoient les articles L. 312-2 et L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er mai 2021, les dispositions relatives aux conditions de délivrance d'une carte de séjour portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an, telles que précisées par les articles L. 422-1 et suivants du même code et les dispositions règlementaires prises pour leur application, ne sont pas pour autant applicables aux demandes présentées pour l'octroi d'un tel visa.
5. En l'absence de dispositions spécifiques figurant dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une telle demande est notamment soumise aux instructions générales établies par le ministre chargé de l'immigration prévues par le décret du 13 novembre 2008 relatif aux attributions des chefs de mission diplomatique et des chefs de poste consulaire en matière de visas, en particulier son article 3, pris sur le fondement de l'article L. 311-1 de ce code. L'instruction applicable est, s'agissant des demandes de visas de long séjour en qualité d'étudiant mentionnés à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'instruction ministérielle du 4 juillet 2019 relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive (UE) 2016/801, laquelle participe de la transposition de cette même directive.
6. L'autorité administrative peut, le cas échéant, et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir restreint à l'erreur manifeste, rejeter la demande de visa de long séjour pour effectuer des études en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que l'intéressé sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études.
7. M. C..., ressortissant burundais né en 1993, a sollicité un visa de long séjour en qualité d'étudiant afin de suivre une première année de master " business project management " à l'EDC Paris Business School. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a obtenu son diplôme des humanités générales, équivalent au baccalauréat, en 2012 puis a suivi dès 2013 une licence en informatique, option génie logiciel. Il a obtenu son diplôme en 2017, à la suite d'une interruption de plusieurs mois entre avril 2015 et fin 2016, en raison d'une crise politique ayant imposé la fermeture des universités. Il ressort également des pièces du dossier que M. C... est employé en tant que développeur informatique depuis juin 2015 par une entreprise de médias et communications et a suivi des formations en programmation web et mobile parallèlement à ses cours de licence. Le requérant entend poursuivre ses études par un master en " business project management ", dans le but de créer sa propre agence web et en devenir le chef de projet. Il ressort des pièces du dossier, notamment du programme de la formation choisie et d'une lettre de recommandation rédigée par le directeur de l'établissement EDC Paris Business School, que le parcours universitaire de M. C... ainsi que son projet professionnel présentent un caractère sérieux et cohérent. De plus, les formations proposées en distanciel ne sont pas équivalentes à celle qu'entend suivre M. C... à Paris. Dans ces conditions, la commission de recours a entaché d'erreur manifeste d'appréciation son refus de délivrer le visa sollicité pour ce motif.
8. Toutefois, pour établir que la décision contestée était légale, le ministre a fait valoir devant le tribunal administratif un nouveau motif fondé sur l'insuffisance des ressources du demandeur de visa. Et l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est acquitté, auprès de l'établissement universitaire, d'une somme de près de 3 000 euros, correspondant à environ un quart du coût total de l'année d'études. De plus, Mme B..., une cousine du demandeur de visa, ressortissante française travaillant en qualité de médecin dans un centre hospitalier, perçoit un revenu annuel de plus de 90 000 euros et son époux perçoit quant à lui un revenu annuel de 40 000 euros. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est engagée à héberger M. C... pendant la durée de ses études en France, à prendre en charge ses frais de scolarité et à lui verser chaque mois une somme de 620 euros. Compte tenu de la situation professionnelle et financière de la cousine de M. C..., l'administration n'est pas fondée à soutenir que les ressources du demandeur de visa seraient insuffisantes. Dans ces conditions, la substitution de motifs demandée par le ministre ne peut être accueillie.
10. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
11. Eu égard aux motifs qui le fondent, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à M. C.... Il y a lieu dès lors d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C... d'une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2305118 du 13 février 2024 du tribunal administratif de Nantes et la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant de délivrer à M. C... un visa de long séjour en qualité d'étudiant sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. C... le visa de long séjour sollicité, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2025.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
S. DEGOMMIER
La greffière,
S. PIERODÉ
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01104