Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 13 avril 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 23 janvier 2023 des autorités consulaires françaises à Tunis (Tunisie) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour dit " de retour ".
Par un jugement n° 2307631 du 26 juin 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de réexaminer la demande de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, a mis à la charge de l'Etat le versement à ce dernier d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de réexaminer la demande de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 août 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.
Le ministre de l'intérieur et des outre-mer soutient que M. A... présente une menace pour l'ordre public.
Par un mémoire en défense, enregistrés le 4 février 2025, M. B... A..., représenté par Me Sabatier, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête du ministre ;
2°) d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de réexaminer sa demande de visa ;
3°) d'enjoindre au ministre de lui délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce qu'à la date de la décision contestée M. A... était titulaire d'une carte de résident en cours de validité et que la commission de recours ne disposait donc pas du pouvoir de refuser de lui délivrer un visa de retour en France, quel que soit le motif invoqué pour justifier sa décision.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 26 juin 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. B... A..., la décision implicite née le 13 avril 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par ce dernier contre la décision du 23 janvier 2023 des autorités consulaires françaises à Tunis (Tunisie) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour dit " de retour ", a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de réexaminer la demande de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat les frais de procès. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement. Pour sa part, M. A... relève appel du jugement attaqué en tant qu'il a enjoint au ministre de réexaminer sa demande de visa et demande à la cour d'enjoindre au ministre de lui délivrer le visa sollicité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article D. 312-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable, en vertu de l'article 3 du décret du 29 juin 2022 relatif aux modalités de contestation des refus d'autorisations de voyage et des refus de visas d'entrée et de séjour en France, aux demandes ayant donné lieu à une décision diplomatique ou consulaire prise à compter du 1er janvier 2023 : " En l'absence de décision explicite prise dans le délai de deux mois, le recours administratif exercé devant les autorités mentionnées aux articles D. 312-3 et
D. 312-7 est réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision contestée. L'administration en informe le demandeur dans l'accusé de réception de son recours. ".
3. Ces dispositions impliquent que si le recours administratif préalable obligatoire formé contre une décision de refus d'une demande de visa fait l'objet d'une décision implicite de rejet, cette décision implicite, qui se substitue à la décision initiale, doit être regardée comme s'étant appropriée les motifs de la décision initiale. Il en résulte que la décision implicite, née le 13 avril 2023, par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 23 janvier 2023 des autorités consulaires françaises à Tunis (Tunisie) refusant de délivrer un visa d'entrée et de long séjour dit " de retour " à M. A... doit être regardée comme s'étant appropriée les motifs de la décision des autorités consulaires. Il ressort des termes mêmes de cette décision que ces autorités ont refusé de délivrer le visa sollicité au motif que M. A... présente un risque de menace pour l'ordre public.
4. Aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Sauf s'il est exempté de cette obligation, des visas exigés par les conventions internationales (...) ". Aux termes de l'article L. 312-5 du même code : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 311-1, les étrangers titulaires d'un titre de séjour (...) sont admis sur le territoire au seul vu de ce titre et d'un document de voyage. ".
5. Il résulte de ces dispositions que la détention d'un titre de séjour par un étranger permet son retour pendant toute la période de validité de ce titre sans qu'il ait à solliciter un visa d'entrée sur le territoire français. En ce cas, les autorités consulaires ne disposent pas du pouvoir de refuser, quel que soit le motif invoqué pour justifier leur décision, l'octroi d'un visa d'entrée en France à l'étranger. Il appartient seulement à l'autorité compétente visée par les dispositions de l'article L. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et selon la procédure décrite à l'article L. 332-2 du même code, de s'opposer à son entrée en France si l'étranger présente une menace pour l'ordre public.
6. Il est constant qu'à la date de la décision implicite née le 13 avril 2023, M. A... était titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 13 juin 2026. Dans ces conditions, d'une part, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ne pouvait lui refuser la délivrance du visa dit " de retour " qu'il sollicitait, de sorte que la décision implicite née le 13 avril 2023 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est entachée d'illégalité. D'autre part, l'annulation de cette décision de la commission de recours impliquait nécessairement qu'un tel visa soit délivré à M. A....
7. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que le ministre de l'intérieur et des
outre-mer n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite, née le 13 avril 2023, par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 23 janvier 2023 des autorités consulaires françaises à Tunis (Tunisie) refusant de délivrer un visa d'entrée et de long séjour dit " de retour " à M. A..., d'autre part, que M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a enjoint au ministre de réexaminer sa demande de visa.
Sur les conclusions de M. B... A... à fin d'injonction sous astreinte :
8. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à M. A.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur de délivrer à l'intéressé un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. B... A... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.
Article 2 : Le jugement du 26 juin 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a enjoint, dans son article 2, au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de visa présentée par M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Article 3 : Il est enjoint au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur de délivrer à M. A... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. B... A... une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. B... A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 3 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2025.
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
C. BUFFET La greffière,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT02637