Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) SNH2 a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions des 26 juillet, 3 août, 31 août et 29 octobre 2021, ainsi que celles des 25 février et 3 mai 2022 par lesquelles ses demandes d'aide exceptionnelle pour les mois de mai, juin, juillet et septembre 2021, au titre du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19, ont été rejetées et d'enjoindre à la direction générale des finances publiques, à titre principal, de lui attribuer ces aides pour un montant total de 154 365 euros, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, avec intérêts au taux légal à compter du dépôt des demandes tendant au paiement de la créance et capitalisation, et à titre subsidiaire de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai.
Par un jugement n° 2318763 du 21 juin 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 août 2024 et 5 mars 2025, la société SNH2, représentée par Me Quartana, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 juin 2024 ;
2°) d'annuler les décisions des 26 juillet, 3 août, 31 août et 29 octobre 2021, ainsi que celles des 25 février et 3 mai 2022 par lesquelles ses demandes d'aide exceptionnelle pour les mois de mai, juin, juillet et septembre 2021, au titre du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19, ont été rejetées ;
3°) d'enjoindre à la direction générale des finances publiques, à titre principal, de lui attribuer ces aides pour un montant total de 154 365 euros, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, avec intérêts au taux légal à compter du dépôt des demandes tendant au paiement de la créance et capitalisation, à titre subsidiaire de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande de première instance n'était pas tardive ;
- les décisions contestées ne mentionnent pas les noms, prénoms et qualités de leurs auteurs, en méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle était éligible aux aides du fonds de solidarité pour les mois de mai, juin, juillet et septembre 2021.
Par un mémoire, enregistré le 7 janvier 2025, la ministre chargée des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société SNH2 n'est fondé.
Les parties ont été informées, le 7 mars 2025, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public tiré de ce que le moyen de légalité externe que soulève la société SNH2, pour la première fois en appel, et tiré de ce que les décisions contestées ne mentionnent pas les noms, prénoms et qualités de leurs auteurs, en méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui repose sur une cause juridique distincte de celle dont procèdent ses moyens de première instance, et qui n'est pas d'ordre public, présente le caractère d'une demande nouvelle, irrecevable en appel.
Par un mémoire, enregistré le 14 mars 2025, la société SNH2 soutient que :
- la jurisprudence sur laquelle est fondé le vice de forme soulevé dans le mémoire en réplique enregistré au greffe de la cour, à savoir, l'absence d'indication du nom, du prénom et de la qualité de l'auteur des décisions, y compris en cas d'utilisation d'un téléservice, a été rendue le 5 mars 2024 et elle était donc matériellement dans l'impossibilité de soulever un vice de forme sur ce fondement au moment du dépôt de la requête introductive d'instance devant le tribunal Administratif en décembre 2023 ;
- le moyen pour vice de forme développé tend aux mêmes fins d'annulation que ceux développés devant le tribunal administratif de Nantes et n'est pas en soi une cause nouvelle ;
- l'absence d'indication du nom, du prénom et de la qualité de l'auteur des décisions, rend impossible toute vérification de la compétence de l'auteur de l'acte, l'irrégularité pour incompétence étant un moyen d'ordre public qui peut être soulevé pour la première fois en appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;
- le décret n° 2021-310 du 24 mars 2021 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société SNH2 a demandé, au titre des mois de mai, juin, juillet et septembre 2021, le bénéfice du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19, prévu par le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020. Par des décisions des 26 juillet 2021, 3 août 2021, 31 août 2021, 29 octobre 2021, 25 février 2022 et 3 mai 2022, la direction générale des finances publiques lui a opposé des refus. La SARL SNH2 a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de ces décisions. Par un jugement du 21 juin 2024, le tribunal a rejeté sa demande. La société SNH2 fait appel de ce jugement.
2. L'article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020 a institué un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation. En application de l'article 3 de cette ordonnance, le décret du 30 mars 2020 visé ci-dessus a fixé le champ d'application du dispositif et les conditions d'éligibilité aux aides allouées par ce fonds. Aux termes de l'article 12 du décret du 24 mars 2021 instituant une aide visant à compenser les coûts fixes non couverts des entreprises dont l'activité est particulièrement affectée par l'épidémie de covid-19 : " Par dérogation aux dispositions du 1° du I de l'article 1er, les entreprises mentionnées à l'article 1er du décret du 30 mars 2020 susvisé peuvent bénéficier, au titre de la période allant du 1er janvier 2021 au 31 août 2021, d'une aide complémentaire destinée à compenser leurs coûts fixes non couverts par les contributions aux bénéfice (...) ".
3. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières, dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
4. Il est constant qu'aucune des décisions contestées ne comportait la mention des délais et voies de recours. Les divers échanges avec la direction générale des finances publiques sur la messagerie dédiée permettent de regarder la société SNH2 comme ayant eu connaissance des décisions contestées au cours du mois de mai 2022 au plus tard. La demande de première instance a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nantes le 15 décembre 2023, soit plus d'un an et demi après la notification des décisions contestées. La requérante se prévaut de la période de crise sanitaire du Covid-19, des évolutions réglementaires relatives au fonds de solidarité, du défaut de numéro unique pour une demande dans le cadre des échanges avec la direction générale des finances publiques sur la plate-forme dédiée et de la désorganisation de son fonctionnement interne liée à la pandémie du Covid-19. Toutefois, au vu des éléments produits, aucune de ces circonstances ne peut être regardée comme une circonstance particulière lui permettant de former un recours contentieux contre les décisions en cause au-delà du délai raisonnable d'un an. Par conséquent, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué était irrégulier au motif que les premiers juges auraient rejeté à tort sa demande comme étant irrecevable car tardive doit être écarté.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la société SNH2 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles fondées sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société SNH2 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée SNH2, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la ministre chargée des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2025.
La rapporteure,
P. PICQUET
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT02563