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13/06/2025 | FRANCE | N°24NT00389

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 13 juin 2025, 24NT00389


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 octobre 2021 par laquelle le président du conseil départemental de la Vendée lui a retiré son agrément d'assistante maternelle.



Par un jugement n° 2112315 du 14 décembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision du 5 octobre 2021.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 12 févri

er 2024, le département de la Vendée, représenté par Me Cano, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 octobre 2021 par laquelle le président du conseil départemental de la Vendée lui a retiré son agrément d'assistante maternelle.

Par un jugement n° 2112315 du 14 décembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision du 5 octobre 2021.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 février 2024, le département de la Vendée, représenté par Me Cano, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 décembre 2023 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de Mme C... ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'a pas commis d'erreur d'appréciation en retirant l'agrément de Mme C..., dès lors que les conditions d'accueil garantissant la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis n'étaient plus réunies ; Mme C... ne s'est pas assurée que les enfants accueillis étaient à jour de leurs obligations vaccinales ; elle n'a rien mis en œuvre S'agissant de la coexistence de son chat avec les enfants ; elle n'a transmis aucune information sur les activités d'éveil et de motricité pour stimuler les enfants accueillis ; de nombreux manquements à la sécurité ont été relevés à son domicile ; elle administre du mytosil et de l'arnica sans ordonnance aux enfants lorsqu'elle l'estime nécessaire ; les attestations des parents sont dénuées de caractère probant ;

- aucun des autres moyens soulevés en première instance par Mme C... n'est fondé.

Par un mémoire, enregistré le 10 janvier 2025, Mme C..., représentée par Me Bideaud, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du département de la Vendée la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucun des moyens soulevés par le département de la Vendée n'est fondé ;

- elle abandonne le moyen soulevé en première instance tiré de ce que la décision contestée a été signée par une autorité incompétente

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Reis, substituant Me Cano, pour le département de la Vendée et de Me Mallard, substituant Me Bideaud, pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C... bénéficiait d'un agrément en qualité d'assistante maternelle délivré le 30 octobre 2008 par le président du conseil départemental de la Vendée, qui a été régulièrement renouvelé, et lui permettait d'accueillir à son domicile trois enfants âgés de moins de 18 mois et un enfant âgé de plus de 18 mois. A la suite de la consultation de la commission consultative paritaire départementale le 13 septembre 2021, le président du conseil départemental de la Vendée a retiré l'agrément de Mme C... par une décision du 5 octobre 2021, dont elle a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation. Par un jugement du 14 décembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 5 octobre 2021. Le département de la Vendée fait appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel (...) est délivré par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside. (...) / L'agrément est accordé (...) si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. (...) " et le 1° de l'article R. 421-3 du même code précise que, pour obtenir cet agrément, le candidat doit : " Présenter les garanties nécessaires pour accueillir des mineurs dans des conditions propres à assurer leur développement physique, intellectuel et affectif ". Aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 421-6 du même code : " Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil départemental peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. (...) / Toute décision de retrait de l'agrément (...) doit être dûment motivée (...) ". L'article R. 421-40 de ce code prévoit que : " L'assistant maternel employé par un particulier est tenu de déclarer sans délai au président du conseil départemental tout décès ou tout accident grave survenu à un mineur qui lui est confié. (...) " et l'article R. 421-26 prévoit que : " Un manquement grave ou des manquements répétés aux obligations de déclaration et de notification prévues aux articles R. 421-38, R. 421-39, R. 421-40 et R. 421-41 ainsi que des dépassements du nombre d'enfants mentionnés dans l'agrément et ne répondant pas aux conditions prévues par l'article R. 421-17 peuvent justifier, après avertissement, un retrait d'agrément. ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe au président du conseil départemental de s'assurer que les conditions d'accueil chez l'assistant maternel garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément de l'assistant(e) maternel(le) si ces conditions ne sont plus remplies.

3. Il ressort de la décision contestée que l'agrément d'assistante maternelle de Mme C... a été retiré au motif que malgré les visites d'une puéricultrice à son domicile les 30 mars et 19 juillet 2021, les insuffisances dans sa pratique persistaient, ne lui permettant pas de garantir un accueil dans des conditions garantissant la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants.

4. Aux termes de l'article R. 3111-8 du code de la santé publique : " I.- L'admission du mineur est subordonnée à la présentation du carnet de santé ou de tout autre document mentionné à l'article D. 3111-6 attestant du respect de l'obligation prévue à l'article L. 3111-2 : (...) c) En cas d'accueil par un assistant maternel agréé mentionné à l'article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles ; (...) ". Il est d'abord reproché à Mme C... d'avoir procédé à la vérification vaccinale des enfants de manière partielle. Il ressort des pièces du dossier que, lors du dernier entretien du 19 juillet 2021, malgré les précédentes remarques qui lui avaient été faites à ce sujet, Mme C... n'a pas pu présenter la photocopie des carnets de santé de deux des cinq enfants accueillis.

5. S'agissant de la présence d'un chat chez Mme C..., lors de l'entretien du 30 mars 2021 la puéricultrice a indiqué : " A... se réveillera en sursaut à cause du chat qui dans son déplacement ébranle un objet sur le frigo. (...) Je fais noter à madame que si cet objet tombait cela aurait été sur A... qui dormait dans le parc ". Mme C... reconnaît que son chat s'installe fréquemment sur le réfrigérateur et, si le compte-rendu du 19 juillet 2021 mentionne que " depuis la précédente visite, Madame a mis les croquettes en hauteur et la litière (...) dans la buanderie/cellier. Cette pièce est attenante à la pièce de vie mais peut se fermer à clé, ce qui n'est pas le cas ce jour (...) ", ces mesures ne peuvent être regardées comme suffisantes pour éviter tout risque aux jeunes enfants gardés, le chat continuant à évoluer librement dans l'ensemble du logement en leur présence.

6. Il est également reproché à Mme C..., dans la décision contestée, " l'organisation que vous proposez pour la prise en charge du nourrisson ne favorise pas la pratique de la motricité libre et vous êtes en difficulté pour nommer les activités que vous pouvez lui proposer pour stimuler son éveil. Il a été également compliqué pour vous d'expliquer la notion de la période d'adaptation et de son intérêt ". L'intéressée s'est bornée à indiquer donner un petit hochet au nourrisson. Elle dispose d'un jardin et fait parfois des sorties. Un des enfants, âgé de six mois, la jeune A..., était, lors de la visite de la puéricultrice du 30 mars 2021, dans un parc en bois, sur plusieurs épaisseurs, avec des arceaux entravant complètement sa mobilité, ne pouvant ni découvrir ses genoux et ses pieds, ni ébaucher des mouvements de retournement. Mme C... a indiqué que la jeune A... dormait dans le parc car elle n'avait pas de lit et a été " dans l'incapacité d'exprimer les conditions nécessaires à l'endormissement et à une bonne qualité de sommeil. ". La note de synthèse du 23 avril 2021 en conclut que " La prise en charge A... concernant ses repas, les activités et sa motricité n'est pas adaptée (...) ". L'évaluation réalisée le 19 juillet 2021 confirme le peu d'intérêt ou de compréhension de l'assistante maternelle pour l'éveil des plus petits, en notant notamment qu'elle ne se rend pas aux matinées d'éveil pour les plus petits. De manière générale ses pratiques pour s'occuper des enfants les plus jeunes paraissent très limitées, ainsi pour les repas, lors de l'entretien du 24 mars 2021, elle raconte que la jeune A... prend son biberon en trois minutes, ce qui amène la puéricultrice à considérer que " Mme méconnaît le phénomène d'absence de mémorisation de satiété lorsque le repas est pris en moins de vingt minutes ". Dans l'évaluation du 19 juillet 2021, un constat semblable apparaît : " Questionnée sur le bébé Louise, 3 mois, qui arrive en septembre, madame indique qu'elle installera le bébé dans un transat pour lui donner son biberon, alors que ce bébé requiert d'être pris dans les bras ". L'évaluation du 19 juillet 2021 comporte la conclusion suivante : " Depuis la précédente visite, Madame a modifié certaines pratiques mais cela reste insuffisant au regard des exigences que requiert l'accueil et la prise en charge de jeunes enfants. De plus, Madame ne semble pas avoir intégré l'intérêt du changement de pratiques au bénéfice des enfants (...) ".

7. S'agissant des manquements à la sécurité reprochés, il ressort du compte-rendu d'entretien du 19 juillet 2021 que si Mme C... a tenu compte de certaines critiques, comme il a été indiqué au point 5 la sécurité de la cohabitation entre son chat et les enfants accueillis n'est pas assurée. Surtout, il ressort des pièces du dossier qu'un accident grave ayant provoqué la brûlure d'un des enfants accueillis s'est produit le 8 mars 2021 et, même si la plainte pénale des parents a été classée sans suite, la note de synthèse du 23 avril 2021 conclut que " Mme C... n'a pas pris la mesure de ses obligations professionnelles suite à cet accident et les conditions d'exercice de son métier pour assurer une qualité et sécurité de l'accueil des enfants ne sont pas mises en place. ".

8. Au regard de l'ensemble des manquements constatés aux points 4 à 7, dont la matérialité ressort des pièces du dossier, de l'absence de réflexion personnelle de Mme C... sur sa pratique et de sa difficulté à évoluer sur certains points, le président du conseil départemental de la Vendée n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en lui retirant son agrément d'assistante maternelle. Ainsi, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision du 5 octobre 2021 du président du conseil départemental de la Vendée.

9. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif et devant la cour.

Sur les autres moyens soulevés par Mme C... :

10. D'une part, le signataire de la décision de retrait d'agrément du 5 octobre 2021, M. D... directeur général adjoint du Pôle solidarités et Famille, disposait d'une délégation de signature en vertu d'un arrêté du 1er juillet 2021 publié au bulletin officiel du conseil départemental n° 373 de juillet 2021. D'autre part, la décision contestée mentionne notamment que : " vous avez procédé à la vérification vaccinale de manière partielle, vous administrez les médicaments sans ordonnance (hormis le doliprane), votre chat évolue librement dans votre logement en présence d'enfants confiés. De même, l'organisation que vous proposez pour la prise en charge du nourrisson ne favorise pas la pratique de la motricité libre et vous êtes en difficulté pour nommer les activités que vous pouvez lui proposer pour stimuler son éveil. Il a été également compliqué pour vous d'expliquer la notion de la période d'adaptation et de son intérêt ". Par conséquent, et alors même qu'elle ne comporte pas en annexe les différents éléments tirés de l'enquête administrative, la motivation en fait de la décision contestée est suffisante. Enfin, les faits énumérés ci-dessus, suffisants pour fonder le retrait d'agrément, ne sont pas entachés d'inexactitude matérielle dans la mesure où ils ressortent des compte rendus d'entretiens et d'évaluations établis à plusieurs reprises par les professionnels du service de la protection maternelle et infantile (PMI) du département.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le département de la Vendée est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 5 octobre 2021 par laquelle le président du conseil départemental de la Vendée a retiré l'agrément d'assistante maternelle de Mme C....

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département de la Vendée, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros à verser au département de la Vendée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 14 décembre 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Mme C... versera une somme de 1 500 euros au département de la Vendée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département de la Vendée et à Mme B... C....

Délibéré après l'audience du 27 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2025.

La rapporteure,

P. PICQUET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au préfet de la Vendée en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00389


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00389
Date de la décision : 13/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS CLAISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-13;24nt00389 ?
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