Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré.
Par un jugement n° 2402145 du 21 novembre 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la requête de M. D....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 décembre 2024, M. D..., représenté par Me Guinel-Johnson, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 novembre 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 20 novembre 2023 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de procéder au réexamen de sa situation sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1800 euros à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 39 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- il n'est pas établi qu'elle ait été signée par une autorité compétente : le préfet ne produit pas l'arrêté de nomination de la signataire de la décision ;
- elle n'a pas été précédée de l'examen de sa situation personnelle dès lors que le préfet n'a pas pris en compte dans sa décision de refus de titre de séjour des éléments tels que l'intégration professionnelle et l'ancienneté du séjour ;
- elle méconnaît les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : M. D... ne peut bénéficier du traitement nécessité par son état de santé alors que les médicaments qui lui sont prescrits ne sont pas disponibles dans son pays d'origine ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour la prive de base légale ;
- il n'est pas établi qu'elle ait été signée par une autorité compétente ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 613-3 et L. 613-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :
- l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français prive l'obligation de quitter le territoire français de base légale ;
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français prive la décision fixant le pays de destination de base légale ;
- il n'est pas établi qu'elle ait été signée par une autorité compétente ;
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 612-12 et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle ne détermine pas le pays à destination duquel il peut être renvoyé.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 mars 2025, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Le préfet soutient que les moyens articulés ne sont pas fondés.
La demande d'aide juridictionnelle de M. D... a été déclarée caduque par décision du 24 mars 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Viéville a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D..., ressortissant algérien né en 1988, entré irrégulièrement en France au cours de l'année 2017, s'est vu délivrer un certificat de résidence d'algérien, valable du 22 août 2022 au 21 mai 2023 en raison de son état de santé. Il a demandé le renouvellement de ce certificat auprès du préfet de la Loire-Atlantique le 22 mars 2023. Sa demande a été rejetée par un arrêté du 20 novembre 2023 portant en outre obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré. Le tribunal administratif de Nantes a rejeté le recours de M. D... contre cet arrêté par un jugement du 21 novembre 2024. M. D... relève appel de ce jugement.
Sur le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué articulé à l'encontre des décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination :
2. L'arrêté attaqué du 20 novembre 2023 a été signé pour le préfet de la Loire-Atlantique et par délégation, par Mme C... B..., directrice des migrations et de l'intégration. Par un arrêté du 13 septembre 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, le préfet de la Loire-Atlantique a accordé à la directrice des migrations et de l'intégration une délégation à l'effet de signer " tous arrêtés et décisions individuelles relevant des attributions de la direction des migrations et de l'intégration, à l'exception des arrêtés réglementaires et des circulaires aux maires " et notamment au titre du bureau du contentieux et de l'éloignement " - les décisions portant refus de titre de séjour, (...) assorties ou non d'une mesure portant obligation de quitter le territoire, d'une décision fixant le pays de renvoi, d'une décision portant sur le délai de retour volontaire avec ou sans mesure de surveillance et d'une décision d'interdiction de retour ; ". En outre, et alors qu'aucun texte législatif ou réglementaire, ni aucun principe ne font obligation de transmettre ou viser l'arrêté de nomination de la personne recevant une telle délégation, il ne ressort aucunement des pièces du dossier que Mme B..., désignée par l'arrêté directrice des migrations et de l'intégration, n'aurait pas effectivement été nommée à ce poste. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique a procédé à un examen de la situation personnelle de M. D... en France, notamment au regard de la durée de son séjour en France, de son état de santé et de son intégration professionnelle. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... aurait sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur un fondement autre que celui mentionné dans la demande de renouvellement du 22 mars 2023 produite par le préfet en première instance.
4. En second lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
5. Il résulte de ces stipulations qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser l'admission au séjour sur le fondement de ces stipulations, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
6. En outre, s'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'OFII. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. D... souffre d'un trouble schizo-affectif, bénéficie d'un suivi au sein du CHU de Nantes et suit un traitement médicamenteux. Le collège des médecins dans son avis du 13 juin 2023 indique que l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, M. D... peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
8. Si M. D... fait valoir que les médicaments qui lui sont prescrits, le Zypadhera 405mg et le Tercian 50mg ne sont pas disponibles dans son pays d'origine en raison d'une pénurie, il ressort des pièces du dossier et notamment de la fiche pays, d'une part, que les troubles schizophréniques sont pris en charge en Algérie et, d'autre part, que des médicaments antipsychotiques comprenant la même substance active que ceux prescrits au requérant et des neuroleptiques appartenant pour certains à la même famille chimique que celui dont bénéficie M. D... en France, sont disponibles en Algérie. Par ailleurs, M. D... n'établit pas par les pièces qu'il produit que l'usage d'une autre molécule ou d'une forme générique pourrait provoquer des effets secondaires ou s'avérer inefficace ou qu'un mode d'administration différent pourrait avoir une influence sur l'efficacité de médicaments autres que ceux prescrits en France, contenant la même molécule ou le même principe actif.
9. M. D... n'apporte, en outre, aucun élément permettant d'affirmer qu'il lui serait impossible de mettre effectivement en place un suivi psychiatrique approprié à son état de santé en Algérie, et que sa situation en cas de retour en Algérie l'empêcherait d'avoir effectivement accès à des soins, notamment au sein d'établissements publics. Dans ces conditions, alors même qu'il a pu précédemment bénéficier d'un certificat de résidence, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Loire-Atlantique a méconnu le 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien en refusant de renouveler son titre de séjour.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.
11. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'irrégularité des informations devant accompagner la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la méconnaissance des dispositions des articles L. 613-3 et 4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté par adoption du motif opposé à bon droit par les premiers juges.
12. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la date de la décision en litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.(...) ". Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 8 et 9, en prononçant à l'égard de M. D... une obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen doit être écarté.
13. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, laquelle n'a pas pour objet de fixer le pays de destination.
Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :
14. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence.
15. En deuxième lieu, la décision fixant le délai de départ volontaire comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent. Elle est suffisamment motivée. Le moyen est écarté.
16. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation ".
17. M. D... fait valoir qu'il suit un traitement médical devant être réalisé au sein d'un établissement hospitalier et qu'il n'est pas en mesure d'organiser une poursuite de son traitement médical dans une autre structure médicale dans un délai de trente jours. Cependant, alors que les troubles schizophréniques sont pris en charge en Algérie et que d'autres traitements comprenant la même substance active que ceux prescrits au requérant ou appartenant à la même famille chimique y sont disponibles et accessibles, M. D... ne démontre pas la nécessité qu'un délai supérieur à trente jours lui soit accordé. Dans ces conditions, le préfet de la Loire-Atlantique, a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, décider de ne pas lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
18. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.
19. En deuxième lieu, la décision fixant le pays de destination comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent et est suffisamment motivée.
20. En dernier lieu, la décision attaquée indique que M. D... pourra être, après l'expiration du délai de départ volontaire, reconduit d'office à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays dans lequel il établit être légalement admissible. L'erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 612-12 et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, à la regarder même soulevée, ne peut, dès lors, qu'être écartée.
21. Il résulte de l'ensemble de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2025.
Le rapporteur
S. VIÉVILLELe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT0365902