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10/06/2025 | FRANCE | N°24NT03635

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 10 juin 2025, 24NT03635


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme G... C... D... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré.

Par un jugement n° 2401962 du 19 décembre 2024, le tribunal a

dministratif de Nantes a annulé l'arrêté du 28 septembre 2023 du préfet de la Loire-Atlantique.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... C... D... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré.

Par un jugement n° 2401962 du 19 décembre 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 28 septembre 2023 du préfet de la Loire-Atlantique.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2024, le préfet de la Loire-Atlantique demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 décembre 2024 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande de Mme C... D... épouse A....

Il soutient que c'est à tort que le premier juge a retenu le moyen tiré de ce que son arrêté est entaché d'un défaut d'examen de la situation de Mme C... D....

La requête a été communiquée à Mme C... D... épouse A... qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 9 mars 1995 relatif à la déclaration d'entrée sur le territoire ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Penhoat a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... D... épouse A..., ressortissante cubaine née le 26 juillet 1971, est entrée en Espagne le 18 juillet 2022, sous couvert d'un visa Schengen de court séjour délivré par les autorités consulaires françaises valable du 26 juin 2022 au 9 octobre 2022, et déclare être entrée en France le 18 juillet 2022. Elle a sollicité du préfet de la Loire-Atlantique la délivrance d'un visa de long séjour et d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Sa demande a été rejetée par un arrêté du 28 septembre 2023 portant en outre obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré. Par un jugement du 19 décembre 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté. Le préfet de la Loire-Atlantique relève appel de ce jugement.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... D... épouse A... se prévaut de sa relation amoureuse avec un ressortissant français depuis novembre 2021 et de leur mariage le 15 octobre 2022. Toutefois, à la date de l'arrêté contesté, le 17 mai 2023, le mariage et la vie commune des époux étaient encore récents. En outre, Mme C... D... épouse A... n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu la majeure partie de sa vie et où réside notamment sa fille âgée de 17 ans. Compte tenu des conditions récentes d'entrée à la date de l'arrêté contesté et de séjour en France et en dépit de sa volonté d'intégration, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondée sur la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales citées au point 2 pour annuler son arrêté.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... D... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur les autres moyens soulevés par Mme C... D... devant le tribunal :

En ce qui concerne le moyen commun :

5. L'arrêté contesté du 28 septembre 2023 a été signé par Mme B... E..., cheffe du bureau du séjour à la préfecture de la Loire-Atlantique. Par un arrêté du 13 septembre 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet a donné délégation à cette dernière à l'effet de signer notamment les décisions portant refus de titre de séjour assorties de décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de renvoi et fixation du délai de départ en cas d'absence ou d'empêchement simultanés de la directrice des migrations et de l'intégration et de son adjoint, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils n'auraient pas été absents ou empêchés. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision contestée doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

6. D'une part, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; / 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". Aux termes de l'article L. 423-2 de ce code : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour dont la durée de validité ne peut être supérieure à un an (...) ". Aux termes de l'article L. 312-3 du même code : " Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de ressortissant français. Il ne peut être refusé qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public ".

7. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à un étranger marié avec un ressortissant français est non seulement subordonnée aux conditions énoncées par l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais également à la justification d'une entrée régulière sur le territoire français.

8. D'autre part, aux termes de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 : " I - Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans les conditions fixées par chaque partie contractante, aux autorités compétentes de la partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. (...) ". Aux termes de l'article R. 621-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions de l'article R. 621-4, l'étranger souscrit la déclaration d'entrée sur le territoire français mentionnée à l'article L. 621-3 auprès des services de la police nationale ou, en l'absence de tels services, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale. A cette occasion, il lui est remis un récépissé qui peut être délivré par apposition d'une mention sur le document de voyage. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 621-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " N'est pas astreint à la déclaration d'entrée sur le territoire français l'étranger qui se trouve dans l'une des situations suivantes : / 1° N'est pas soumis à l'obligation du visa pour entrer en France en vue d'un séjour d'une durée inférieure ou égale à trois mois ; / 2° Est titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, d'une durée supérieure ou égale à un an, délivré par un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ; (...) ".

9. La souscription de la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen et dont l'obligation figure à l'article L. 621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un Etat partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire.

10. Mme C... D... épouse A... qui est entrée en Espagne le 18 juillet 2022, sous couvert d'un visa Schengen de court séjour délivré par les autorités consulaires françaises valable du 26 juin 2022 au 9 octobre 2022 et déclare être entrée en France le 18 juillet 2022 n'établit, ni même n'allègue, avoir accompli la formalité mentionnée au point 8 ci-dessus et ne justifie dès lors pas de la régularité de son entrée sur le territoire français. Dès, c'est à bon droit que pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par l'intéressée sur le fondement des articles L. 423-1 et L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Loire-Atlantique, lui a opposé le caractère irrégulier de son entrée en France. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse a méconnu les dispositions des articles L. 423-1, L. 423-2 et R. 621-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni qu'elle serait entachée d'une erreur de fait.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour n'étant pas annulée, Mme C... D... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.

12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

13. Les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées, Mme C... D... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 28 septembre 2023.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2401962 du 19 décembre 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... D... épouse A... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Mme G... C... D... épouse A....

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2025.

Le rapporteur

A. PENHOATLe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°24NT03635 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT03635
Date de la décision : 10/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-10;24nt03635 ?
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