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10/06/2025 | FRANCE | N°24NT03086

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 10 juin 2025, 24NT03086


Vu les autres pièces du dossier.



Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.



Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.



Le rapport de M. Viéville a été entendu au cours de l'audience publique.





Considérant ce qui suit :



1. Mme A... a souscrit au cours de l'année 2011 à une augmentation du capital social de la société civile immobilière (SCI) Miami c

réée par les associés de la société à responsabilité limitée (SARL) Jeorca dont l'objet social est la réalisation d'un ensemble immobilier de c...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Viéville a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a souscrit au cours de l'année 2011 à une augmentation du capital social de la société civile immobilière (SCI) Miami créée par les associés de la société à responsabilité limitée (SARL) Jeorca dont l'objet social est la réalisation d'un ensemble immobilier de cent dix-sept logements sur un terrain situé au Mont-Dore (Nouvelle-Calédonie). En sa qualité d'associé de la SCI Miami, Mme A... a bénéficié d'une réduction d'impôt sur le revenu au titre des années 2014 et 2015 sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies A du code général des impôts. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de cette réduction d'impôt et a notifié à Mme A... des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, par une proposition de rectification du 7 décembre 2017, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de ces mêmes années. Mme A... relève appel du jugement du 3 octobre 2024 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments exposés par la requérante, a suffisamment répondu, au point 3 de son jugement, au moyen tiré de l'insuffisance de motivation en relevant notamment que la proposition de rectification mentionnait, de manière suffisante, les règles de droit applicables, l'impôt concerné, les années d'imposition ainsi que les motifs de fait sur lesquels l'administration s'était fondée pour remettre en cause la réduction d'impôt accordée au titre des investissements en cause. Par ailleurs, les premiers juges, alors qu'ils n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments qui leur étaient soumis, ont précisé que " l'administration fiscale n'avait pas l'obligation, pour satisfaire aux exigences de motivation de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, de joindre à la proposition de rectification l'ensemble des documents qu'elle évoque ". Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement à raison de l'insuffisance de sa motivation et du défaut de réponse à un moyen doit être écarté.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.

5. Outre qu'elle présente de façon détaillée l'opération d'investissement à laquelle Mme A... a souscrit, relative à la construction de logements neufs en Nouvelle-Calédonie, la proposition de rectification du 7 décembre 2017 qui lui a été adressée, qui n'est pas motivée par référence à d'autres documents, mentionne, de façon précise, les règles de droit applicables, l'impôt concerné, les années d'imposition, les motifs de fait sur lesquels l'administration s'est fondée pour remettre en cause la réduction d'impôt accordée à Mme A... au titre de cet investissement et précise le montant des rappels pour chacune des périodes concernées. Dans ces conditions, la circonstance que la proposition de rectification ne mentionne pas expressément les éléments d'identification des treize autres sociétés civiles immobilières participant au même programme immobilier que la SCI Miami, dont Mme A... était associée, n'a pas pu induire en erreur le contribuable sur la nature et le montant des rectifications envisagées et ne l'a pas privé de la possibilité de comprendre les rectifications et de présenter, le cas échéant, des observations. L'administration, qui n'a pas l'obligation de joindre à la proposition de rectification l'ensemble des documents qu'elle évoque, n'a pas entaché sa proposition de rectification d'une insuffisance de motivation. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit donc être écarté.

6. Mme A... ne peut utilement invoquer les énonciations des paragraphes n° 40 et n° 80 de la doctrine administrative publiée le 12 septembre 2012 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-CF-IOR-10-40, qui, s'agissant d'une question relative à la régularité de la procédure d'imposition, ne peuvent, en tout état de cause, être regardéecomme comportant une interprétation formelle de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". En application de ces dispositions, il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé, notamment, de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements, soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent.

8. La proposition de rectification du 7 décembre 2017 mentionne qu'il ressort des documents transmis par l'administration fiscale de la Nouvelle-Calédonie qu'en octobre 2011, " 14 sociétés civiles immobilières de droit néo-calédonien ont été créées par des associés (personnes physiques) de la SARL JEORCA, dont la SCI Miami ", que " par acte du 30 décembre 2011, la SARL JEORCA a vendu à chaque SCI, dont la SCI Miami, deux lots-volumes correspondant à une part du futur ensemble immobilier " et que " concomitamment à l'achat des lots-volumes, chacune des 14 SCI a procédé à une augmentation de capital " à hauteur de 1 426 276 euros soit 19 967 864 euros pour l'ensemble des SCI, à laquelle a souscrit Mme A..., s'agissant de la SCI Miami. La proposition précise encore que les investissements des quatorze SCI créées par la société Jeorca ont pour objet le financement d'un même programme immobilier, que la société Jeorca a été l'initiatrice du projet, qu'elle a effectué l'achat du terrain et déposé le permis de construire initial à son nom, de même que l'autorisation de défrichement. L'ensemble de ces mentions constituent une information suffisante quant à l'origine et la teneur des renseignements et documents obtenus de tiers et transmis au service par le directeur des finances publiques de la Nouvelle-Calédonie ayant mis Mme A... en mesure d'en demander la communication avant la mise en recouvrement des suppléments d'impositions. La circonstance que les documents transmis ne comportent aucune information sur l'identité des treize autres sociétés participant au programme immobilier est sans incidence sur l'appréciation du respect par l'administration de son obligation d'informer les contribuables de l'origine et de la teneur des documents ainsi obtenus. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B précité du livre des procédures fiscales doit être écarté.

Sur le bien-fondé des suppléments d'imposition litigieux :

En ce qui concerne la loi fiscale :

9. Aux termes de l'article 199 undecies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " 1. Il est institué une réduction d'impôt sur le revenu pour les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B qui investissent dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis et Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises (...) : / 2. La réduction d'impôt s'applique : (...) c) Au prix de souscription de parts ou actions de sociétés dont l'objet réel est exclusivement de construire des logements neufs situés dans les départements ou collectivités visés au 1 et qu'elles donnent en location nue pendant cinq ans au moins à compter de leur achèvement à des personnes, autres que les associés de la société, leur conjoint ou les membres de leur foyer fiscal, qui en font leur habitation principale. Ces sociétés doivent s'engager à achever les fondations des immeubles dans les deux ans qui suivent la clôture de chaque souscription annuelle. Les souscripteurs doivent s'engager à conserver les parts ou actions pendant cinq ans au moins à compter de la date d'achèvement des immeubles ; (...) 4. Lorsque le montant des investissements mentionnés aux b, c, d, f, g et h du 2 est supérieur à deux millions d'euros, le bénéfice de la réduction d'impôt est conditionné à l'obtention d'un agrément préalable délivré par le ministre chargé du budget dans les conditions prévues au III de l'article 217 undecies. / (...) 6 bis. La réduction d'impôt ne s'applique pas aux investissements mentionnés aux b, c et d du 2 engagés après le 31 décembre 2010. / Toutefois, la réduction d'impôt s'applique également : / 1° Aux investissements mentionnés aux b, c et d du 2 engagés entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2011. (...) / Pour l'application du présent 6 bis, sont considérés comme engagés : / (...) - les investissements mentionnés au c du 2 correspondant à des souscriptions de parts ou d'actions de sociétés dont l'objet réel est exclusivement de construire des logements neufs dont les permis de construire ont été délivrés (...) ".

10. Aux termes du III de l'article 217 undecies du code général des impôts, dans sa version applicable : " 1. Pour ouvrir droit à déduction, les investissements mentionnés au I (...) doivent avoir reçu l'agrément préalable du ministre chargé du budget, après avis du ministre chargé de l'outre-mer. L'organe exécutif des collectivités d'outre-mer compétentes à titre principal en matière de développement économique est tenu informé des opérations dont la réalisation le concerne. / L'agrément est délivré lorsque l'investissement : / a) Présente un intérêt économique pour le département dans lequel il est réalisé ; il ne doit pas porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou constituer une menace contre l'ordre public ou laisser présumer l'existence de blanchiment d'argent ; / b) Poursuit comme l'un de ses buts principaux la création ou le maintien d'emplois dans ce département ; / c) S'intègre dans la politique d'aménagement du territoire, de l'environnement et de développement durable ; / d) Garantit la protection des investisseurs et des tiers. / L'octroi de l'agrément est subordonné au respect par les bénéficiaires directs ou indirects de leurs obligations fiscales et sociales et à l'engagement pris par ces mêmes bénéficiaires que puissent être vérifiées sur place les modalités de réalisation et d'exploitation de l'investissement aidé. ".

11. Il résulte des dispositions citées ci-dessus, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer de laquelle elles sont issues, que, pour ouvrir droit à la réduction d'impôt prévue au c du 2 de l'article 199 undecies A du code général des impôts, les investissements réalisés outre-mer dans le secteur du logement doivent avoir reçu l'agrément préalable du ministre chargé du budget lorsque leur montant excède deux millions d'euros et que, eu égard à l'objet et aux critères de délivrance de cet agrément, le seuil de deux millions d'euros doit être apprécié, non pas au regard des souscriptions au capital des sociétés, mais au regard du coût total du programme immobilier en vue duquel les souscriptions de parts ou d'actions de sociétés ont été réalisées. Pour l'application de ces dispositions, les bâtiments collectifs ou les ensembles de logements individuels faisant l'objet d'une même demande de permis de construire constituent un programme immobilier.

12. Il résulte de l'instruction que l'augmentation de capital de la société Miami à hauteur de 1 426 276 euros, à laquelle a souscrit Mme A..., pour un montant de 100 560 euros, s'inscrivait dans le cadre du programme immobilier Jeorca, consistant en la réalisation de cent dix-sept logements répartis dans cinq bâtiments, pour lequel a été délivrée une seule autorisation de défrichement et a été déposée, en 2010, une unique demande de permis de construire. L'ensemble immobilier en cause est raccordé à la voie publique par une voie commune et ne dispose également que d'un seul raccordement au réseau d'assainissement public. Le montant de ce programme immobilier, soit 19 967 864 euros, en vue duquel la souscription de parts de Mme A... à la SCI Miami a été réalisée, est supérieur au seuil de deux millions d'euros défini au 4 de l'article 199 undecies du code général des impôts. Le bénéfice de la réduction d'impôt prévue par le c du 2 du même article était, par suite, subordonné à l'obtention d'un agrément préalable du ministre chargé du budget, dont il est constant qu'il n'a pas été délivré. Dès lors et ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, l'administration fiscale était fondée, sur le seul terrain de la loi, à remettre en cause la réduction d'impôt appliquée par l'appelante en 2014 et 2015.

13. Contrairement à ce que soutient l'appelante, l'administration n'a pas fondé son raisonnement sur les dispositions de l'article 170 decies de l'annexe IV au code général des impôts, qui sont relatives aux conditions de délivrance de l'agrément ministériel, quand bien même elle y a fait référence, pour conforter sa position, dans ses écritures contentieuses.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

14. Mme A... ne saurait se prévaloir utilement de l'illégalité ou de l'inapplicabilité de la documentation administrative référencée BOI-IR-RICI-80-30-20130826 publiée au Bulletin officiel des finances publiques le 26 août 2013 dès lors que, comme il vient d'être dit, les impositions litigieuses ont été établies conformément à l'application de la loi fiscale.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2025.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24NT0308602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT03086
Date de la décision : 10/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : CABINET COUDERC DINH & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-10;24nt03086 ?
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