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10/06/2025 | FRANCE | N°24NT02215

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 10 juin 2025, 24NT02215


Vu les autres pièces du dossier.



Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.



Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.



Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.





Considérant ce qui suit :



1. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen

contradictoire de leur situation fiscale personnelle concernant les revenus perçus au cours des années 2013, 2014 et 2015. Parallèlement, la SARL Asi...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle concernant les revenus perçus au cours des années 2013, 2014 et 2015. Parallèlement, la SARL Asian wok (devenue SARL JUNICLO), dont M. et Mme B... sont associés à 50% chacun et dont Mme B... est la gérante a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. Une proposition de rectification du 20 décembre 2016 a été adressée à M. et Mme B... en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2013, 2014 et 2015 comprenant des rectifications correspondant à des revenus distribués dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, au sens du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts, résultant d'omissions de recettes constatées lors du contrôle de la SARL Asian wok. Les rectifications ont été maintenues dans la réponse aux observations du contribuable adressée le 25 avril 2017 puis à l'occasion de la réclamation présentée après mise en recouvrement des impositions supplémentaires. M. et Mme B... ont présenté une requête aux fins de décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à la charge devant le tribunal administratif de Caen. Ce tribunal a constaté qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge de la requête de M. et Mme B... à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance d'un montant total de 11 870 euros et a rejeté le surplus des conclusions. M. et Mme B... relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si les requérants ont entendu soutenir que les premiers juges auraient omis de se prononcer sur un moyen tenant à l'insuffisante motivation de la proposition de rectification qui leur a été adressée, il ne résulte pas de l'instruction qu'un tel moyen aurait été présenté par M. et Mme B... devant le tribunal. Si les requérants soutiennent également que le tribunal a omis de répondre au moyen tiré du caractère vicié de la méthode de reconstitution en raison du caractère non représentatif des échantillons de tickets Z sélectionnés par le service pour procéder à la reconstitution de chiffre d'affaires, il ressort du point 11 du jugement attaqué que le tribunal a répondu à ce moyen.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". si M. et Mme B... soutiennent que l'intégralité de la proposition de rectification adressée à la SARL Asian wok ne leur a pas été communiquée avec la proposition de rectification qui leur a été adressée le 20 décembre 2016, il résulte des termes de cette dernière proposition que la proposition de rectification adressée à la SARL Asian wok était jointe ainsi que cela est précisé en page 1 et 4 et la proposition de rectification du 20 décembre 2016. Cette proposition de rectification reprenait en outre un extrait de la proposition adressée à la SARL Asian wok exposant de façon les raisons pour lesquelles le service a estimé devoir rehausser les bases imposables de la SARL Asian wok et les raisons de droit et de fait pour lesquelles M. et Mme B... ont été désignés comme bénéficiaires des distributions imposables à l'impôt sur le revenu en application du 1° de l'article 109-1-1° du code général des impôts. En outre, M. et Mme B... ont été rendus destinataires de la proposition de rectification adressée à la SARL Asian wok en qualité de gérant et associé. Dans ces conditions, à supposer que la proposition de rectification adressée à la SARL Asian wok n'ait pas été jointe à celle adressée aux époux B..., il appartenait à ces derniers de solliciter la communication de ce document manquant. Le moyen doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires :

En ce qui concerne les revenus distribués par la société Asian Wok :

S'agissant du rejet de la comptabilité de la SARL Asian wok :

4. Si M. et Mme B... soutiennent en premier lieu que l'administration a refusé d'examiner et de traiter les données issues de la caisse enregistreuse alors que contrairement à ce que l'administration soutient, la mémoire de la caisse n'est pas effacée par l'édition du ticket Z journalier, ils n'établissent aucunement que ces données auraient été mises à disposition de l'administration au moment du contrôle.

5. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que si une copie des fichiers des écritures comptables pour les exercices 2013, 2014 et 2015 a été remise à l'administration sous forme dématérialisée, le compte caisse de la comptabilité reprenait de manière globalisée l'ensemble des encaissements (espèces, chèques et carte bancaire) alors que la société n'a pas présenté de brouillard de caisse ni aucune note client mais a seulement remis au service vérificateur trois sacs poubelle de cent litres contenant les tickets Z journaliers, non classés, des trois exercices, dont une partie de la période vérifiée était manquante. Ont également été constatés une absence de notes clients, des anomalies dans l'inventaire des stocks et des encaissements d'espèces négatifs relevés sur certains tickets Z journaliers.

6. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a rejeté la comptabilité de la SARL Asian wok en raison des graves irrégularités dont elle est entachée du fait de l'absence de valeur probante et de justification détaillée des recettes déclarées sur chacun des exercices vérifiés et d'un manque d'information complète.

S'agissant de la reconstitution du chiffre d'affaires de la SARL asian wok :

7. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a reconstitué le chiffre d'affaires de la société Asian Wok selon la méthode des " liquides " en déterminant d'abord les quantités des différentes boissons vendues à partir des achats et des stocks qu'elle a ensuite valorisées pour déterminer un chiffre d'affaires à partir des prix de vente pratiqués. Elle a ensuite calculé à partir de l'exploitation des tickets Z journaliers une proportion entre le chiffre d'affaires " liquides " déclaré et le chiffres d'affaires total déclaré par la société, puis elle a appliqué cette proportion au chiffre d'affaires " liquides " reconstitué pour obtenir le chiffre d'affaires total reconstitué. Ce chiffre reconstitué a été ajusté de divers correctifs afin de tenir compte des postulats des requérants sur la consommation par le personnel, l'utilisation en cocktails de certaines boissons, de la pratique du saké offert aux clients, et pour intégrer un taux de perte, casse et offerts.

8. En premier lieu, M. et Mme B... soutiennent que la méthode des liquides ne pouvait être mise en œuvre pour reconstituer le chiffre d'affaires dès lors que les menus sont parfois vendus avec les boissons comprises. Cependant, ils ne contestent pas que la pratique des boissons incluses dans le prix de la formule " buffet à volonté " était en l'espèce uniquement appliquée en présence d'importants groupes de clients et ils ne justifient pas du nombre de repas de groupe sur les exercices vérifiés, ces repas n'apparaissant pas dans la comptabilité, ni sur les tickets " Z " fournis. En outre, lors du contrôle de la société, un inventaire contradictoire des boissons acquises sur l'ensemble de la période vérifiée a permis de recenser l'achat, effectué au cours de l'exercice 2013, de 6 bouteilles d'1,5 litre de " Fanta " et de 12 bouteilles d'1 litre de " Coca-cola ", destinées à des repas de groupes selon la gérante. Dans ces conditions, le chiffre d'affaires des repas de groupe pour lesquels les boissons étaient offertes apparait négligeable.

9. En deuxième lieu, M. et Mme B... soutiennent que le service a omis de prendre en compte qu'une partie du chiffre d'affaires de la SARL Asian wok a été réalisé par la vente de tickets de cinéma alors que la comptabilité a montré l'existence d'achats de billets de cinéma. Cependant, alors que les suppléments mentionnés sur les tickets Z journaliers représentent 53 494 euros au titre de l'échantillon de 72 tickets Z utilisés pour opérer la reconstitution en 2013, 53 102 euros au titre de l'échantillon de 70 tickets utilisés au titre de l'année 2014 et 49 948 euros au titre l'échantillon de 71 tickets utilisés pour l'année 2015, les achats comptabilisés de billets de cinéma ne représentaient respectivement que 15 557 euros au titre de l'ensemble de l'exercice 2013, 18 388 euros pour l'ensemble de l'exercice 2014 et 15 487 euros au titre de l'ensemble de l'exercice 2015. Aucune vente de places de cinéma n'a pu être identifiée sur les tickets " Z " retenus et aucun élément n'a permis au service de constater que des places de cinéma auraient bien fait l'objet d'une revente.

10. En troisième lieu, et ainsi qu'il a été dit, les appelants n'établissent pas que les données de la caisse enregistreuse sur les exercices vérifiés auraient été sauvegardées malgré l'édition de tickets Z journaliers.

11. En quatrième lieu, si M. et Mme B... soutiennent que l'administration a utilisé des monographies professionnelles, il résulte en réalité de l'instruction que ces dernières ont seulement permis d'apprécier la cohérence de la reconstitution du chiffre d'affaires, effectuée dans les conditions rappelées au point 7.

12. En cinquième lieu, les appelants soutiennent que l'analyse des échantillons retenus par le service montre une très faible représentation des week-ends et jours fériés alors que les habitudes de consommation de la clientèle à ces périodes sont différentes de celles de la clientèle en semaine. Cependant, alors que l'administration a retenu un échantillonnage de tickets Z journaliers prélevés aléatoirement représentant environ 20% des tickets remis pour chacun des exercices vérifiés pour effectuer la reconstitution de chiffres d'affaires. M. et Mme B... ne produisent aucun élément au soutien de leurs affirmations pour établir que l'échantillonnage réalisé ne serait pas représentatif des cycles d'activités du restaurant.

13. En sixième lieu, si les appelants se prévalent de ce que certaines journées apparaissent en double dans la reconstitution opérée par le service, ces erreurs de plume, reconnues par l'administration, sont demeurées sans incidence sur la détermination du chiffre d'affaires imposable.

14. En septième lieu, si M. et Mme B... estiment que les taux de " pertes, casses et offerts" retenus par le service conformément aux normes de la profession, soit 5 % pour l'intégralité des boissons embouteillées et 10 % pour la bière pression, sont insuffisants compte tenu des conditions particulières et propres à son exploitation, cette demande n'est appuyée d'aucun élément chiffré de nature à la justifier. Par ailleurs, ils ne peuvent se prévaloir utilement de taux de " perte casses et offerts " plus important que ceux retenus par le service pratiqué dans d'autres établissements alors qu'il n'est pas établi que les conditions d'exploitation des établissements auxquels la société se réfère auraient été strictement similaires, notamment en ce qui concerne la qualité des plats, les tarifs ou le type de clientèle.

15. En dernier lieu, les appelants ne sauraient se prévaloir d'une reconstitution de recettes opérée s'agissant d'une société ayant une activité qu'ils estiment comparable à celle de la SARL Asian wok et établie à Troyes pour revendiquer les ratios des liquides déterminés dans cette espèce et démontrer l'insuffisance du ratio de boissons retenus dans cadre de la reconstitution opérée par le service.

Sur les pénalités :

16. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

17. Pour établir l'existence d'un manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt. Pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l'administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l'acte comportant l'indication des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt.

18. En l'espèce, il résulte de l'instruction que les minorations relevées représentent environ 9 % du chiffre d'affaires de la société Asian Wok et concernaient notamment des recettes en espèces et ont présenté un caractère répétitif et constant. Par ailleurs, M. et Mme B..., en leur qualité d'associés à parts égales de la société et de gérante, pour la première, et de salarié, pour le second, ne pouvaient ignorer ces minorations. Il s'ensuit que l'administration rapporte la preuve du caractère délibéré des manquements qui leur sont imputables.

19. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté le surplus de leur demande. Par voie de conséquence, les conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2025.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24NT0221502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT02215
Date de la décision : 10/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : ELBAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-10;24nt02215 ?
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