Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2024 par lequel le préfet d'Ille-et Vilaine lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2406469 du 19 novembre 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 décembre 2024 et 13 avril 2025, M. A... B..., représenté par Me Oueslati, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 novembre 2024 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2024 par lequel le préfet d'Ille-et Vilaine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;
3°) d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2024 par lequel le préfet d'Ille-et Vilaine l'a assigné à résidence ;
4°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à venir, et à défaut, passé ce délai, sous astreinte d'un montant de 50 euros par jour de retard, et enfin de procéder à l'effacement du signalement dont il fait l'objet dans le système d'information Schengen aux fins de non admission ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'État.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- le jugement attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision méconnaît les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
- elle est illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de droit ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale par exception d'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de délai de départ volontaire ;
S'agissant de l'assignation à résidence :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire enregistré le 10 avril 2025, le préfet d'Ille-et Vilaine conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration, notamment son article
L. 211-2 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Vergne a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant pakistanais né en 1993, est entré en France pour la première fois le 4 août 2015 Après le rejet de ses demandes d'asile successivement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 24 mars 2016 et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 28 novembre 2016 et le 14 mars 2017, il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours prise à son encontre le 31 octobre 2017 par le préfet du Val-d'Oise, à laquelle il ne s'est pas conformé. Sa demande de réexamen de sa demande d'asile a été déclarée irrecevable par une décision de l'OFPRA du 27 juillet 2018 et son recours formé contre cette décision a été rejeté par la CNDA le 15 mars 2019. Une nouvelle mesure d'éloignement a été prise à son encontre le 10 août 2020 par le préfet des Hauts-de-Seine, mais l'intéressé s'est maintenu sur le territoire. Contrôlé par les services de la police aux frontières de Saint-Malo et entendu sur sa situation personnelle et administrative, il a fait l'objet, le 22 octobre 2024, d'un arrêté par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine, sur le fondement des 1°, 4° et 6° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 19 novembre 2024 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort du jugement attaqué qu'il comporte l'ensemble des signatures prévues par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, aucune disposition n'imposant, par ailleurs, que l'expédition notifiée aux parties comporte ces signatures. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article, et, par suite, de l'irrégularité du jugement attaqué doit donc être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ;(...) / 6° L'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu les dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail. / Lorsque, dans le cas prévu à l'article L. 431-2, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la décision portant obligation de quitter le territoire français peut être prise sur le fondement du seul 4°. ".
5. Aux termes de l'article 21 de la convention d'application de l'accord de Schengen, signée à Schengen le 19 juin 1990 : " 1. Les étrangers titulaires d'un titre de séjour délivré par une des Parties Contractantes peuvent, sous le couvert de ce titre ainsi que d'un document de voyage, ces documents étant en cours de validité, circuler librement pour une durée n'excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours sur le territoire des autres Parties Contractantes (...) ". Aux termes de l'article 22 de cette convention : " 1. Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans les conditions fixées par chaque Partie contractante, aux autorités compétentes de la Partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque Partie contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la Partie contractante sur lequel ils pénètrent. (...) ". Aux termes de l'article R. 211-33 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable et dont les dispositions ont été reprises à l'article R. 621-2 du même code : " La déclaration d'entrée sur le territoire français est souscrite auprès des services de la police nationale ou, en l'absence de tels services, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale. A cette occasion, un récépissé est remis à l'étranger. Il peut être délivré par apposition d'une mention sur le document de voyage. L'étranger assujetti à l'obligation de déclaration doit être en mesure de justifier, à toute réquisition des agents de l'autorité, qu'il a satisfait à cette obligation, par la production de ce récépissé (...) ". La déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen et dont le caractère obligatoire résulte du premier alinéa de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile désormais codifié à l'article L. 621-3, conditionne la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un État partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire.
6. En premier lieu, le requérant fait valoir l'erreur de base légale commise par le préfet en se fondant sur le 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant au préfet d'éloigner un étranger lorsque celui-ci, " ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité " alors, d'une part, qu'il disposait d'un titre de séjour délivré par le Portugal, Etat partie à la convention Schengen, émis le 2 mars 2023 et valable jusqu'au 1er mars 2025, qui lui permettait d'entrer régulièrement en France et d'y circuler pour une durée maximale de 3 mois, et, d'autre part, que l'administration n'établit pas qu'à la date de la décision contestée, il était présent en France depuis plus de 90 jours. Toutefois, M. B... ne justifie pas avoir souscrit la déclaration d'entrée sur le territoire français prévue par les dispositions citées au point 5 et conditionnant la régularité de son entrée en France. Il a en outre déclaré, lors de son audition du 22 octobre 2024, exercer une activité de peintre en bâtiment auprès de l'entreprise Breizh Déco Peinture 35 qui l'a embauché grâce à son titre de séjour portugais, à Dol-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine), être arrivé dans cette ville un an auparavant après avoir travaillé en région parisienne, et être " parti au Portugal pendant deux trois ans ", vers 2021-2022, pays où il est retourné pendant trois jours entre le 2 et le 5 juillet 2024, déclarant disposer d'une carte d'embarquement Lisbonne-Paris à cette dernière date. S'il produit des documents attestant de mouvements bancaires au Portugal et d'un transfert d'argent effectué dans ce pays en septembre 2024, il n'établit pas, compte tenu de ses déclarations précédentes, qu'à la date de la décision litigieuse, il était présent en France depuis moins de quatre-vingt-dix jours. Le moyen tiré d'une méconnaissance du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.
7. En deuxième lieu, le requérant, dont il est constant que les demandes d'asile ont été définitivement rejetées par les instances compétentes, ne conteste pas la base légale du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui a également été retenue par le préfet d'Ille-et-Vilaine pour fonder la mesure d'éloignement litigieuse et qui était applicable à sa situation.
8. En troisième lieu, si la mesure d'éloignement a aussi été prise sur le fondement du 6° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inapplicable à la situation de M. B... dès lors que celui-ci était présent en France depuis plus de trois mois, il résulte de l'instruction que le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur les seuls 1° et 4° du même article. Le moyen doit donc être écarté.
En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :
9. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire n'étant pas annulée, le moyen tiré de ce que le refus de délai de départ volontaire devrait être annulé par voie de conséquence ne peut être accueilli.
10. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. ".
11. En l'espèce, il n'est pas contesté que M. B... a fait l'objet d'une première décision portant obligation de quitter le territoire français prise par le préfet du Val-d'Oise le 31 octobre 2017, et d'une deuxième décision de même nature le 10 août 2020 prise par le préfet des Hauts-de-Seine. L'intéressé, qui ne justifie pas avoir souscrit la déclaration d'entrée sur le territoire prévue par les dispositions citées au point 5, n'établit pas être entré régulièrement sur le territoire français, ni qu'il aurait déposé une demande de titre de séjour depuis son arrivée en France. Il a affirmé lors de son audition par les services de police ne pas avoir en sa possession l'original de son passeport. Pour ces motifs, le préfet d'Ille-et Vilaine pouvait estimer qu'il existait un risque que M. B..., qui avait déjà fait l'objet de deux mesures d'éloignement en 2017 et 2020, se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet et refuser de lui octroyer un délai de départ volontaire sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et bien que le requérant ait déclaré lors de son audition qu'il était disposé à quitter le territoire pour se rendre au Portugal, où il était légalement admissible sous couvert du titre de séjour portugais dont il est titulaire, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
12. La décision portant refus de départ volontaire n'étant pas annulée, le moyen tiré par M. B... de ce que l'interdiction de retour sur le territoire français d'un an édictée à son encontre devrait être annulée par voie de conséquence ne peut être accueilli.
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
13. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français dont fait l'objet M. B... n'étant pas annulée, le moyen tiré de ce que l'assignation à résidence devrait être annulée par voie de conséquence ne peut être accueilli.
14. En second lieu, M. B..., à qui il appartient de l'établir, n'apporte aucun élément susceptible d'établir que son éloignement ne demeurerait pas une perspective raisonnable. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
15. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 octobre 2024 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Ses conclusions à fin d'injonction et celles fondées sur les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et Vilaine.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Marion, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2025.
Le rapporteur,
G-V. VERGNE
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT036042