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06/06/2025 | FRANCE | N°24NT02968

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 06 juin 2025, 24NT02968


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du directeur du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) du 8 mars 2024 portant retrait de sa carte professionnelle et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une telle carte.



Par un jugement n° 2402264 du 16 septembre 2024, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à ces conclusions.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 18 octobre 2024, le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du directeur du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) du 8 mars 2024 portant retrait de sa carte professionnelle et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une telle carte.

Par un jugement n° 2402264 du 16 septembre 2024, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à ces conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 octobre 2024, le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), représenté par Me Claisse, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 septembre 2024 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le jugement est irrégulier, faute d'être signé, en méconnaissance de l'article R 741-7 du code de justice administrative ;

- une erreur d'appréciation a été commise dans la mesure où le comportement de M A... est incompatible avec l'exercice d'une activité de sécurité privée ; l'intéressé est inscrit au Fichier des personnes recherchées ; la note blanche du 26 avril 2024 révèle un comportement de l'intéressé incompatible avec la profession d'agent de sécurité.

Par un mémoire enregistré le 27 décembre 2024, M. B... A..., représenté par Me Luchez, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du CNAPS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- Vu le code de procédure pénale ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vergne,

- les conclusions de M. Catroux,

- et les observations de Me Debray, représentant le CNAPS, et de Me Luchez, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... est titulaire d'une carte professionnelle d'une durée de validité de cinq ans l'autorisant à exercer une activité privée de sécurité de gardiennage ou de surveillance humaine pouvant inclure l'usage de moyens électroniques, qui lui a été délivrée par le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) le 7 juillet 2022 et que cette même autorité lui a retirée par une décision du 8 mars 2024. Le CNAPS relève appel du jugement du 16 septembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé cette dernière décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il ressort de la minute du jugement du dossier de première instance que celle-ci comporte la signature de la présidente de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit en conséquence être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu'elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités qui consistent : / 1° A fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de personnes ; (...) ". L'article L. 612-20 du même code dispose que " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : / 2° S'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l'État territorialement compétent et individuellement désignés, des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées ; / (...) / La carte professionnelle peut être retirée lorsque son titulaire cesse de remplir l'une des conditions prévues aux 1°, 2°, 3°, 4° et 5° du présent article. / (...) / En cas d'urgence, le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité peut retirer la carte professionnelle. En outre, le représentant de l'État peut retirer la carte professionnelle en cas de nécessité tenant à l'ordre public ".

4. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle est saisie d'une demande de délivrance ou de renouvellement de carte professionnelle pour l'exercice du métier d'agent privé de sécurité, l'autorité administrative compétente procède à une enquête administrative. Cette enquête, qui peut notamment donner lieu à la consultation du traitement automatisé de données à caractère personnel mentionné à l'article R. 40-23 du code de procédure pénale, vise à déterminer si le comportement ou les agissements de l'intéressé sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat, et s'ils sont ou non compatibles avec l'exercice des fonctions d'agent privé de sécurité. Pour ce faire, l'autorité administrative procède, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, à une appréciation globale de l'ensemble des éléments dont elle dispose. A ce titre, si la question de l'existence de poursuites ou de sanctions pénales est indifférente, l'autorité administrative est en revanche amenée à prendre en considération, notamment, les circonstances dans lesquelles ont été commis les faits qui peuvent être reprochés au pétitionnaire ainsi que la date de leur commission.

5. La décision en litige du 8 mars 2024 procède au retrait de la carte professionnelle dont est titulaire M. A... au motif qu'il ressort " des éléments portés à la connaissance du CNAPS que [l'intéressé] a un comportement de nature à compromettre ou faciliter des actes de violence lors de l'exercice de ses fonctions, ce qui représente, compte tenu des missions confiées à un agent de sécurité, en contact avec le public, un risque sécuritaire ; qu'au regard de la sensibilité des missions confiées aux agents privés de sécurité et de la nécessité qui en découle de vérifier qu'ils présentent toutes les garanties nécessaires à la préservation de la sécurité publique, à laquelle ils concourent, le comportement de M. A... est incompatible avec l'exercice de ses fonctions ".

6. Pour justifier le bien-fondé de la décision en litige, le CNAPS, qui rappelle l'inscription de M. A... au fichier des personnes recherchées, a produit devant les premiers juges une note blanche des services de renseignements énonçant que M. A... " s'est illustré par plusieurs actions publiques reflétant son militantisme auprès de la mouvance d'ultra-droite ". Cette note indique que M. A... a été interpellé et placé en garde-à-vue en octobre 2014, pour des faits de violences volontaires aggravées par une circonstance homophobe à La Roche-Sur-Yon, qu'il a participé au défilé organisé à Vannes en avril 2015 par les militants du parti indépendantiste breton ADSAV, qu'il a distribué des tracts hostiles à la présence de M. C... D... au salon du livre de Quimper en mai 2015, qu'il a manifesté son opposition au " Festy Gay " organisé à Gourin en août 2015 en déployant des banderoles affichant le logo du mouvement " renouveau français ", qu'il a été interpellé après avoir été exclu d'un festival de musique métal " Motocultor " à Saint-Nolff, en août 2015, après avoir quitté les lieux en effectuant des saluts nazis et, enfin, qu'il a participé à une manifestation hostile à l'implantation d'un centre d'accueil de migrants sur la commune de Mené, qui s'est tenue à Langouria en septembre 2018.

7. M. A... a fait toutefois valoir devant les premiers juges, sans être contredit, qu'il n'était pas inscrit au fichier " Traitement des antécédents judiciaires " et que son casier judiciaire était vierge de toute condamnation, et il a produit deux courriers de réponse négative, en 2022, à ses demandes de recherche d'antécédents le concernant sur les fichiers de la police et de la gendarmerie. S'agissant des faits mentionnés au point 6, à l'origine de son inscription au fichier des personnes recherchées, il reconnaît seulement avoir entretenu des relations avec des associations nationalistes lorsqu'il était plus jeune avant de rompre définitivement avec elles en 2017, " au seuil de l'âge des responsabilités et de la maturité ", et avoir participé, " à l'adolescence et au début de l'âge adulte ", à quelques actions de militantisme politique en se joignant à des manifestations ou en distribuant des tracts ou des autocollants, mais " à l'exclusion de toute violence " et de toute implication dans des rixes. Le CNAPS ne produit quant à lui aucun élément de nature à corroborer les faits mentionnés dans la note blanche produite, qui, bien que faisant état d'événements précis, ne suffit pas, à elle seule, pour que ces faits puissent être tenus pour établis, de même que l'inscription de M. A... au fichier des personnes recherchées. Les seuls faits dont la matérialité est admise par M. A..., eu égard à leur ancienneté ou à leur nature, ne sont pas suffisants pour établir que le comportement de l'intéressé à la date de la décision prise à son encontre était de nature à compromettre ou faciliter des actes de violence lors de l'exercice de ses fonctions, l'intéressé expliquant avoir totalement et définitivement rompu, depuis plus de six ans, avec les milieux extrémistes qu'il fréquentait antérieurement. Le CNAPS ne fait valoir de son côté aucun comportement répréhensible récent de la part de M. A..., ni aucun élément allant à l'encontre de la rupture alléguée par l'intéressé avec ses anciennes fréquentations et susceptible de justifier un retrait en urgence de sa carte professionnelle sur le fondement du 2° de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'après que lui a été délivrée cette carte, valable 5 ans, par une décision du 7 juillet 2022 indiquant " qu'il ressort de l'enquête administrative que le demandeur n'a pas manifesté un comportement ou commis des agissements contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et incompatibles avec l'exercice d'activités privées de sécurité ", M. A... aurait commis de tels faits ou manifesté un tel comportement et cet intimé produit plusieurs attestations de collègues, de formateurs ou de responsables de l'entreprise qui l'emploie, avec qui il a travaillé, manifestant leur confiance et témoignant de ses qualités personnelles et professionnelles.

8. Dans ces conditions, si les éléments préoccupants auxquels l'administration a accédé pouvaient susciter des inquiétudes et justifiaient une vigilance particulière, le CNAPS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé sa décision du 8 mars 2024 en retenant le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dans la mise en œuvre des dispositions du 2° de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au CNAPS de la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CNAPS le versement à M. A... d'une somme de 1 000 euros au titre des mêmes frais.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du CNAPS est rejetée.

Article 2 : Le CNAPS versera à M. A... la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A... et au Conseil national des activités privées de sécurité.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Brisson, présidente,

M. Vergne, président-assesseur,

Mme Marion, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2025.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

Y. MARQUIS

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 24NT02968


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT02968
Date de la décision : 06/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS CLAISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-06;24nt02968 ?
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