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06/06/2025 | FRANCE | N°24NT01695

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 06 juin 2025, 24NT01695


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. C... H... et Mme D... H... ont demandé au tribunal administratif de Nantes, à titre principal, de condamner le centre hospitalier universitaire de Nantes à verser, en réparation des préjudices résultant de la prise en charge de M. C... H... dans cet établissement, la somme de 61 911,43 euros à celui-ci et celle de 15 000 euros à Mme D... H..., et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise avant dire droit.



Par un jugement n° 2003093 du 11 avril 2024, l

e tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. et Mme H....



Procédure devan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... H... et Mme D... H... ont demandé au tribunal administratif de Nantes, à titre principal, de condamner le centre hospitalier universitaire de Nantes à verser, en réparation des préjudices résultant de la prise en charge de M. C... H... dans cet établissement, la somme de 61 911,43 euros à celui-ci et celle de 15 000 euros à Mme D... H..., et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise avant dire droit.

Par un jugement n° 2003093 du 11 avril 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. et Mme H....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 juin 2024, M. C... H... et Mme D... H..., représentés par Me Raffin, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 avril 2024 ;

2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier universitaire de Nantes à verser, en réparation des préjudices résultant de la prise en charge fautive de M. C... H..., la somme de 78 107,43 euros à celui-ci et celle de 30 000 euros à Mme D... H..., avec application sur ces sommes d'un taux de perte de chance qui ne saurait être inférieur à 55 %, et application des intérêts au taux légal à compter de la date de leur réclamation préalable ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise judiciaire avant dire droit ;

4°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Nantes aux entiers dépens, incluant les frais d'expertise judiciaire ;

5°) de désigner un expert ergothérapeute pour que soit chiffré l'aménagement de la maison de M. H... et le coût de la téléassistance justifiée par son état de santé ;

6°) de déclarer l'arrêt commun et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique ;

7°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nantes la somme de 3 000 euros à leur verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Nantes ayant pris en charge M. C... H... est engagée en raison des fautes suivantes :

. un refus fautif de prise en charge adaptée de M. H... au sein d'une unité neuro-vasculaire, permettant la réalisation d'une thrombolyse, comme son état le justifiait compte tenu de la chronologie de sa prise en charge, les premiers symptômes d'AVC n'étant apparus qu'aux alentours de 19 h ;

. un retard dans la prise en charge diagnostique compte tenu d'un scanner effectué près de deux heures après son arrivée en urgence, de qualité sous-optimale, resté jusqu'au lendemain en attente de relecture par un neuro-radiologue, et qui n'a été complété que le lendemain par une IRM réalisée en semi-urgence ;

. un retard de diagnostic, lequel n'a pas été posé le 19 avril mais le 20 avril ; un retard de prise en charge thérapeutique en l'absence d'administration immédiate d'un traitement anticoagulant, pourtant préconisé même en cas d'aspect hémorragique à l'imagerie ;

. un transport intra-hospitalier du patient en position assise, laquelle était contre-indiquée ;

. une négligence dans le diagnostic et la prise en charge de la maladie d'Horton dont le patient a été reconnu porteur.

- leurs préjudices doivent être indemnisés en tenant compte d'une perte de chance d'éviter les séquelles dont reste atteint M. H... qui ne saurait être inférieure à 55 % ;

- ces préjudices doivent être indemnisés comme suit :

. en ce qui concerne M. H... : 6 735 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ; 10 000 euros au titre des souffrances endurées ; 2 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ; 34 375 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ; 4 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ; 4 497,93 euros au titre des frais d'aménagement du logement ; 1 000 euros au titre du préjudice d'anxiété ; 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément ; 5 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

. en ce qui concerne Mme H... : 15 000 euros au titre du préjudice moral et d'affection ; 15 000 euros au titre du préjudice d'accompagnement.

- la cour disposant d'un rapport d'expertise judiciaire et d'un rapport d'expertise privé dont les conclusions diffèrent il convient d'ordonner une nouvelle expertise avant dire droit.

Par un mémoire enregistré le 3 juillet 2024, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Ravaut, conclut à sa mise hors de cause.

Il fait valoir que :

- les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas remplies ;

- la responsabilité fautive de l'hôpital exclut sa mise en cause ; aucun acte de soin ni accident médical non fautif n'est à l'origine du dommage de M. H....

Par un mémoire enregistré le 16 juillet 2024, la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 avril 2024 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Nantes à lui verser la somme de 58 067,40 euros représentant le montant des prestations servies au titre de l'assurance maladie, à hauteur, au moins, du taux de perte de chance retenu par le tribunal ;

3°) d'assortir ces sommes des intérêts légaux, avec anatocisme, à compter de la date d'enregistrement du mémoire enregistré le 5 août 2020 ;

4°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Nantes à lui verser la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nantes la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le centre hospitalier universitaire de Nantes a commis une faute caractérisée par une prise en charge tardive et incomplète de l'AVC subi par M. H..., à l'origine d'une perte de chance pour ce dernier d'éviter ses séquelles ;

- les prestations liées à la faute du centre hospitalier universitaire de Nantes et versées à l'occasion de la prise en charge de M. H... représentent la somme totale de 58 067,40 euros.

Par un mémoire enregistré 7 novembre 2024, le centre hospitalier universitaire de Nantes, représenté par le cabinet d'avocats Le Prado et Gilbert, demande à la cour de rejeter la requête de M. et Mme H... et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique.

Il fait valoir que :

- l'heure d'apparition des premiers signes d'AVC chez M. H... ne saurait être fixée à 19 h ;

- l'état de santé de M. H... ne justifiait pas qu'il soit transporté par le SAMU en position allongée ; le diagnostic d'AVC a été réalisé dès le 19 avril 2017, sans délai ;

- dans le cas de M. H..., il n'existait aucune indication thérapeutique à la réalisation d'une thrombolyse ; par ailleurs, le traitement mis en place le 20 avril 2017 est un traitement visant à éviter les récidives ;

- aucune perte de chance ne pourra être retenue ;

- sa responsabilité ne pouvant être engagée, les demandes de la CPAM devront être rejetées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vergne,

- les conclusions de M. Catroux, rapporteur public,

- et les observations de Me Berthou, représentant M. et Mme H..., et F..., représentant le CHU de Nantes.

Une note en délibéré, enregistrée le 21 mai 2025, a été présentée pour M. H....

Considérant ce qui suit :

1. Le 19 avril 2017, M. C... H..., alors âgé de 71 ans, qui tronçonnait des arbres dans sa propriété, a connu un malaise important se traduisant par des vomissements bilieux irrépressibles associés à un engourdissement du côté droit, du visage et à des troubles de la vision. Il a pu rentrer chez lui et son épouse a contacté les services du SAMU par téléphone. Il a été admis au sein du service des urgences du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes à 21 h 50 et un scanner cérébral y a été réalisé à 23 h 44. M. H... a ensuite été hospitalisé au sein du service de médecine interne de l'Hôtel Dieu, relevant du CHU de Nantes, où une imagerie par résonnance magnétique (IRM) a été effectuée, le 20 avril 2017, en semi-urgence, permettant de conclure à l'existence de multiples lésions ischémiques récentes, d'un AVC de la fosse postérieure et d'une possible poussée de vascularite dans un contexte de maladie de Horton. M. H... a ensuite été transféré, à partir, du 20 avril, pour surveillance clinique, en unité neuro-vasculaire à l'hôpital Laënnec (CHU de Nantes), où il est resté jusqu'au 4 mai 2017, puis au sein de l'hôpital Saint-Jacques (CHU de Nantes) en service de médecine physique et de réadaptation neurologique, où il a été hospitalisé du 4 mai au 28 juillet 2017, date à laquelle il a pu rejoindre son domicile. L'intéressé restant atteint de séquelles, M. et Mme H... ont sollicité en référé auprès du tribunal administratif de Nantes l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire qui a été confiée à un médecin spécialisé en réparation du dommage corporel, assisté d'un sapiteur neurologue vasculaire. Ces experts ont rendu leur rapport le 30 septembre 2019. M. et Mme H..., qui ont vainement demandé une indemnisation au CHU de Nantes, relèvent appel du jugement du 11 avril 2024 par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à l'indemnisation de leurs préjudices pour des montants respectifs de 61 911,43 euros et 15 000 euros, portés en appel à 78 107,43 euros et 30 000 euros, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis lors de la prise en charge selon eux fautive de M. C... H.... La caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique conteste également ce jugement et demande la condamnation du CHU de Nantes à lui rembourser ses débours.

Sur la responsabilité du centre hospitalier :

2. D'une part, aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

3. D'autre part, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public de santé a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage advienne. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel, déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que, compte tenu d'une orientation du diagnostic téléphonique du médecin régulateur urgentiste du SAMU vers un accident vasculaire cérébral (AVC) cérébelleux, constituant une urgence diagnostique et thérapeutique, M. H... aurait dû en principe être orienté vers l'unité neurovasculaire du CHU de Nantes, située à l'hôpital Nord Laënnec. Un contact téléphonique a d'ailleurs été pris à cette fin vers 21h30 par ce médecin régulateur avec le neurologue de garde dans ce service, qui a répondu qu'en l'absence, compte tenu du temps supérieur à 4h30 écoulé depuis les premiers symptômes qui lui étaient rapportés, d'indication en faveur de la réalisation d'une fibrinolyse, opération permettant de dissoudre ou de retirer un éventuel caillot sanguin ischémique, et de lit disponible, M. H... ne pouvait pas être accueilli dans le service. M. H... alors été orienté vers les urgences de l'" Hôtel Dieu ", où il a été admis à 21h50. Les experts rappellent que tout accident vasculaire doit être pris en charge le plus tôt possible dans une unité de chirurgie vasculaire, et qu'il doit être constaté un " manifeste défaut de prise en charge initiale " de M. H..., " qui peut être considérée comme nettement retardée ", mentionnant en particulier que le scanner " n'a été, en fait, réalisé que dans un délai beaucoup trop long ", vers 23h45 " avec une interprétation qui n'était pas complète ", évoquant aussi un examen " de qualité sous-optimale ". Ces conclusions sont en cohérence avec les recommandations de bonne pratique professionnelle, citées par les experts, visant au transfert le plus rapide possible du patient vers une unité spécialisée et, à la réalisation sans attente d'une IRM (voire d'un scanner de perfusion) pour permettre la thrombolyse et/ou la thrombectomie ". L'expert et son sapiteur, en réponse à une analyse critique du dossier de M. H... établi par le professeur B... à la demande des appelants, ont d'ailleurs admis que " le patient aurait dû être pris en charge à l'hôpital Nord Laënnec où le dispositif de prise en charge neurovasculaire est parfaitement efficient entre les différents acteurs neurologues, neuroradiologues, biologistes ".

5. Toutefois, si des fautes sont susceptibles d'engager la responsabilité du CHU de Nantes, elles ne le peuvent que pour les conséquences en ayant résulté directement et certainement ou en raison d'une perte de chance causée au patient. Or, il ne résulte pas de l'instruction, d'une part, que le médecin sollicité du service de neurochirurgie aurait commis une faute en refusant d'admettre M. H... dans son service pour y réaliser une fibrinolyse, compte tenu des éléments d'information qui lui étaient communiqués montrant qu'un délai trop long s'était déjà écoulé à partir de la manifestation des symptômes d'AVC, excluant la réalisation d'une opération de fibrinolyse utile et dépourvue de risques, ni, d'autre part, que le retard pris aux urgences pour réaliser le scanner requis par l'état de santé du patient et pour en exploiter les résultats par une relecture par un neuroradiologue aurait fait perdre à M. H... une chance d'échapper à tout ou partie des séquelles dont il reste atteint. Les experts ne déduisent pas de ce retard de réalisation du scanner, ni des circonstances, également critiquables, que le patient a été soigné aux urgences générales par un interne dont le diagnostic n'a été confirmé par un médecin sénior que le lendemain et que ce n'est qu'à cette date qu'a été réalisée et exploitée une IRM, examen complémentaire plus performant qui a révélé des " lésions ischémiques récentes ", confirmant le diagnostic d'" AVC multiples récents ", une perte de chance pour le patient d'accéder plus vite à des soins déterminés qui lui auraient permis de mieux récupérer ou d'éviter une dégradation de son état de santé, ni aucune conséquence, en termes d'accès en temps utile à une prise en charge qui aurait été efficace. Enfin, à supposer même qu'il soit retenu que le malaise de M. H... aurait eu lieu à 19h comme il le soutient, et non dans l'après-midi comme il l'avait déclaré aux experts, ceux-ci considèrent, dans une chronologie reconstituée tenant compte de cette hypothèse et d'une prise en charge optimale du patient, que la réalisation d'une fibrinolyse pour M. H..., si elle avait été discutée, n'aurait pas été pour autant indiquée, eu égard à l'analyse risque/bénéfice très mitigée, voire défavorable, qu'auraient faite les médecins, compte tenu de la situation de santé particulière et de l'état antérieur de ce patient. Le docteur A..., sapiteur neurologue, expose ainsi qu'il n'y avait chez M. H... " aucune indication à la réalisation d'une fibrinolyse dans le contexte de suspicion d'une maladie de Horton [ultérieurement confirmée] et de la présence d'antécédents de céphalées et d'une pseudopolyarthrite rhizomélique traitée par corticothérapie ", ajoutant qu'elle était non seulement inutile mais qu'elle aurait pu avoir un effet délétère. Dans le compte rendu très affirmatif qu'il a rédigé en tant que sapiteur neurologue, il insiste sur le fait que le schéma théorique de prise en charge conduisant à effectuer une fibrinolyse jusqu'à 4h30 après les premiers signes, schéma pertinent pour le " plus grand pourcentage des AVC ischémiques " ne l'était pas pour l'AVC de M. H..., compte tenu de la vascularite dont celui-ci était atteint, comportant des risques de saignements spontanés, et de la complexité de la situation particulière de ce patient, présentant des AVC plus anciens sur l'IRM (contre-indication relative), des infarctus multiples d'âges différents dont ceux s'étant produits plus de 4h30 auparavant qui risquaient de saigner (contre-indication absolue), et une vascularite ou une maladie de Horton en cours de diagnostic qui devait inciter les opérateurs à une grande prudence.

6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction qu'un premier diagnostic, qui n'était pas inexact, d'" AVC ischémique phase précoce sur maladie de Horton " a été posé par l'interne de garde, dans la nuit du 19 au 20 avril 2017, après examen du patient et lecture des résultats du scanner (TDM) réalisé à partir de 23h45, ce qui ressort d'une observation médicale datée du 20 avril à 01h51 à laquelle les experts ont eu accès et dont le contenu est reproduit dans leur rapport. Si le requérant, se fondant sur l'analyse de son dossier médical réalisée le 9 septembre 2019 à sa demande par un professeur de neurologie, soutient que ce diagnostic a été posé plus tard, dans la matinée du 20 avril 2017, cette critique est réfutée par les experts, qui se fondent sur les éléments inscrits à ce dossier dès 21h11 le 19 avril, mentionnant des signes cliniques évocateurs sans ambiguïté d'un AVC, diagnostic confirmé par la suite par les résultats du scanner. Si ce diagnostic n'a été communiqué à M. H... que dans la matinée du 20 avril 2017, il a été formulé plus tôt et ne peut être considéré comme présentant un caractère tardif. La faute alléguée, consistant dans la réalisation d'un diagnostic d'AVC le lendemain seulement de l'arrivée de M. H... aux urgences et rectifiant un diagnostic initial erroné, ne peut être retenue.

7. En troisième lieu, les appelants, qui se prévalent des recommandations émises par l'ANAES en septembre 2002 pour la prise en charge des patients adultes atteints d'AVC, prévoyant l'administration dès que possible de traitements anti-thrombotiques et de traitements anti-coagulants, y compris en cas d'aspect hémorragique à l'imagerie, soutiennent que la mise en place pour M. H... d'un traitement antiagrégant plaquettaire et l'introduction de Tahor (atorvastatine) le 20 avril 2017, et non la veille, ont été tardives. Toutefois, il ressort du rapport d'expertise judiciaire que, envisageant l'éventualité d'une perte de chance du patient liée à l'absence de mise en route précoce de ce traitement et admettant que " la prise en charge de M. H... n'avait pas été optimale ", l'expert et son sapiteur ont considéré qu'aucune perte de chance ne pouvait être retenue, après avoir indiqué que les traitements par antiagrégant plaquettaire n'ont aucun effet curatif sur un accident vasculaire cérébral constitué, les seuls traitements curatifs pour l'AVC étant la thrombolyse par intraveineuse et la thrombectomie, mais ont pour seul effet de diminuer le risque de récidive précoce d'AVC. Alors qu'il n'est pas fait état par les experts et qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une ou plusieurs récidives d'AVC seraient survenues entre l'admission aux urgences de M. H... et le démarrage, le lendemain, de la médication destinée à prévenir la récidive de ce type d'accident, aucune perte de chance indemnisable ne peut être retenue.

8. En quatrième lieu, si les appelants soutiennent que M. H... aurait dû être transporté, entre les différentes unités de soins ou établissements relevant du CHU de Nantes, en position allongée et non en fauteuil roulant, il résulte de l'instruction, et notamment du compte rendu du sapiteur neurologue vasculaire du 6 juillet 2018, que l'état de santé de l'intéressé ne présentait aucune contre-indication à un transport en position assise. Cette modalité de transport ne présentait, par suite, aucun caractère fautif susceptible d'engager la responsabilité du CHU de Nantes. De même, s'il est déploré par M. H... qu'il lui ait été donné la permission de se lever durant son hospitalisation, ce qui était selon lui " particulièrement délétère pour des raisons hémodynamiques et gravitationnelles évidentes, puisque cela peut diminuer la perfusion cérébrale et favoriser les lésions vasculaires cérébrales ischémiques et, partant, aggraver notablement le handicap ", une telle affirmation, qui n'est pas conforme à la position du sapiteur résumée ci-dessus, n'est étayée par aucun autre document médical.

9. En cinquième lieu, si les appelants soulignent la qualité sous-optimale ou le caractère incomplet de certains examens, notamment du scanner réalisé le 19 avril, de l'IRM du 20 avril, dont certaines insuffisances sont soulignées, dans un certificat établi à la demande des appelants par le docteur E..., neuroradiologue, ou encore la réalisation tardive ou différée d'investigations ophtalmologiques ou d'un doppler des troncs supra-aortiques et de l'artère temporale, il ne peut en être déduit, en l'état du dossier, une perte de chance pour M. H..., du fait de ces retards ou insuffisances, d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à une aggravation de celui-ci.

10. En sixième lieu, il ne résulte pas de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que des négligences fautives auraient été commises dans la prise en charge de la maladie de Horton dont M. H... a été reconnu porteur, dont le diagnostic est complexe, a pu être compliqué par la survenance de l'AVC du patient et n'a pu être posé de manière certaine que l'année suivante. Le compte rendu du sapiteur neurologue mentionne d'ailleurs qu' "aucun signe franc clinique ne justifiait des recherches plus poussées avant avril 2017 " . Il ne résulte pas de l'instruction, en tout état de cause, qu'une éventuelle insuffisance dans le diagnostic, la prise en compte ou le traitement de cette maladie aurait eu des conséquences péjoratives soit sur la prise en charge de l'AVC de M. H... à l'origine des préjudices dont celui-ci demande l'indemnisation dans le cadre de la présente instance, soit même sur les conséquences propres de la maladie de Horton dont il a été reconnu porteur ou le développement de cette maladie.

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner avant dire droit les expertises sollicitées, que les appelants, bien que l'instruction révèle certaines insuffisances dans la qualité ou l'enchaînement des examens pratiqués au CHU de Nantes, admises par l'expert et son sapiteur, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté totalement leur demande tendant à l'indemnisation de leurs préjudices. Il en est de même pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique en ce qui concerne le remboursement de ses débours et le bénéfice de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mis à la charge du CHU de Nantes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que M. et Mme H... et la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique réclament à ce titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme H... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... H..., à Mme D... H..., au centre hospitalier universitaire de Nantes, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Copie en sera transmise pour information à l'expert.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme H..., présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Marion, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2025.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

La présidente,

C. G...

Le greffier,

Y. MARQUIS

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT01695


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01695
Date de la décision : 06/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : SELARL THOMAS TINOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-06;24nt01695 ?
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