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23/05/2025 | FRANCE | N°24NT00916

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 23 mai 2025, 24NT00916


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... B..., M. D... B... et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 24 octobre 2022 par lesquelles les autorités consulaires françaises à Abidjan (République de Côte d'Ivoire) ont refusé de délivrer à M. D... B... et à M. C... B... des visas d'entrée et de long séjour en qualité d'enfants majeurs d'un ressortissant français.





Par un jugement n° 2303635 du 23 février 2024, le tribunal ad

ministratif de Nantes a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... B..., M. D... B... et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 24 octobre 2022 par lesquelles les autorités consulaires françaises à Abidjan (République de Côte d'Ivoire) ont refusé de délivrer à M. D... B... et à M. C... B... des visas d'entrée et de long séjour en qualité d'enfants majeurs d'un ressortissant français.

Par un jugement n° 2303635 du 23 février 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 mars et 18 mai 2024, M. D... B... et M. C... B..., représentés par Me Mba-N.Kamagne, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler les décisions du 24 octobre 2022 des autorités consulaires françaises à Abidjan refusant de leur délivrer des visas de long séjour en tant qu'enfants majeurs de ressortissants français ;

3°) d'enjoindre aux autorités consulaires de leur délivrer les visas de long séjour sollicités, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur filiation paternelle avec un ressortissant français est établie par les actes d'état civil produits ;

- leurs parents disposent de ressources suffisantes et d'un logement adapté pour les accueillir en France ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il se réfère à ses écritures de première instance et soutient, en outre, que les jugements supplétifs d'actes de naissance ayant permis de délivrer des actes de naissance aux requérants huit et neuf ans après leur naissance ne sont pas produits, ce qui retire à ces actes tout caractère probant.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 23 février 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. B... et autres tendant à l'annulation des décisions du 24 octobre 2022 par lesquelles les autorités consulaires françaises à Abidjan ont refusé de délivrer à M. D... B... et à M. C... B... des visas de long séjour en qualité d'enfants majeurs à charge d'un ressortissant français. M. D... B... et à M. C... B... relèvent appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. ".

3. En vertu des dispositions citées au point précédent, la décision implicite née le 23 janvier 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé le 23 novembre 2022 par M. A... B... contre les décisions du 24 octobre 2022 des autorités consulaires françaises à Abidjan refusant à M. D... B... et à M. C... B... la délivrance de visas de long séjour en qualité d'enfants majeurs à charge d'un ressortissant français, s'est substituée à ces décisions des autorités consulaires. Par suite, les conclusions à fin d'annulation de ces décisions doivent être regardées comme dirigées contre la seule décision implicite de la commission de recours.

4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Sauf s'il est exempté de cette obligation, des visas exigés par les conventions internationales et par l'article 6, paragraphe 1, points a et b, du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ; (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

6. Enfin, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

7. Il ressort des mémoires en défense produits en première instance et en appel par le ministre de l'intérieur et des outre-mer que la commission de recours a implicitement rejeté le recours de M. A... B... contre les refus de visas opposés à M. D... B... et à M. C... B... aux motifs, d'une part, que les extraits du registre des actes d'état civil produits sont dépourvus de caractère probant en l'absence des jugements supplétifs d'actes de naissance auxquels ils se réfèrent, de telle sorte que les liens de filiation allégués avec M. A... B... ne sont pas établis, d'autre part, que les demandeurs de visas ne peuvent être regardés comme à charge d'un ressortissant français.

8. Il ressort des pièces du dossier que, pour établir leur identité ainsi que les liens de filiation les unissant à M. A... B..., M. D... B... et M. C... B... ont produit, à l'appui de leurs demandes de visas, des copies intégrales du registre des actes de l'état civil de la commune de Tiebissou pour les années 2010 et 2011, établies les 18 février et 26 juillet 2021 par l'officier de l'état civil de cette commune, attestant de la délivrance des actes de naissance n°2275 du 31 décembre 2010 et n°1217 du 16 décembre 2011, en exécution des jugements supplétifs d'actes de naissance n°5406 et n°8522 rendus, les 10 septembre 2010 et 23 août 2011, par le tribunal de première instance de Bouaké. Les requérants produisent, en outre, pour la première fois en appel, les réquisitions du procureur de la République près le tribunal de première instance de Bouaké aux fins de vérification de la destruction, la détérioration ou de la disparition des registres d'état civil des années 2010 et 2011 de la commune de Tiebissou, les certificats établis par l'officier de l'état civil de cette commune en réponse à ces réquisitions attestant de la destruction, de la détérioration ou de la disparition de ces registres, les conclusions écrites du ministère public demandant que les actes de naissance n°2275 et 1217 soient transcrits dans les registres de l'état civil de l'année en cours, les ordonnances du 25 mars 2024 du président du tribunal de première instance de Bouaké faisant droit à cette demande, ainsi que les actes n°762 et 763 établis le 17 avril 2024, en exécution de ces ordonnances. Ces actes, dont le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'établit pas ni même n'allègue qu'ils seraient irréguliers, falsifiés ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondraient pas à la réalité sont de nature à établir l'identité des demandeurs de visas, ainsi que les liens de filiation qui les unissent à M. A... B.... Par suite, en estimant que ces liens ne sont pas établis, et en rejetant pour ce motif, le recours de ce dernier, la commission a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article 47 du code civil.

9. En troisième lieu, lorsqu'elle est saisie d'un recours dirigé contre une décision diplomatique ou consulaire refusant la délivrance d'un visa de long séjour à un ressortissant étranger qui fait état de sa qualité d'enfant à charge d'un ressortissant français, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France peut légalement fonder sa décision de rejet sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son ascendant dès lors qu'il dispose de ressources propres, que son ascendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins ou ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.

10. Si les requérants soutiennent que les visas de long séjour ont été sollicités pour poursuivre leurs études universitaires en France, il ressort du formulaire de demande de visa de M. D... B..., que ce dernier a déclaré une activité professionnelle. Par ailleurs, s'il ressort de l'avis d'imposition au titre des revenus de l'année 2022 que M. A... B... et son épouse disposent de ressources suffisantes pour accueillir leurs deux enfants majeurs en France, il n'est pas établi ni même allégué que les intéressés pourvoiraient régulièrement aux besoins de leurs enfants. Par suite, M. D... B... et M. C... B... ne peuvent être regardés comme étant à la charge de leur père, ressortissant français. Aussi, en rejetant pour ce motif, le recours formé par M. A... B... contre les refus de visas de long séjour opposés à ses deux enfants majeurs, la commission de recours n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Il résulte de l'instruction que la commission aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif.

11. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

12. M. D... B... et M. C... B... n'établissent pas être dépourvus d'attaches personnelles et familiales en République de Côte d'Ivoire, où ils ont vécu jusque-là, ni se trouver dans l'impossibilité de poursuivre leurs études supérieures dans ce pays. Dans ces circonstances, les refus de visas de long séjour qui leur ont été opposés ne portent pas une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie et familiale, au regard des motifs de ces décisions. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. D... B... et M. C... B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par ces derniers doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. D... B... et M. C... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E:

Article 1er : La requête de M. D... B... et de M. C... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à M. C... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2025.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFET La greffière,

A. MARCHAND

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00916


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00916
Date de la décision : 23/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : MBA N.KAMAGNE ROSE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-23;24nt00916 ?
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