Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer, à titre principal, la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2017 et, à titre subsidiaire, d'en prononcer la réduction.
Par un jugement n° 2202392 du 29 mai 2024, le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement d'un montant de 1 440 euros, prononcé en cours d'instance par l'administration et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 juillet 2024 et un mémoire enregistré le 3 février 2025, ce dernier non communiqué, M. B..., représenté par Me Douet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée des impositions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ;
- c'est à tort que l'administration fiscale et les premiers juges ont considéré que la totalité de l'indemnité de licenciement qu'il a perçue ne peut pas bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions du 3° du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elle ait fait l'objet de deux versements ;
- il peut se prévaloir des paragraphes 40, 70 et 100 de la doctrine administrative référencée BOI-RSA-CHAMP-20-40-10-30.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2025, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Penhoat,
- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
- et les observations de Me Poirrier-Jouan, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a travaillé pour la société Ufifrance Patrimoine de 1990 à 2016. Le 24 juin 2016, il a été convoqué à un entretien préalable qui s'est déroulé le 18 juillet 2016 et au cours duquel son licenciement pour insuffisance professionnelle lui a été notifié. Son employeur lui a versé en octobre 2016 une indemnité de licenciement de 71 288,66 euros. Estimant son licenciement abusif, M. B... a alors mandaté un avocat afin de le représenter en vue d'une procédure contentieuse. Le conseil ainsi mandaté a engagé des pourparlers avec la société Ufifrance Patrimoine et un protocole d'accord valant transaction a été établi et signé le 28 mars 2017. Aux termes de celui-ci, la société Ufifrance Patrimoine a accepté de verser à M. B... une indemnité transactionnelle d'un montant brut de 100 000 euros, l'intéressé déclarant pour sa part être satisfait irrévocablement et intégralement de ses droits, quelle qu'en soit la nature, et renoncer à toute instance ou action à l'encontre de la société Ufifrance Patrimoine, de ses ayants-droits et de toute société du groupe auquel elle appartient. La somme de 71 288,66 euros a été exonérée d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2016 en application du 3° du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts. Le dossier fiscal de M. B... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre de l'année 2017 et l'administration a constaté qu'il n'avait pas déclaré l'indemnité transactionnelle de 100 000 euros. Elle lui a adressé une demande de renseignements relative à l'objet de ce versement à laquelle il n'a pas répondu. Le service a alors adressé à M. B... une première proposition de rectification le 6 novembre 2020, annulée et remplacée par une seconde proposition de rectification du 5 février 2021, l'informant, selon la procédure de rectification contradictoire, de son intention de soumettre cette indemnité à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2017. M. B... n'a pas répondu à cette proposition de rectification mais a formé, une fois l'imposition supplémentaire mise en recouvrement, une réclamation, rejetée par le service le 7 novembre 2021. M. B... a présenté une nouvelle réclamation le 22 décembre 2021 qui a été également rejetée le 17 mars 2021. M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer, à titre principal, la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2017 et, à titre subsidiaire, d'en prononcer la réduction. Par un jugement n° 2202392 du 29 mai 2024, le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement d'un montan1 440 euros, prononcé en cours d'instance par l'administration et rejeté le surplus de sa demande. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le moyen tiré de la dénaturation des pièces du dossier ne peut qu'être écarté car, en tant que tel, le contrôle de la dénaturation des pièces du dossier ne relève pas du juge d'appel mais du juge de cassation.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
3. Aux termes de l'article 80 duodecies du code général des impôts : " 1. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes. / Ne constituent pas une rémunération imposable : / 1° Les indemnités mentionnées aux articles L. 1235-1, L. 1235-2, L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-11 à L. 1235-13 du code du travail ; / (...) / 3° La fraction des indemnités de licenciement versées en dehors du cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail, qui n'excède pas : / a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités ; / b) Soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ; / (...) ".
4. Il résulte des dispositions précitées de l'article 80 duodecies du code général des impôts et des réserves d'interprétation émises par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2013-340 du 20 septembre 2013, qu'à l'exception des indemnités qui y sont limitativement énumérées, toute indemnité perçue par le salarié à l'occasion de la rupture de son contrat de travail est imposable. Ces dispositions ont seulement pour objet de déterminer le régime applicable à l'ensemble des indemnités versées à raison de la rupture du contrat de travail, à l'exception des indemnités qui, alors même qu'elles seraient concomitantes à la rupture du contrat de travail, n'y trouveraient pas leur cause.
5. Pour déterminer si une indemnité versée en exécution d'une transaction conclue à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail est imposable, il appartient à l'administration et, lorsqu'il est saisi, au juge de l'impôt, de rechercher la qualification à donner aux sommes qui font l'objet de la transaction.
6. Il résulte de l'instruction que M. B... n'a pas répondu à la proposition de rectification du 5 février 2021, ni d'ailleurs à celle du 6 novembre 2020. Dès lors, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, il lui incombe, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve du caractère exagéré de cette imposition, c'est-à-dire, en l'espèce, de prouver ses allégations selon lesquelles l'indemnité transactionnelle doit être exonérée conformément aux dispositions invoquées du 3° du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts.
7. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de son licenciement pour insuffisance professionnelle et du versement par son employeur en octobre 2016 d'une indemnité de licenciement de 71 288,66 euros, M. B... a sollicité auprès de ce dernier l'engagement de " pourparlers transactionnels " en faisant état de son intention d'engager une procédure pour licenciement abusif devant le conseil de prud'hommes de Quimper et en soulignant la sous-évaluation de sa rémunération mensuelle au regard du nombre d'heures travaillées. Il ressort également du protocole de transaction précité du 1er septembre 2017 que si l'indemnité supplémentaire de 100 000 euros a été versée à titre de la réparation des préjudices que M. B... indique avoir subis du fait du fait de la rupture de son contrat de travail et que ce versement vise à éviter les aléas et les coûts liés à une procédure, en prévoyant en contrepartie que M. B... renonce irrévocablement à toute action de quelque nature que ce soit à l'encontre de son employeur, il ressort également de ce protocole, d'une part, que M. B... reconnaît expressément que l'indemnité le " remplit " irrévocablement et intégralement de ses droits quelle qu'en soit la nature, notamment en matière de salaires, accessoires de salaires, heures supplémentaires, avantages en nature, primes, éventuel remboursement de frais, indemnités et dommages-intérêts de toutes sortes et quel qu'en soit le fondement et, d'autre part, que le versement de cette somme ne saurait valoir reconnaissance, même implicite, de responsabilité de l'employeur dans l'exécution et la rupture du contrat de travail. Dans ces conditions, compte tenu des termes de ce protocole, en se bornant à faire valoir que la somme globale de 100 000 euros est directement liée à la contestation des modalités de rupture de son contrat de travail et doit être qualifiée dans sa globalité d'indemnité de licenciement, le requérant ne saurait être regardé comme justifiant de ce que le versement de la somme en cause aurait, fût-ce pour partie, correspondu à la réparation d'un préjudice autre que la perte de revenus. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a estimé que l'indemnité transactionnelle en litige constituait un revenu imposable.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
8. M. B... n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations des paragraphes 40, 70 et 100 des commentaires publiés au bulletin officiel des finances publiques - impôts sous la référence BOI-RSA-CHAMP-20-40-10-30 du 3 septembre 2019 qui ne comprennent aucune interprétation de la loi fiscale distincte de celle dont il fait application par le présent jugement.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2025.
Le rapporteur
A. PENHOATLe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT02243