Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Vienne lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans, ainsi que l'arrêté du 31 juillet 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi
Par un jugement n° 2100047 du 12 mars 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la requête de M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 mai 2024 et un mémoire enregistré le 11 mars 2025, M. B..., représenté par Me Cabioch, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 mars 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Vienne lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans, ainsi que l'arrêté du 31 juillet 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre à l'autorité administrative compétente de lui délivrer un titre de séjour mention vie privée et familiale dans le délai d'un mois suivant l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'autorité administrative compétente de réexaminer sa situation dans le mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement :
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne la réponse au moyen tenant à l'insuffisante motivation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;
- le tribunal a entaché son jugement d'une erreur manifeste en considérant que le préfet de la Haute-Vienne n'avait pas méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le tribunal a écarté à tort l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français dirigée contre l'interdiction de retour sur le territoire français et l'exception d'illégalité de l'interdiction de retour sur le territoire français dirigée contre la décision de signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;
S'agissant de la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français du 12 décembre 2020 :
- la décision a été prise par une autorité incompétente ;
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la décision doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision du 31 juillet 2020 portant obligation de quitter le territoire français ;
S'agissant de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français du 31 juillet 2020 :
- l'arrêté méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article L. 313-14 de ce code, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen est illégal en raison de l'illégalité de la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français ;
- eu égard aux éléments nouveaux qu'il apporte, l'exécution de la décision doit être suspendue en application des dispositions de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 février 2025, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.
Le préfet soutient que la requête d'appel est tardive, que les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2020 du préfet de la Loire-Atlantique sont irrecevables, cette décision étant devenue définitive et que les moyens ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 mars 2025, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Le préfet de la Loire-Atlantique soutient que les moyens ne sont pas fondés et renvoie au mémoire en défense produit par le préfet de la Haute-Vienne.
La demande d'aide juridictionnelle de M. B... a été déclarée caduque le 26 juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
le rapport de M. Viéville a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né en 1975, est entré sur le territoire français, selon ses déclarations, en 2012. Par un arrêté du 31 juillet 2020, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de faire droit à sa demande d'admission exceptionnelle au séjour par le travail, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. A la suite de son interpellation, le préfet de la Haute-Vienne a pris à son encontre le 12 décembre 2020 un arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français. M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 31 juillet 2020 et du 12 décembre 2020. Par un jugement du 12 mars 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". la circonstance que les premiers juges n'auraient pas suffisamment répondu au moyen tenant à l'insuffisante motivation en droit de la décision du 12 décembre 2020 au égard des critères de l'alinéa 8 du III de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas de nature à établir l'insuffisante motivation du jugement alors que les premiers juges ont considéré que l'arrêté attaqué comporte de façon suffisante les éléments de droit et de fait qui fonde cette décision et ont ainsi suffisamment répondu au moyen soulevé.
3. En deuxième lieu, la régularité du jugement attaqué ne dépendant pas du bien-fondé de ses motifs, M. B... ne saurait utilement alléguer que le jugement attaqué serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation, aurait écarté à tort l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français dirigée contre l'interdiction de retour sur le territoire français et de l'exception d'illégalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français dirigée contre la décision de signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français du 12 décembre 2020 :
3. En premier lieu, le moyen tenant à l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté par adoption du motif retenu à bon droit par les premiers juges.
4. En deuxième lieu aux termes de l'article L. 511-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative prononce une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
5. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
6. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Vienne a prononcé à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans au motif que l'intéressé s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai de départ de 30 jours imparti par la décision d'obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée le 31 juillet 2020 et qu'il entre dans les prévisions du III de l'article L. 511-1 précité, qu'il est entré récemment sur le territoire, qu'il est divorcé sans enfant, qu'il n'a fourni aucun élément de nature à établir la réalité de la relation qu'il dit entretenir avec une ressortissante marocaine, qu'il a été interpellé en situation de travail illégal et dépourvu de permis de conduire et qu'eu égard à sa situation, une interdiction de retour d'une durée de deux années ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale. Le préfet de la Haute-Vienne, qui a ainsi rappelé les dispositions applicables à la situation de M. B... et exposé les circonstances de fait qu'il a retenues pour prononcer sa décision d'interdiction de retour, a suffisamment motivé cette décision. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté.
7. En troisième lieu, M. B... se prévaut de l'illégalité de la décision portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée le 31 juillet 2020. Cependant, l'illégalité d'un acte administratif non réglementaire ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. Une exception d'illégalité soulevée à l'encontre d'une décision individuelle n'est recevable que tant que cette décision ne présente pas de caractère définitif. Une décision administrative devient définitive à l'expiration du délai de recours contentieux ou, si elle a fait l'objet d'un recours contentieux dans ce délai, à la date à laquelle la décision rejetant ce recours devient irrévocable.
8. En l'espèce, il est constant que l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 31 juillet 2020 notifié le 4 aout 2020 et accompagné des voies et délais de recours est devenu définitif. Par suite, M. B... ne peut se prévaloir par voie d'exception des illégalités affectant cette décision individuelle devenue définitive pour obtenir l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2020 :
9. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la décision attaquée : " I. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. (...) ". Aux termes de l'article R. 776-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " I. - Conformément aux dispositions du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou de l'article L. 511-3-1 du même code, fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément (...) ". L'article R. 776-5 du code de justice administrative dispose que : " I. - Le délai de recours contentieux de trente jours mentionné à l'article R. 776-2 n'est pas prorogé par l'exercice d'un recours administratif (...) ". Enfin, l'article R. 421-5 du même code dispose : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
10. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué du 31 juillet 2020 comportait la mention des voies et délais de recours ouverts à son encontre et précisait expressément qu'un recours administratif était dépourvu d'effet suspensif et ne suspendait ni ne prolongeait le délai de recours contentieux de trente jours ouverts à son encontre en application des dispositions de l'article L. 512-1, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. B... a eu notification de cet arrêté le 4 août 2020. Dans ces conditions, le délai de recours ouvert à M. B... par les dispositions de l'article L. 512-1 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a pris fin le 5 septembre 2020. La demande d'aide juridictionnelle, présentée par l'intéressé le 18 décembre 2020, soit après l'expiration du délai du recours contentieux, n'a pu avoir pour effet de proroger ce délai parvenu à son terme. Par suite, les conclusions de M. B... à fin d'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2020 sont tardives et ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen :
11. La décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'étant pas annulée, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le signalement aux fins de non-admission dans le système Schengen qui en résulte doit être annulé par voie de conséquence.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Haute-Vienne, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 décembre 2020 du préfet de la Haute-Vienne et de l'arrêté du 31 juillet 2020 du préfet de la Loire-Atlantique. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique et au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2025.
Le rapporteur
S. VIÉVILLELe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT0148502