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20/05/2025 | FRANCE | N°24NT01468

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 20 mai 2025, 24NT01468


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Port-au-Prince (Haïti) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de visiteur.



Par un jugement n°2308859 du 18 mars 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa

demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 18 mai 2024, Mme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Port-au-Prince (Haïti) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de visiteur.

Par un jugement n°2308859 du 18 mars 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 mai 2024, Mme A..., représentée par Me Harir, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 mars 2024 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Port-au-Prince refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de visiteur ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer ce visa dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa demande de visa dans les mêmes conditions de délai ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de la commission de recours est insuffisamment motivée en droit et en fait et est entachée d'un défaut d'examen de son dossier ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que le motif tiré du détournement de l'objet du visa à des fins migratoires n'est pas de nature à justifier un refus de visa visiteur ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle s'est engagée à n'exercer aucune activité professionnelle sur le territoire français, qu'elle dispose de ressources suffisantes et d'une attestation d'hébergement et qu'elle a souscrit une assurance de voyage ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante haïtienne, née le 25 février 1959, a sollicité un visa de long séjour en qualité de visiteur auprès de l'autorité consulaire française à Port-au-Prince (Haïti), laquelle a refusé de faire droit à sa demande. Par une décision implicite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre ce refus consulaire. Mme A... a alors demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cette décision. Par un jugement du 18 mars 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Mme A... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° (...) des autres documents prévus par décret en Conseil d'Etat relatifs, d'une part, à l'objet et aux conditions de son séjour et, d'autre part, s'il y a lieu, à ses moyens d'existence, à la prise en charge par un opérateur d'assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France, ainsi qu'aux garanties de son rapatriement (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " (...) Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour. La durée de validité de ce visa ne peut être supérieure à un an. (...) ". L'article R. 313-2 de ce code, dispose : " L'étranger sollicitant son admission en France peut justifier qu'il possède les moyens d'existence lui permettant de faire face à ses frais de séjour, notamment, par la présentation d'espèces, de chèques de voyage, de chèques certifiés, de cartes de paiement à usage international, de lettres de crédit./ Les justifications énumérées au premier alinéa sont appréciées compte tenu des déclarations de l'intéressé relatives à la durée et à l'objet de son séjour ainsi que des pièces produites à l'appui de ces déclarations et, le cas échéant, de la durée de validité du visa ".

3. L'étranger désirant se rendre en France et qui sollicite un visa de long séjour en qualité de visiteur doit justifier de la nécessité dans laquelle il se trouve de résider en France pour un séjour de plus de trois mois. En l'absence de toute disposition conventionnelle, législative ou réglementaire déterminant les cas où ce visa peut être refusé, et eu égard à la nature d'une telle décision, les autorités françaises, saisies d'une telle demande, disposent, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'un large pouvoir d'appréciation et peuvent se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public, tel que le détournement de l'objet du visa, mais aussi sur toute considération d'intérêt général.

4. En l'espèce, pour établir que la décision de la commission de recours était légale, le ministre de l'intérieur a sollicité devant le tribunal une substitution de motifs en faisant valoir que, d'une part, Mme A... ne dispose pas d'une couverture médicale suffisante et, d'autre part, qu'elle ne justifie pas de " la nécessité de s'installer en France". Le tribunal a fait droit à cette demande de substitution.

5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme A... était bénéficiaire d'un contrat d'assurance auprès de la société ACS d'une durée de validité d'un an, comprise entre le 9 janvier 2023 et le 8 janvier 2024. Ce contrat d'assurance prend en charge notamment l'ensemble de ses frais médicaux, le transport et le rapatriement sanitaire à hauteur de 100 % des frais réels. En outre, Mme A... soutient sans être contredite qu'elle souhaite venir et demeurer sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois. A cet égard, il est établi par les pièces du dossier, d'une part, qu'y résident les membres de sa famille, en l'occurrence, sa fille, Mme C..., son gendre, M. C..., et leurs deux enfants qui sont tous de nationalité française, d'autre part, que Mme A... est veuve et isolée en Haïti. Dans ces conditions, eu égard aux attaches fortes et de l'intéressée en France et compte tenu de l'éloignement géographique avec sa famille proche résidant en France, en se bornant à soutenir qu'elle n'est pas isolée, le ministre n'apporte pas la preuve de l'existence de considérations d'intérêt général qui seraient susceptibles de s'opposer à la délivrance du visa sollicité. Par suite, Mme A... est fondée à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Port-au-Prince refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de visiteur.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Le présent arrêt implique qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°2308859 du 18 mars 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de Mme A... formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Port-au-Prince refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de visiteur, est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président de la formation de jugement,

- M. Pons, premier conseiller.

- Mme Bougrine, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 mai 2025.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

O. COIFFET

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°24NT01468


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01468
Date de la décision : 20/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: Mme BAILLEUL
Avocat(s) : HARIR

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-20;24nt01468 ?
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