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16/05/2025 | FRANCE | N°24NT00670

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 16 mai 2025, 24NT00670


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme BC... P... veuve AW..., M. AY... AW..., agissant en son nom personnel et en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs, U... et S..., Mme BA... AX..., Mme B... AW..., Mme AM... AW..., M. AL... AV..., Mme AG... AW... divorcée A... agissant en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de sa fille F..., M. BI... A..., Mme AR... AW..., M. AK... AJ..., Mme C... AW..., M. Q... Meunier, M. BF... AW..., M. AN... AW..., Mme AU... AW..., M. K... AF..., M.

H... AW..., Mme AD... D... épouse AW..., M. E... AW..., Mme BD... AS... épouse A...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme BC... P... veuve AW..., M. AY... AW..., agissant en son nom personnel et en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs, U... et S..., Mme BA... AX..., Mme B... AW..., Mme AM... AW..., M. AL... AV..., Mme AG... AW... divorcée A... agissant en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de sa fille F..., M. BI... A..., Mme AR... AW..., M. AK... AJ..., Mme C... AW..., M. Q... Meunier, M. BF... AW..., M. AN... AW..., Mme AU... AW..., M. K... AF..., M. H... AW..., Mme AD... D... épouse AW..., M. E... AW..., Mme BD... AS... épouse AW..., Mme AQ... AW..., M. T... N..., Mme AT... P..., M. Z... O..., Mme AZ... P..., M. G... J..., Mme BB... P..., M. AE... P..., Mme AP... X... épouse R..., M. I... R..., M. V... R..., Mme L... R..., M. AI... R..., M. T... X..., Mme AA... W... épouse X..., M. Y... R..., Mme AB... AC... épouse R..., Mme BE... BG..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la société ENEDIS à leur verser des sommes allant de 3 000 à 30 000 euros en réparation des préjudices résultant des décès de Z... AW... et BJ... R... survenus le 25 juillet 2014.

Par un jugement n° 2013551 du 9 janvier 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 5 mars 2024, 8 décembre 2024, 8 janvier et 19 février 2025, Mme BC... AW..., M. AY... AW... agissant en son nom personnel et en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs, U... et S..., Mme BA... AX..., Mme B... AW..., Mme AM... AW..., M. AL... AV..., Mme AG... AW... divorcée A... agissant en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de sa fille M..., Mme AR... AW..., M. AK... AJ..., Mme C... AW..., M. Q... Meunier, M. BF... AW..., M. AN... AW..., M. H... AW..., Mme AD... D... épouse AW..., M. E... AW..., Mme BD... AS... épouse AW..., Mme AT... P..., M. Z... O..., Mme AZ... P..., M. G... J..., Mme BB... P..., M. AE... P..., Mme AP... X... épouse R..., M. I... R..., M. V... R..., Mme L... R..., M. AI... R..., M. T... X..., Mme AA... W... épouse X..., M. Y... R..., Mme AB... AC... épouse R..., Mme BE... BG..., représentés par Me Boittin, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de surseoir à statuer dans l'attente du prononcé des arrêts de la cour d'appel d'Angers ;

2) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 janvier 2024 ;

3°) de condamner la société ENEDIS à leur verser des sommes allant de 3 000 à 30 000 euros, assorties des intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2020 et de leur capitalisation ;

4°) de rejeter l'ensemble des conclusions de la société ENEDIS ;

5°) de subroger la CPAM au titre des sommes qui leur seront accordées afin d'assurer la réparation de leur préjudice d'affection ;

6°) de mettre à la charge de la société ENEDIS le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors que le tribunal n'a pas indiqué quelle faute aurait déjà été examinée par le juge judiciaire et lui interdisait de l'examiner de nouveau et que la relaxe de la société ENEDIS n'a pas été prononcée pour absence de faute mais pour un motif de procédure ;

- les premiers juges ont omis de se prononcer sur chacune des fautes reprochées à la société ENEDIS, ce qui lui aurait permis de constater que certains manquements allégués devant eux n'avaient pas été soumis à la juridiction pénale ; la faute résultant de l'absence de délimitation matérielle de la zone de travail par une signalisation adaptée en méconnaissance de l'article R. 4534-121 du code du travail, n'était pas invoquée devant le tribunal correctionnel de Laval et la cour d'appel d'Angers et il incombait au tribunal administratif de l'examiner ;

- l'existence d'une décision de relaxe rendue par la cour d'appel d'Angers ne rend pas irrecevable leur demande devant le tribunal administratif ; seules les constatations pénales lient le juge civil et une décision de relaxe n'empêche pas l'existence d'une faute civile ; de plus, la relaxe de la société ENEDIS n'est pas fondée sur l'absence de faute mais sur des considérations procédurales tirées de ce que la responsabilité des personnes morales à l'exception de l'Etat ne peut être engagée que pour des fautes commises pour leur compte, par leurs organes ou représentants alors que l'engagement de la responsabilité administrative de la personne morale n'impose pas d'identifier son organe ou représentant et que seule la juridiction administrative est compétente pour se prononcer sur les fautes commises par la société ENEDIS ;

- la société ENEDIS a la qualité d'entreprise utilisatrice au sens des dispositions des articles R. 4511-1 et suivants, qui par suite, ont vocation à s'appliquer ;

- la société ENEDIS a méconnu les dispositions de l'article R. 4224-20 et R. 4534-121 du code du travail, qui imposent une signalisation visible sur le chantier ;

- la société ENEDIS a méconnu les dispositions de l'article R. 4512-2 du code du travail, qui imposent " une inspection commune des lieux de travail, des installations qui s'y trouvent et des matériels mis à la disposition des entreprises extérieures " ; la société ENEDIS n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'elle a organisé avec la société SPIE une visite préalable du chantier afin d'identifier les risques ;

- la société ENEDIS a méconnu les dispositions de l'article R. 4511-5 du code du travail, qui prévoient que le chef de l'entreprise utilisatrice assure la coordination générale des mesures de prévention qu'il prend et celles que prennent l'ensemble des chefs des entreprises extérieures intervenant dans son établissement; la coordination de la prévention et de la sécurité, qui devait être effectuée par l'entreprise utilisatrice, en l'espèce ENEDIS, n'a jamais été effectuée ; de surcroît, aucun plan de prévention n'a été établi contrairement à ce que prévoient les dispositions des articles R. 4512-6 et -7 du code du travail ;

- l'inspection commune et le plan de prévention auraient permis d'identifier correctement le périmètre d'intervention et donc d'éviter une intervention sur la ligne sous tension, ce qui suffit à caractériser un lien de causalité entre la faute de la société ENEDIS et la survenance de l'accident ;

- aucune faute n'est reprochée à M. R... de sorte que ses ayants-droits doivent être intégralement indemnisés ;

- par ailleurs, la société ENEDIS ne démontre aucune faute personnelle de M. AW... ;

- Mme BC... AW..., épouse du défunt Z... AW..., justifie d'un préjudice d'affection qui sera indemnisé à hauteur de 30 000 euros ; ses enfants, leurs conjoints et ses petits-enfants pourront respectivement prétendre à une somme de 20 000 euros, 3 000 euros et 5 000 euros chacun en réparation de ce même préjudice ; les frères et sœurs de Z... AW... ainsi que leurs conjoints seront respectivement indemnisés à hauteur de 10 000 euros et 3 000 euros chacun ; son beau-père pourra percevoir une somme de 3 000 euros ;

- les parents de BJ... R... et ses frères et sœur justifient de préjudices d'affection qui seront évalués à 28.000 euros et à 14 000 euros chacun ; ses grands-parents et sa marraine peuvent prétendre à une indemnisation de 12 000 euros chacun et de 5 000 euros.

Par des mémoires, enregistrés les 19 avril, 6 mai, 8 novembre 2024 et 22 janvier 2025, la société ENEDIS, qui vient aux droits de la société ERDF, représentée par Me Brassart, conclut :

1°) au rejet de la requête et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Loire-Atlantique ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que sa responsabilité soit limitée à 12,5 % ;

3°) à ce que la société SPIE la garantisse à hauteur de leurs responsabilités respectives ;

4°) à ce que les indemnités allouées aux frères et sœurs, beaux-fils et belles-filles, beaux-frères et belles-sœurs des victimes et de Mme AO... soient ramenées à de plus justes proportions

5°) et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

A titre principal que :

- l'action des demandeurs est irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée ; aucune faute ne peut lui être reprochée ;

- il n'existe aucun lien de de causalité entre un éventuel défaut d'application des articles R.4511-1 et suivants du code du travail et l'accident ;

- à titre subsidiaire que :

- Mme BC... AW..., M. AY... AW..., Mme B... AW..., Mme AM... AW..., Mme AG... AW..., Mme AR... AW..., Mme C... AW..., M. BF... AW..., M. AN... AW..., M. U... AW..., Mme S... AW..., Mme F... A..., M. I... R..., Mme AP... X... épouse R..., M. T... X..., Mme AA... W... épouse X..., M. Y... R..., et Mme AB... AC... épouse R..., ne sont pas recevables à agir contre elle devant le tribunal administratif, cette action devant être uniquement dirigée contre l'employeur des victimes devant le pôle social du tribunal judiciaire ;

- la faute commise par M. Z... AW... constitue une cause exonératoire totale, ou à tout le moins partielle, de sa responsabilité ;

- les demandes de la CPAM de la Loire-Atlantique sont irrecevables dès lors qu'elle ne justifie d'aucun mandat de représentation ; en tout état de cause, son action sera rejetée dès lors qu'elle ne peut être qualifiée d'auteur de l'accident.

Par des mémoires, enregistrés les 25 avril 2024 et 23 janvier 2025, la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique, représentée par Me Meunier, conclut :

1°) à l'annulation du jugement attaqué ;

2°) par la voie de l'appel incident, à ce que la société ENEDIS soit condamnée à lui verser la somme de 4 898,30 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation au titre des débours exposés pour M. R..., et la somme de 1 212 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) à ce que la société ENEDIS soit condamnée à lui verser la somme de 571 526,35 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation au titre des débours exposés pour M. AW..., et la somme de 1 212 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

4°) à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société ENEDIS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- MM. AW... et R... avaient la qualité de participants à l'exécution de travaux publics de sorte que le régime de responsabilité applicable est celui de la faute prouvée ;

- l'autorité relative de chose jugée n'avait pas vocation à s'imposer dès lors que la juridiction de l'ordre judiciaire ne s'est pas prononcée sur les fautes de nature civile reprochées à la société ENEDIS ;

- les requérants ont également soulevé des griefs nouveaux, sur lesquels les juridictions de l'ordre judiciaire n'ont pas pu se prononcer ;

- la société ENEDIS a méconnu les dispositions des articles L. 4511-1, R. 4511-1 à R. 4515-11 et R. 4512-2 à R. 4512-5 du code du travail et a manqué aux obligations qui sont les siennes en matière de sécurité des travailleurs en vertu des articles 48, 49 et 51 du décret du 14 novembre 1988 sur la protection des travailleurs dans les établissements qui mettent en œuvre des courants électriques ;

- elle justifie du versement des sommes dont elle sollicite le remboursement par la société ENEDIS.

Par un mémoire enregistré le 19 février 2025, la société SPIE Building Solutions, venant aux droits de la société SPIE Industrie et Tertiaire, représentée par Me Verdon, conclut :

1°) à l'incompétence de la cour pour se prononcer sur des conclusions dirigées à son encontre ;

2°) au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- La juridiction administrative est incompétente pour statuer sur une demande formée à son encontre dès lors qu'elle était liée à la société ENEDIS par un lien de droit privé ; cette société ne peut demander à être garantie par SPIE ;

- A titre principal, les consorts AW... et R..., ayant saisi le juge pénal sur le fondement de l'article 470-1 du code pénal, ne sont pas recevables à saisir la juridiction administrative des mêmes demandes ; leur action se heurte à l'autorité de la chose jugée par la cour d'appel d'Angers qui a écarté toute faute qui aurait été commise par les sociétés ENEDIS et SPIE ;

- A titre subsidiaire, l'existence des manquements invoqués à l'encontre d'ENEDIS et de SPIE en lien de causalité avec les préjudices subis par les victimes n'est pas établie ; un éventuel partage de responsabilités ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative.

Le mémoire présenté le 11 mars 2025 pour la société ENEDIS n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code du travail ;

- l'arrêté du 23 décembre 2024 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour 2025 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de M. Catroux, rapporteur public,

- les observations de Me Boittin, représentant les consorts BH... ;

- les observations de Me Camus, substituant Me Brassart, représentant la société ENEDIS ;

- les observations de Me Sebban, substituant Me Verdon, représentant la société SPIE ;

- et les observations de Me Nguyen, substituant Me Meunier, représentant les CPAM de Loire-Atlantique et de Mayenne.

Considérant ce qui suit :

1. En 2012, des travaux de restructuration du réseau électrique, comprenant la dépose et l'enfouissement de trois lignes à haute tension, ont été engagés dans le secteur de Laval et Bonchamps (Mayenne). Les travaux ont été confiés par la société ERDF (devenue ENEDIS en 2016) à la société Juret, (filiale de la société SPIE Ouest Centre). Cette société a réalisé les travaux souterrains de ce marché et a sous-traité les travaux aériens à la société SPIE Ouest Centre. Le 25 juillet 2014, alors qu'ils travaillaient sur le poteau n° D 29 de la ligne " Bonchamps ", toujours sous tension, Z... AW..., âgé de 58 ans, et BJ... R..., âgé de 20 ans, salariés de la société SPIE Ouest Centre, ont trouvé la mort par électrocution. Le 28 décembre 2020, Mme P..., épouse de Z... AW..., M. et Mme R..., parents de BJ..., ainsi que 35 membres de leurs familles respectives, ont présenté une réclamation préalable auprès de la société ENEDIS. Le 31 décembre 2020, ils ont saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la condamnation de la société ENEDIS à leur verser des sommes allant de 3 000 à 30 000 euros chacun en réparation de leur préjudice d'affection. Par un jugement du 9 janvier 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes. Les intéressés, à l'exception de M. BI... A..., Mme AU... AW..., M. K... AF..., Mme AQ... AW... et M. T... N..., relèvent appel de ce jugement. la CPAM de la Loire-Atlantique a présenté des conclusions incidentes.

Sur l'autorité de la chose jugée :

2. Aux termes de l'article 1355 du code civil : " L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. ".

3. En principe, l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose à l'administration comme au juge administratif qu'en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d'un jugement devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, à l'autorité administrative d'apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils sont de nature à engager la responsabilité de l'administration.

4. Il résulte de l'instruction que par un arrêt du 27 septembre 2018, la cour d'appel d'Angers a confirmé le jugement du 16 mars 2017 du tribunal correctionnel de Laval rejetant les poursuites pénales dirigées contre la société SPIE Ouest centre, l'un de ses salariés et la société ENEDIS. Par ces mêmes décisions, les parties civiles, constituées des mêmes requérants que devant le tribunal administratif de Nantes, ont été déboutées de leurs conclusions indemnitaires. Le pourvoi dirigé contre cet arrêt a été rejeté par une décision de la Cour de cassation du 7 janvier 2020. Dans leurs écritures, les consorts AW... et R... ont indiqué avoir saisi la cour d'appel d'Angers le 30 décembre 2024 d'une demande présentée sur le fondement de l'article 470-1 du code de procédure pénale au motif que cette cour n'aurait pas épuisé sa compétence.

5. Par ailleurs, Mme BC... AW..., ses enfants et petits-enfants ainsi que M. I... R... et son épouse, Mme AP... R..., ayants-droits de Z... AW... et de BJ... R... au sens des dispositions de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, ont introduit une action devant le pôle social du tribunal judiciaire de Laval. Par un jugement du 21 octobre 2022, après avoir constaté que la juridiction de sécurité sociale n'était pas compétente pour se prononcer sur la responsabilité de la société ENEDIS, seule la juridiction de droit commun l'étant, ce tribunal a déclaré son jugement opposable à cette société, a constaté que l'accident mortel du 25 juillet 2014 était dû à la faute inexcusable de la société SPIE Industrie et Tertiaire et a condamné cette dernière à indemniser les ayants-droits de Z... AW... et BJ... R... de leurs préjudices d'affection. Un appel a été formé à l'encontre de cette décision par la société SPIE.

6. Enfin les frères, sœurs, belle-fille, gendre, beau-père, grands-parents et marraine des victimes, qui n'ont pas la qualité d'ayants-droits au sens des dispositions de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, ont saisi le juge judiciaire de droit commun d'une action dirigée contre la société SPIE Building Solutions, venant aux droits de la société SPIE Industrie et Tertiaire, venant elle-même aux droits de la société SPIE Ouest Centre, sur le fondement de l'article 470-1 du code de procédure pénale. Cette action a fait l'objet d'une ordonnance du 11 janvier 2024 du juge de la mise en état du tribunal de Nantes qui a déclaré l'action indemnitaire des consorts AW... et R... irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée. Par son arrêt du 9 octobre 2024, la cour d'appel de Rennes a confirmé cette ordonnance.

7. Il s'ensuit, que si ces actions mettaient en cause les mêmes parties, les différentes décisions rendues par les juridictions judiciaires ne présentent pas un caractère définitif et ne se sont pas prononcées sur la responsabilité susceptible d'être encourue par la société ENEDIS dans la survenue de l'accident mortel dont ont été victimes Z... AW... et BJ... R.... Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer tant sur la régularité du jugement attaqué que sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente des décisions à intervenir des juridictions judiciaires, c'est à tort que les premiers juges ont, pour rejeter les conclusions des consorts BH..., accueilli l'exception d'autorité de la chose jugée par le juge judiciaire.

8. Il y a lieu en conséquence pour la cour administrative d'appel, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les conclusions des consorts AW... et R....

Sur la responsabilité pour faute de la société ENEDIS :

9. Les dommages causés par la présence, la construction ou l'entretien des lignes de distribution d'énergie électrique comprises dans une concession ont le caractère de dommages de travaux publics. Le salarié d'une entreprise chargée de procéder à la dépose des lignes hautes tension n'est pas un tiers par rapport à cet ouvrage public mais un participant à l'exécution de travaux publics. La responsabilité du maître de l'ouvrage n'est dès lors engagée que sur le terrain de la faute.

10. Aux termes de l'article R. 4511-1 du code du travail relevant du titre 1er de la quatrième partie règlementaire, relatif aux travaux réalisés dans un établissement par une entreprise extérieure : " Les dispositions du présent titre s'appliquent au chef de l'entreprise utilisatrice et au chef de l'entreprise extérieure lorsqu'une entreprise extérieure fait intervenir des travailleurs pour exécuter ou participer à l'exécution d'une opération, quelle que soit sa nature, dans un établissement d'une entreprise utilisatrice, y compris dans ses dépendances ou chantiers. ". Aux termes de l'article R. 4511-3 de ce code : " Les dispositions du présent titre ne s'appliquent pas aux chantiers de bâtiment ou de génie civil soumis à l'obligation de coordination prévue à l'article L. 4532-2, ni aux autres chantiers clos et indépendants. ". Aux termes de l'article R. 4511-4 du même code : " On entend par opération, au sens du présent titre, les travaux ou prestations de services réalisés par une ou plusieurs entreprises afin de concourir à un même objectif. ". Il résulte de ces dispositions, que dans la mesure où Z... AW... et BJ... R..., salariés de la société SPIE Ouest Centre, avaient pour mission de procéder à la dépose de poteau de lignes à haute tension, la responsabilité de la société ENEDIS peut être recherchée sur le fondement des dispositions des articles R. 4511-1 à R. 4544-33 du code du travail, alors même qu'elle n'était pas leur employeur.

11. En premier lieu, aux termes de l'article R. 4224-20 du code du travail : " Lorsqu'il n'est pas possible, compte tenu de la nature du travail, d'éviter des zones de danger comportant notamment des risques de chute de personnes ou des risques de chute d'objets, et même s'il s'agit d'activités ponctuelles d'entretien ou de réparation, ces zones sont signalées de manière visible.

Elles sont également matérialisées par des dispositifs destinés à éviter que les travailleurs non autorisés pénètrent dans ces zones. ". Par ailleurs aux termes de l'article R. 4534-121 du même code, alors applicable : " Lorsque la ligne ou l'installation électrique est des domaines basse tension B (BTB), haute tension A (HTA) et haute tension B (HTB), la mise hors d'atteinte de cette ligne ou de cette installation est réalisée en mettant en place des obstacles efficaces solidement fixés devant les conducteurs ou pièces nus sous tension, ainsi que devant le neutre. Si cette mesure ne peut être envisagée, la zone de travail est délimitée matériellement, dans tous les plans possibles, par une signalisation très visible, telle que pancartes, barrières, rubans. La consigne prévue par l'article R. 4534-125 précise les conditions dans lesquelles cette délimitation est réalisée. En outre, l'employeur désigne une personne compétente ayant pour unique fonction de s'assurer que les travailleurs ne franchissent pas la limite de la zone de travail et de les alerter dans le cas contraire. / Les mises hors d'atteinte susceptibles d'amener des travailleurs à une distance dangereuse des pièces conductrices nues normalement sous tension, ainsi que l'intervention directe sur des lignes, installations électriques ou pièces nues normalement sous tension, ne peuvent être accomplies que par des travailleurs compétents et pourvus du matériel approprié. ".

12. Il est constant, que les travaux en litige concernaient la dépose des lignes aériennes à haute tension de " Gevelot ", du " Point du Jour " et de " Bonchamp " qui étaient parallèles et que si les deux premières étaient hors tension, la dernière, sur laquelle intervenaient Z... AW... et BJ... R... au moment de l'accident, restait partiellement sous tension. Or, ainsi que l'a relevé l'inspecteur du travail lors son déplacement sur les lieux, le chantier n'était ni physiquement délimité, ni balisé et aucun signe distinctif ne permettait de signaler les lignes et poteaux devant être déposés. La circonstance que le poteau D29 sur lequel ils travaillaient était numéroté ne suffit pas à considérer que le danger qu'il présentait en raison du fait qu'il était sous tension était suffisamment matérialisé sur le terrain alors que la visibilité de l'intégralité de la ligne était masquée par la végétation. Dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir qu'en ne respectant pas les dispositions précitées des articles R. 4224-20 et R. 4534-121 du code du travail, la société ENEDIS a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 4512-2 du code du travail : " Il est procédé, préalablement à l'exécution de l'opération réalisée par une entreprise extérieure, à une inspection commune des lieux de travail, des installations qui s'y trouvent et des matériels éventuellement mis à disposition des entreprises extérieures. ".

14. Il n'est pas contesté que le 11 septembre 2013, la société SPIE Ouest Centre a réalisé une première intervention sur le tronçon D20 à D28 de la ligne " Bonchamp " et qu'au cours d'une réunion préparatoire la société ENEDIS lui a remis un plan " HTA aérienne à supprimer ". Il n'est toutefois pas établi que ces deux sociétés auraient procédé à une inspection commune des lieux de travail ainsi que le prévoit l'article R. 4512-2 du code du travail alors au surplus que les travaux litigieux se déroulaient au cours de l'été 2014, soit plusieurs mois après le début des opérations de dépose des poteaux électriques. Par suite, la société ENEDIS, qui ne peut utilement soutenir qu'elle n'aurait pas accepté ce sous-traitant de la société Juret dont elle avait néanmoins connaissance et avec lequel elle a eu des contacts, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

15. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 4511-5 du code du travail : " Le chef de l'entreprise utilisatrice assure la coordination générale des mesures de prévention qu'il prend et de celles que prennent l'ensemble des chefs des entreprises extérieures intervenant dans son établissement. ". Aux termes de l'article R. 4512-6 du même code " Au vu des informations et éléments recueillis au cours de l'inspection commune préalable, les chefs des entreprises utilisatrice et extérieures procèdent en commun à une analyse des risques pouvant résulter de l'interférence entre les activités, installations et matériels. / Lorsque ces risques existent, les employeurs arrêtent d'un commun accord, avant le début des travaux, un plan de prévention définissant les mesures prises par chaque entreprise en vue de prévenir ces risques. ". Aux termes de l'article R. 4512-7 du code du travail : " Le plan de prévention est établi par écrit et arrêté avant le commencement des travaux dans les deux cas suivants : 1° Dès lors que l'opération à réaliser par les entreprises extérieures, y compris les entreprises sous-traitantes auxquelles elles peuvent faire appel, représente un nombre total d'heures de travail prévisible égal au moins à 400 heures sur une période inférieure ou égale à douze mois, que les travaux soient continus ou discontinus. Il en est de même dès lors qu'il apparaît, en cours d'exécution des travaux, que le nombre d'heures de travail doit atteindre 400 heures ; 2° Quelle que soit la durée prévisible de l'opération, lorsque les travaux à accomplir sont au nombre des travaux dangereux figurant sur une liste fixée, respectivement, par arrêté du ministre chargé du travail et par arrêté du ministre chargé de l'agriculture. ".

16. Il est constant que si la société Dekra a été désignée en qualité de coordonnateur en matière de sécurité et de protection de la santé et a rédigé un plan général simplifié de coordination, sa mission, qui ne concernait que les travaux de construction et de modification du réseau souterrain, était achevée depuis le 12 février 2013. Il n'est pas établi qu'une analyse des risques, lesquels étaient réels en raison de la mise hors tension d'une partie seulement de la ligne " Bonchamps " et de la présence de haies bocagères faisant obstacle à une continuité visuelle du chantier, aurait été réalisée pour la partie aérienne des travaux comprenant notamment la dépose des poteaux supportant cette ligne, ni que la société ENEDIS, entreprise " utilisatrice " au sens de l'article R. 4522-5 du code du travail, aurait assuré la coordination générale des mesures de prévention requise. De même, si cette société ENEDIS fait valoir qu'elle avait fourni à la société SPIE Ouest Centre un plan de situation suffisamment clair, il ne résulte pas de l'instruction que ce document constituait un plan de prévention répondant aux exigences des dispositions de l'article R. 4512-7 du code du travail. Dans ces conditions, les requérants sont également fondés à soutenir qu'en ne respectant pas ces dispositions, la société ENEDIS a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité.

Sur le lien de causalité et la part de responsabilité imputable à la société ENEDIS :

17. Les différentes fautes commises par la société ENEDIS rappelées aux points 11 à 16 doivent être regardées comme ayant contribué à la survenue de l'accident mortel de Z... AW... et de BJ... R....

18. Il est toutefois constant que dans son jugement du 21 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Laval a reconnu que la société SPIE Industrie et Tertiaire, venant aux droits de la société SPIE Ouest Centre, avait commis à l'encontre de ses deux salariés une faute inexcusable résultant de la méconnaissance de ses obligations prévues aux articles R. 4511-1 et suivants du code du travail, en ne procédant pas à une analyse spécifique du risque lié au maintien en tension d'une partie de la ligne, en ne délivrant qu'un seul plan de la zone de travail pour l'ensemble des équipes devant intervenir, en ne mettant en place aucun balisage de chantier et en mettant à la disposition des salariés un matériel insuffisant afin notamment de leur permettre de vérifier la mise sous tension d'une ligne électrique.

19. Il résulte enfin de l'instruction que Z... AW..., salarié expérimenté et habilité à intervenir sur ce type de chantier, n'a pas vérifié si le poteau D29 se trouvait toujours sous tension. De plus, les deux salariés ont réalisé les travaux litigieux sans être en possession du plan de situation qui leur avait été remis par leur supérieur hiérarchique la veille et qu'ils se sont retrouvés simultanément dans la nacelle lors de l'intervention sur le poteau D29. La société ENEDIS est par suite fondée à soutenir que les fautes des deux victimes ont contribué à la réalisation du dommage.

20. Dans ces conditions, il y a lieu d'évaluer la part de responsabilités incombant à la société Enedis dans la survenance du dommage dont ont été victimes Z... AW... et BJ... R..., à 25 %.

Sur les préjudices des consorts AW... et R... :

21. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, compte tenu de la part de responsabilité incombant à la société ENEDIS, d'évaluer les préjudices subis par les requérants aux sommes suivantes :

Famille AW... : 47 750 euros répartis comme suit :

- 7 500 euros pour Mme BC... AW..., épouse de Z... AW..., alors âgé de 58 ans,

- 3 250 euros pour chacun des enfants du couple : M. AY... AW..., Mme B... AW..., Mme AM... AW..., Mme AG... AW..., Mme AR... AW..., Mme C... AW... et M. BF... AW...,

- 5 000 euros pour M. AN... AW..., le plus jeune des enfants du couple, mineur au moment du décès de son père,

- 1 250 euros pour chacun des petits-enfants du couple : M. U... AW..., Mme S... AW..., à l'exception de la jeune F... A..., qui n'était pas née au moment des faits,

- 2 000 euros chacun aux frères de Z... AW... : M. H... AW... et M. E... AW...,

- 500 euros pour chacun des autres membres de la famille : Mme BA... AX..., M. AL... AV..., M. AK... AJ..., M. Q... Meunier, Mme AD... D... épouse AW..., Mme BD... AS... épouse AW..., Mme AT... P..., M. Z... O..., Mme AZ... P..., M. G... J..., Mme BB... P..., et M. AE... P....

Famille R... : 26 750 euros répartis comme suit :

- 7 000 euros chacun pour Mme AP... R... et M. I... R..., parents de BJ..., alors âgé de 20 ans,

- 2 500 euros pour chacun des frères et soeur de BJ..., M. V... R..., Mme L... R..., et M. AI... R...,

- 1 250 euros pour chacun de ses grands-parents, M. T... X..., Mme AA... X..., M. Y... R..., et Mme AB... R...,

- 250 euros pour Mme BE... AO..., la marraine de BJ....

Sur la subrogation de la CPAM :

22. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de subroger la CPAM dans le versement de la somme globale de 74 500 euros (47 750 + 26 750) mise à la charge de la société ENEDIS. Par suite, les conclusions présentées à cette fin par les requérants ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les intérêts et la capitalisation :

23. Les sommes mises à la charge de la société ENEDIS seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2020, date de réception de la réclamation préalable des consorts BH.... Les intéressés ont sollicité la capitalisation de ces intérêts dans leur requête introductive d'instance présentée devant le tribunal administratif de Nantes le 31 décembre 2020. À cette date, les intérêts d'une année n'étaient pas encore dus. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 31 décembre 2021 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les conclusions de la CPAM de la Loire-Atlantique :

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Enedis :

24. Aux termes de l'article L. 122-1 du code de la sécurité sociale : " Tout organisme de sécurité sociale est tenu d'avoir un directeur (...) / Le directeur décide des actions en justice à intenter au nom de l'organisme dans les matières concernant les rapports dudit organisme avec les bénéficiaires des prestations (...) Dans les autres matières, il peut recevoir délégation permanente du conseil ou du conseil d'administration pour agir en justice. / Le directeur représente l'organisme en justice et dans tous les actes de la vie civile. Il peut donner mandat à cet effet à certains agents de son organisme (...) ".

25. Les recours subrogatoires intentés par les caisses de sécurité sociale contre les tiers responsables des accidents corporels dont sont victimes leurs assurés, qui tendent au remboursement des prestations servies à ces derniers à l'occasion de tels accidents et touchent ainsi aux matières concernant les rapports des caisses avec les bénéficiaires des prestations, sont au nombre de ceux en vue de l'exercice desquels les dispositions précitées de l'article L. 122-1 du code de la sécurité sociale donnent qualité au seul directeur pour décider d'agir en justice.

26. Il résulte de l'instruction que les victimes de l'accident du travail étaient affiliées à la CPAM de la Mayenne et en vertu d'une convention de mutualisation sur le recours contre tiers, la CPAM de Loire-Atlantique prend en charge, depuis le 3 avril 2017, les recours contre les tiers relatifs aux assurés desdites caisses. Dans ce cadre, le directeur et représentant légal de la CPAM de la Mayenne a donné tous pouvoirs au directeur général de la CPAM de la Loire-Atlantique " pour mettre en cause les tiers responsables, former les recours subrogatoires sur le fondement des articles L. 376-1 et suivants et L. 454-1 et suivants du code de la sécurité sociale, pour agir en justice et conclure pour le compte de la CPAM de la Mayenne dans le cadre de dossier traitant à titre principal ou incident du recours contre tiers ". Par suite la fin de non-recevoir opposée par la société ENEDIS doit être écartée.

En ce qui concerne le remboursement de ses débours :

27. Il résulte de l'instruction que la CPAM de la Mayenne a versé les sommes de 4 898,30 euros et de 571 526,35 euros au titre du capital décès de BJ... R... et de Z... AW.... Par suite, elle est fondée à demander la condamnation de la société ENEDIS à lui verser, à hauteur de la faute commise par cette dernière, le remboursement de ses débours, soit 25 % de 4 898,30 euros pour BJ... R... et 25 % de 571 526,35 euros pour Z... AW.... La société ENEDIS versera dès lors à la CPAM de la Loire-Atlantique la somme globale de 144 106,16 euros (1 224,57 + 142 881,59).

En ce qui concerne les intérêts :

28. Même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts, tout arrêt prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts au taux légal au jour de son prononcé jusqu'à son exécution. Ainsi, la demande de la CPAM de la Loire-Atlantique tendant à ce que lui soient alloués des intérêts au taux légal ainsi que leur capitalisation, sans autre précision, sur les sommes, que la société ENEDIS est condamnée à lui verser, est dépourvue d'objet.

En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :

29. Eu égard à la somme dont elle obtient le remboursement par le présent jugement, la CPAM de la Loire-Atlantique est en droit d'obtenir, en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et de l'article 1er de l'arrêté du 23 décembre 2024 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2025, le versement d'une indemnité forfaitaire de gestion d'un montant de 408,15 euros, s'agissant des débours engagés pour BJ... R..., et de 1 212 euros, s'agissant des débours engagés pour Z... AW....

Sur les conclusions d'appel en garantie présentées par la société ENEDIS à l'encontre de la société SPIE :

30. Dans le cadre d'un litige né de l'exécution de travaux publics, la société Enedis, en sa qualité de maître d'ouvrage, peut compétemment, devant le juge administratif, rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération avec qui elle n'est liée par aucun contrat, notamment s'ils ont commis des fautes qui ont contribué à la survenue du dommage. Ainsi qu'il a été dit au point 18, le juge judiciaire de Laval, dans son jugement du 21 octobre 2022, a considéré que la société Spie Centre Ouest avait manqué à ses obligations en sa qualité d'employeur des deux salariés victimes de l'accident survenu le 25 juillet 2014. Ayant en l'espèce contribué de manière prépondérante à la réalisation du dommage, la société SPIE Building Solutions, venant aux droits de la société SPIE Industrie et Tertiaire, venant elle-même aux droits de la société SPIE Ouest Centre, garantira la société Enedis à hauteur de 65 % de la somme de 74 500 euros mise à sa charge.

31. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, la société Enedis est fondée à demander que la société Spie Building Solutions la garantisse à hauteur de 65 % de la somme de 144 106,16 euros mise à sa charge au point 27.

Sur les frais liés au litige :

32. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des requérants, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la société ENEDIS de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société ENEDIS le versement aux consorts AW... et R... d'une somme globale de 1 500 euros et à la CPAM de la Loire-Atlantique d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais. En revanche, il y a lieu de laisser les frais exposés dans le cadre de la présente instance par la société SPIE Building Solutions, à sa charge.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2013551 du 9 janvier 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La société ENEDIS est condamnée à verser aux consorts AW... et R... la somme globale de 74 500 euros suivant le détail mentionné au point 21. Ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2020, les intérêts échus étant capitalisés au 31 décembre 2021 ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 3 : La société ENEDIS versera à la CPAM la somme globale de 144 106,16 euros en remboursement des débours exposés pour le compte de BJ... R... et de Z... AW... outre les sommes de 408,15 euros et de 1 212 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Article 4 : La société SPIE Building Solutions garantira la société Enedis à hauteur de 65 % de la somme de 74 500 euros mise à sa charge en réparation des préjudices subis par les ayant-droits des victimes.

Article 5 : La société SPIE Building solutions garantira la société Enedis à hauteur de 65 % de la somme de 144 106,16 euros mise à sa charge en remboursement des débours exposés par la CPAM de la Mayenne.

Article 6 : La société ENEDIS versera la somme de 1 500 euros aux consorts AW... et R... d'une part et à la CPAM de la Loire-Atlantique d'autre part, au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête des consorts AW... et R... et des conclusions incidentes de la CPAM de la Loire-Atlantique sont rejetés.

Article 8 : Le surplus des conclusions présentées par la société ENEDIS ainsi que les conclusions présentées par la société SPIE Building Solutions sont rejetées.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à Mme BC... AW..., M. AY... AW..., M. U... AW..., Mme S... AW..., Mme BA... AX..., Mme B... AW..., Mme AM... AW..., M. AL... AV..., Mme AG... AW... divorcée A..., Mme M... A..., Mme AR... AW..., M. AK... AJ..., Mme C... AW..., M. Q... Meunier, M. BF... AW..., M. AN... AW..., M. H... AW..., Mme AD... D... épouse AW..., M. E... AW..., Mme BD... AS... épouse AW..., Mme AT... P..., M. Z... O..., Mme AZ... P..., M. G... J..., Mme BB... P..., M. AE... P..., Mme AP... X... épouse R..., M. I... R..., M. V... R..., Mme L... R..., M. AI... R..., M. T... X..., Mme AA... W... épouse X..., M. Y... R..., Mme AB... AC... épouse R..., Mme BE... BG..., à la société ENEDIS, à la société SPIE Building Solutions, venant aux droits de la société SPIE Industrie et Tertiaire, venant elle-même aux droits de la société SPIE Ouest Centre, à la caisse primaire d'assurance maladie de Mayenne et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 20 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente de chambre,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2025.

La rapporteure,

V. GELARDLa présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

Y. MARQUIS

La République mande et ordonne au Garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00670


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00670
Date de la décision : 16/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BRISSON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : TOISON - ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-16;24nt00670 ?
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